1804

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/06/2014

CLEMENT LABELONYE, L'INDUSTRIE DU COEUR ET DES OPINIONS

Jean-Pierre-Claude-Clément Labélonye (1805-1874) nous est connu à travers son nom de rue attribué en 1879 à l’ancienne rue du Chemin Vert. Sa très belle villa qu’il fit construire en 1851 (sa déclaration au cadastre date de 1854) subsiste toujours à l’angle de la rue des Pommerots et de l’avenue des Tilleuls.

 

 

VILLA LABELONYE.jpg

L'image ci-dessus ne représente qu'imparfaitement l'immense corps de bâtiments formant la propriété que Clément Labélonye fit construire et habita avenue des Tilleuls  grâce à sa prodigieuse industrie dans la pharmacie. Son parc, non loti , s'étendait alors jusqu'à l'actuelle rue Labélonye.

 

Les almanachs médicaux ont décliné le nom de Labélonye dans le XIXème siècle à travers une production pharmaceutique dont les noms seuls auraient pu suffire à condamner la perspective d’une guérison : pilules de variolarine-bouloumie contre la fièvre et les névralgies, ergotine et dragées d’ergotine de Bonjean (chimiste médaille d’or de la Société de Pharmacie de Paris), remède contre les hémorragies, pansement des vieilles plaies, huile iodée de J.Personne contre les maladies scrofuleuses et maladies de la peau, jugée plus efficace que l’huile de foi de morue, granules et sirop d’hydrocotyle asiatica contre les maladies de peau, syphilitiques, scrofuleuses, rhumatismales, tissu-sinapisme contenant les principes actifs de la farine de moutarde. Nous étions encore sous le Second Empire et la pharmacie tenait à peu de choses.

 

La grande réussite de Labélonye fut son sirop pour les « maladies du cœur » : « sirop titré à raison d’un tiers de milligramme de digitaline cristallisée par cuillérée à bouche, dose 3 cuillérées à bouche par 24 heures renfermant 4 milligrammes de digitaline cristallisée. »

 

Le sirop de digitale de Labélonye, apparu à la fin de la Monarchie de Juillet, connut un succès resplendissant, au point d’être encore proposé en 1925 dans l’Almanach Catholique Français.

 

Aucun étonnement que Clément Labélonye fut président de la Société de Pharmacie de Paris et qu’il devint un pharmacien réputé et fortuné. D’abord rattaché à d’autres officines de ses confrères, il fonda en 1867 la pharmacie « Labélonye et Cie » 99 rue d’Aboukir, celle-là même dont ses descendants assuraient encore la prospérité en 1925 !

 

Loin de se contenter de la médecine du corps, la médecine des âmes appela Labélonye à professer un républicanisme acharné, depuis son élection comme adjoint au maire du 5ème arrondissement de Paris à la Révolution de 1848 à son élection au suffrage universel masculin au conseil municipal de Chatou sous Napoléon III en 1865, fonction qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1874 et dans laquelle il apporta son soutien aux élus de Chatou contre l’indépendance du hameau du Vésinet (361 hectares détachés de Chatou en 1875). Enfin, une carrière plus brève comme député de Seine-et-Oise à l’Assemblée Nationale unique de 1871 le confirma dans son indéfectible attachement au système républicain et son opposition aux monarchistes constitutionnels, qui, bien que légèrement majoritaires, manquèrent leur dernière opportunité.

 

La veuve du député Labélonye et son fils continuèrent à résider dans la somptueuse villa de l’avenue des Tilleuls jusqu’à ce qu’une succession elle aussi d’ordre médical apparaisse dans la personne du docteur Millard (1830-1915), médecin des hôpitaux de Paris, membre du conseil de surveillance de l’Assistance Publique, Chevalier puis Officier de la Légion d’Honneur, qui acquit les lieux en 1892.

 

Les recherches nous conduisent à penser qu’un fait plus particulier en dehors de rencontres à la pharmacie a pu permettre le lien du conseiller municipal Labélonye et du docteur Millard : la guerre Franco-Prussienne. Clément Labélonye était en effet à la tête des ambulances durant le siège de Paris de septembre-octobre 1870 cependant que le docteur Millard était responsable des ambulances du 4ème secteur de Paris.

 

 

Sources :

 

- "Chatou, de Louis-Napoléon à Mac-Mahon 1848-1878" éditions Alan Sutton (2005)

- Archives municipales de Chatou

- Gallica : Almanachs médicaux

 

LOCO DU PATRIMOINE 2.jpg

Locomotive SNCF 241 P compound fabriquée aux usines Schneider du Creusot de 1948 à 1952, emblème de l'association.

29/05/2011

GALLIFFET : AMOURS, GLOIRE, MASSACRE...ET UN PETIT LIEN AVEC CHATOU

 

GALLIFFET1.jpg

 

Le général de Galliffet, dont le nom est immanquablement lié au massacre de la Commune, doit-il être mentionné dans l’histoire de Chatou ? né le 23 janvier 1830 84 rue du Bac à Paris, il était le rejeton d’une  vieille famille du Vaucluse recensée en 1380,  famille perpétuée par  une descendance de militaires.

L’un de ses membres, Joseph de Galliffet, avait légué à ses héritiers une fortune amassée  sous Louis XIV comme gouverneur de Saint-Domingue grâce à  la culture de la canne à sucre. Le havre de la famille était un château au Tholonet.

Le jeune marquis Gaston de Galliffet, après avoir  reçu une éducation très dure,  perdit sa mère en 1853 et son père en 1854. A 24 ans, il se retrouvait ainsi à la tête d’une immense fortune cependant qu’il poursuivait une carrière militaire  comme sous-lieutenant au régiment des Guides, garde personnelle de Napoléon III sous les ordres du colonel Fleury.

Forte tête et prêt à poursuivre ses amours comme on poursuivait l’ennemi, il refusa de s’embarquer pour la Crimée le 21 octobre 1854 pour une jeune femme, Constance Resuche, qu’il appelait  « la marquise » et dont il savait peu de choses. En effet,  à la fin d’un dîner où il avait invité le maire et le curé, les convives eurent la surprise de voir arriver deux gendarmes pour arrêter son élue.

Enfin embarqué en Crimée, il s’y distingua mais s’enfuit à nouveau pour retrouver à Balaclava Constance Resuche après avoir bravé les postes français, anglais  et russes. Arrêté et mis aux arrêts, il fut libéré pour le siège de Sebastopol où sa conduite héroïque et ses blessures lui valurent une première citation à l’ordre de l’armée.

La Légion d’Honneur lui fut acquise le 25 juin 1855 lorsqu’il prit d’assaut la lunette du Kamtchatka. De retour en France en septembre 1855, il obtint le grade de lieutenant des Guides le 30 décembre 1857 et épousa la fille du banquier Laffitte le 26 octobre 1859.

C’est dans cette période de jeunesse que Galliffet apparaîtra dans les documents cadastraux de Chatou. Non seulement il y figurera comme propriétaire d’un terrain nu 19 rue Camille Périer en 1855 (4000 m²) mais encore il le cèdera à Constance Resuche qui le revendra à un agent de change, Nicolas Lacroix. 

La veuve Poupart y fera édifier une villa en 1856, laquelle deviendra la propriété du sénateur de l’Empire Victor Suin (il siégea de 1863 à 1870), conseiller municipal de Chatou de 1865 à 1870.

Soldat héroïque en Crimée, en Algérie, au Mexique (1), pendant la guerre Franco-Prussienne, il  fut en réalité l’objet de sollicitations constantes des pouvoirs publics en déroute : lorsque Thiers voulut maintenir le gouvernement dont il était le représentant en 1871 contre la Commune en armes, Galliffet reçut l'un des commandements de l'armée versaillaise et installa son quartier général à Saint-Germain en prévision de la sortie de Paris des Fédérés emmenés par Flourens le 2 avril 1871.

La colonne de Flourens fut défaite par le déferlement des bataillons de l'armée gouvernementale et les bombardements du Mont-Valérien.

Trois Fédérés se réfugièrent à Chatou où ils furent dénoncés par le capitaine des pompiers et, sur ordre de Galliffet, arrêtés puis fusillés le 3 avril au matin.

Le 11 novembre 1945, le Comité municipal de libération de Chatou apposa une plaque en mémoire des trois morts de la guerre civile à l'angle de l'avenue Foch et de la rue Camille Périer, peut être inexacte sous le titre "morts pour leur idéal républicain" alors que les républicains étaient précisément des deux bords.

Là est l'accusation qui demeure pour l'histoire : les Versaillais tuèrent 16.000 Fédérés, sans doute la plus grande répression menée depuis la Terreur. Or, c'est moins pour avoir combattu un pouvoir insurrectionnel illégal que le fait d'avoir, à de nombreuses reprises, fait fusiller des prisonniers qui se rendaient et des familles entières  toutes générations confondues, que l'armée régulière entâcha son intervention d'une cruauté injustifiée et injustifiable. 

La volonté d'en finir avec les révoltes parisiennes récurrentes des couches populaires (1830-1848) dont Thiers avait été le témoin (comme soutien au duc d'Orléans en 1830 puis comme président du conseil de Louis-Philippe en 1848), et cette fois-ci avec un soulèvement qui était encouragé par Karl Marx lui-même, domina tout sentiment.

Paradoxalement, l'écrasement des Communards inaugura l'ère de la Belle Epoque et dans les années qui suivirent, bien peu de Français, parmi les plus républicains, en conçurent un regret.

 

FEDERES CERCUEIL.jpg

Cercueils de Fédérés - Le drame des guerres civiles

 

 

Plus tard, en 1899, Waldeck-Rousseau, président du Conseil naviguant entre les attentats anarchistes et les tentatives de coup d'Etat, appela le général de Galliffet à siéger aux côtés de Millerand, alors socialiste, au ministère de la Guerre, pour, pensait-il, rassurer l’opinion et les monarchies européennes.

 

WALDECK ROUSSEAU.jpg

Waldeck-Rousseau, avocat républicain libéral qui dirigea le ministère de 1899 à 1902

 

"Canaille, assassin, bandit !" entendait-on dans les couloirs de la Chambre. Galliffet répondait à ses collègues: "excusez, je crois qu'on parle de moi !" et il arrivait en courant dans l'hémicycle. 

C’est lui qui demanda, au dam de tous ses pairs et au mépris du Conseil de Guerre condamnant Dreyfus à nouveau mais avec "des circonstances atténuantes", la grâce de Dreyfus, par une lettre adressée au président de la République Emile Loubet le 10 septembre 1899,  considérant l’absence de preuves et le procès en haute cour qui pourrait en résulter pour des chefs militaires compromis. Il mourut le 12 juillet 1909.

 

Sources :

"Galliffet" par H. de Rolland, 1945, Les éditions de la Nouvelle France

"Chatou, de Louis-Napoléon à Mac-Mahon, 1848-1878" par Pierre Arrivetz, 2005, édition Alan Sutton

"Histoire de Chatou et des environs" par Paul Bisson de Barthélémy, 1950, Edition de l'Académie Palatine

Archives municipales de Chatou

 

(1) au Mexique, le général Clinchant écrivit le 9 janvier 1867 : "le colonel de Galliffet continue à remplir sa mission avec une activité digne des plus grands éloges". Le général Clinchant (1820-1881) devait être l'un des témoins de Marthe Lambert à son mariage en 1877 avec Maurice  Berteaux, futur député-maire de Chatou et ministre de la Guerre