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26/12/2013

LE CASINO DE CHATOU (1882) : IMPAIR ET PASSE

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Une vue de l'ancien Chatou dans les années cinquante, en fait le Chatou du XIXème siècle resté tel que jusqu'à la Rénovation de 1966. A l'extrême-droite à côté de l'église, le casino, "reine d'un jour", devenu le presbytère en 1910.

 

A la fin du XIXème siècle, le développement du pays se faisait autour d’une église qui n’était pas entièrement sauvée des ruines des bombardements des batteries françaises du Mont-Valérien de la guerre franco-prussienne. La municipalité, qui avait fait refaire sa façade par l’architecte Eugène Bardon en 1880, cherchait à la fois à la restaurer et à l'agrandir.

L’argent manquait, la municipalité d’Ernest Bousson, élue en 1878 en qualité de « première municipalité républicaine » selon le mot du maire, cherchait un financement.  L’actuel presbytère, édifice construit pour ses parents par le comte Réal, chef de la police sous l’Empire,  était alors une habitation privée (il n’abrita la cure qu’à partir de 1910).  Un directeur de théâtre, Paul Bourdeille, proposa à la municipalité d’en faire notamment un casino et ce projet fut accepté par le conseil municipal  le 30 mai 1882. Le 25 juillet, la municipalité signait une convention avec  le propriétaire de la maison pour en faire uniquement un casino.

L’affaire choqua car le casino, situé à côté de l’église, parut défier les consciences.  Un journal « conservateur », « Le Journal de Saint-Germain », acrimonieux contre la municipalité à tous propos, salua ainsi l’inauguration de l’établissement dans un article du 4 août 1882 : « Réjouissez-vous, bohèmes et clodoches, Chatou a enfin son Casino ! nymphes de la Grenouillère, inventez une danse nouvelle pour fêter cette heureuse journée. Comme monsieur le préfet de Seine-et-Oise et Monsieur le Maire de Chatou ont choisi des circonstances favorables pour inaugurer ce nouveau temple consacré aux plaisirs ! c’est au moment où le prestige de la France s’affirme avec tant d’éclat  sur les bords du Nil et dans la capitale des Osmanlis que cet évènement remarquable se produit.

Habitants honnêtes de Chatou préparez-vous à envoyer vos filles dans ce lieu de plaisirs où les habituées de la Grenouillère leurs donneront de salutaires exemplaires. Si cela ne suffit pas, vous trouverez bien dans quelque coin de votre pays des châtelaines ayant voitures et chevaux qui dirigent à Paris des couvents renommés, demandez-leur quelques-unes de leurs pensionnaires pour enseigner à vos filles l’art de se conduire dans le monde.

Habitants de Chatou, envoyez aussi vos fils dans ces établissements créés pour la jeunesse, ils y apprendront comment on dissipe en peu d’heures des fortunes laborieusement acquises par plusieurs générations de travailleurs ! donc dimanche dernier, il y avait une grande fête au casino de Chatou pour l’inauguration de cet établissement d’utilité publique. Trois cents invitations gratuites avaient été lancées à la haute gentry du pays. Est-ce l’organisateur du casino, est-ce la la municipalité de l’endroit qui en faisait les frais ? nous l’ignorons encore.

(…) Nous devons constater, en historien véridique, qu’en dehors du casino où nous n’avions pas l’honneur d’être invité, la ville de Chatou avait une mine passablement triste dimanche soir.

Outre que l’éclairage faisait toujours défaut (on avait compté sur la lune), les cafés de la ville et de la gare ont dû faire de maigres recettes. Messieurs les patentables auront du reste le loisir de constater  que si le casino vient leur couper l’herbe sous le pied, le fisc ne leur fera pas grâce d’une obole quand le moment sera venu de payer les impôts. Trop heureux seront-ils s’ils ne subissent pas l’année prochaine une augmentation nouvelle. »

La rétribution de la ville liée au casino avait été fixée dans le contrat à 500 francs par an, portés  à 1000 francs par an à partir de la 6ème année d’exploitation. Le projet eut beau être figé sur le papier, le casino sombra en deux ans. La maison redevint une habitation privée.


Sources :

- "Mémoire en Images - Chatou" par Pierre Arrivetz (éditions Alan Sutton 2003)

- recherches d'Eric Dubart à la Bibliothèque de Saint-Germain-en-Laye