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15/04/2014

GEORGES GERSHWIN (1898-1937): UNE PILE DE DISQUES A CHATOU

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Collection Pierre Arrivetz - photograph courtesy The Culver Service, New-York

 

Qui n’a jamais entendu un air de Georges Gershwin ? sa « Rhapsody in blue » imprime une mélodie au mouvement, au fracas, passant de l’irruption à la mélancolie, nous projetant immanquablement dans l’univers grouillant de la grande cité américaine de l’entre-deux-guerres. Le compositeur, qui fit ses premières armes en 1924  participa à l’essor de la musique de jazz au lendemain de la Première Guerre Mondiale, présent sous différentes formes : applaudir les orchestrations Nouvelle Orléans, danser avec le charleston, écouter une symphonie de Gershwin, furent le commun du continent nord-américain dans les années vingt. Dans les années trente, une créativité sans faille s’ensuivit de compositeurs hollywoodiens, largement mise en scène par les grands orchestres de jazz et les comédies musicales.     

La musique de Gershwin connut un succès immédiat aux Etats-Unis. En France, la culture musicale américaine était entrée sur les champs de bataille grâce aux orchestres des soldats noirs habités par le rythme. Elle fut intronisée à Chatou boulevard de la République dans les usines de la Compagnie Générale des Machines Parlantes d’Emile Pathé, d’abord par la vente des appareils à disques permettant l’audition de ces nouveaux succès puis par la production et l’édition d’orchestres.

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Collection Pierre Arrivetz

 

En 1924, le catalogue comptait ainsi plusieurs pages de disques de jazz. Georges Gershwin n’y apparaissait encore que comme l’auteur de deux premiers « tubes » : « Do it again » par le Mitchell’s Jazz-Kings (réf 6577 étiquette marron), et « Swanee » par Mistinguett et l’orchestre de Maurice Yvain (réf 6513 étiquette marron). Nous étions encore dans une production de disques à saphir, française, propre à Pathé. Six ans plus tard, la fusion faite avec la Columbia Graphophone Company ouvrit de nouvelles pages dans le catalogue Pathé à Gershwin. Celui-ci avait également produit entre-temps ses chefs d’œuvre dont les enregistrements en Amérique furent reproduits boulevard de la République : « Rhapsody in Blue » par Lud Gluskin et son jazz (réf 5466), par Willard Robison et son orchestre (réf 6182 N), « S’Wonderful » par Sam Lanin and his orchestra (réf X 6223) , « Do-do-do » from “O Kay” chanté par Annette Hanshaw (réf  X 6200 N), « My one and only », “What am I gonna do” par Sam Lanin et son orchestre (X 6227 N). La fusion entraîna également l’importation de l’édition phonographique des grands labels anglais : le catalogue Columbia de 1932édita sous la férule de l’industrie de Chatou Paul Whiteman et son orchestre, premier interprète aux Etats-Unis de la « Rhapsody in Blue » en 1924 ainsi que Roy Bargy au piano pour le “Concerto en fa” de Georges Gerschwin (3 disques étiquette noire 9665-9667). L’originalité ne manquait pas puisque la “Rhapsody in Blue” fut également produite dans une interprétation pour orgue de Quentin Maclean (DFX 70).

 

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Paul Whiteman, son orchestre et les girls du film "Chercheuses d'Or" de 1929 - collection Pierre Arrivetz

 

 

La Compagnie Française du Gramophone, filiale de Columbia, détentrice du fameux symbole musical, le chien Nipper, sous le label « La Voix de Son Maître », fit parallèlement fabriquer à la même époque à Chatou, de Georges Gershwin, “Funny face” par Victor Arden, Phil Ohman et leur orchestre, “Lady be good” par “Paul Whiteman” (réf K 2755 et K 2952), “O Kay” par l’orchestre « The Revellers » (réf L 661 étiquette verte ou grenat), la “Rhapsody in Blue” par Paul Whiteman (réf  L 634 étiquette verte ou grenat), “Short story” par  Samuel Dushkin (réf P 794 étiquette noire), “Tip toes” par l’ Orchestre Savoy Havana (réf K 5123, étiquette verte ou grenat), par “The Revellers” (réf L 661 étiquette verte ou grenat), par “Paul Whiteman” (réf K 3328 étiquette verte ou grenat) et enfin “Treasure girl” par Victor Arden, Phil Ohman et leur orchestre (réf K 5672). Cette production était peut-être encore limitée à un auditoire parisien  avide de distractions et n’additionnait que des orchestrations en conséquence.

 

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Photo de 1998 de la façade de type Art Deco de l'usine abandonnée de la Société Générale de Disques construite rue Emile Pathé de 1929 à 1931. Pathé-Marconi, créé en 1936 sur la réunion des grandes marques, y concentra sa production de disques pour une distribution mondiale. Cliché Pierre Arrivetz

 

Vinrent les lendemains de la Seconde Guerre Mondiale qui donnèrent la gloire aux soldats américains et la culture du rêve dans un continent exsangue.

La musique de Georges Gershwin était toujours présente dans le catalogue Pathé-Marconi mais un caractère classique et symphonique fut enfin introduit dans la production. En 1950, le créateur Paul Whiteman était maintenu au catalogue pour la « Rhapsody in Blue » version 1924 mais un interprète majeur de Gershwin, présent également comme acteur dans les comédies musicales, fit son apparition : Oscar Levant, pianiste virtuose accompagné par l’orchestre de Philadelphie sous la direction d’Eugène Ormandy, édité en 78 tours sous le label Columbia (GFX 128 et 129) cependant qu’ « Un Américain à Paris » était produit sous la baguette d’André Cluytens, chef de l’orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire sous la même étiquette (GFX 132 et 133).

 

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Collection Pierre Arrivetz

 

 

Dans le catalogue Pathé-Marconi de 1956 où le 78 tours subsistait, Oscar Levant récidiva mais cette fois-ci accompagné de l’orchestre de New-York dirigé par André Kostelanetz (FCX 118). « Porgy and Bess » apparut enregistré par l’orchestre symphonique de musique légère de Georges Melachrino (7 GF 170). Enfin, la Métro-Goldwyn-Mayer, devenue l’une des enseignes de la production de Pathé-Marconi à Chatou, confiait en 1951 à son chef fétiche, David Rose, l’interprétation des musiques du film « Un américain à Paris » (réf MGM 4100).

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Collection Pierre Arrivetz

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11/05/2013

VLAMINCK, L'ENFANT DE LA MUSIQUE

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Maurice de Vlaminck à droite et André Derain à gauche en 1942

 

 

Maurice de Vlaminck (1876-1958), fondateur de l'école des Fauves avec Derain, habita Chatou de 1893 à 1905 39 rue de Croissy (avenue du Général Colin depuis 1918) et 87 rue de Saint-Germain (avenue Foch depuis 1931). Son témoignage, qui s'étend jusqu'aux heures du phonographe dont Chatou était la capitale, vient rappeler un destin bercé par la musique,  une avalanche de notes qui conduisit  Vlaminck à se rendre à l'art pour le reste de sa vie :

 

"Mon père violoniste, ma mère pianiste, je suis né dans la musique. Il m’est impossible, malgré des efforts sincères, de me rappeler l’âge où j’ai su tenir un archet. Dès ma plus tendre enfance, je me suis réveillé, j’ai mangé, dormi au son du violon et du piano. Les exercices des élèves de mon père et de ma mère accompagnèrent toutes les pensées et les gestes d’une vie d’enfant.

Le carnaval de Venise, la Prière d’une Vierge, les Méthodes Lecoupey et Carpentier, Masas, Kreutzer, Etudes, duos, sonatines, morceaux à quatre mains étaient dans notre maison obligatoires et journaliers.

Tous ces petits airs radotants, pénibles, toujours les mêmes, inlassablement épelés, recommencés, accompagnent, bercent, situent dans ma mémoire le manque d’argent, et la misère des professeurs. Je vois nettement aujourd’hui, quand un hasard me fait prévenir aux oreilles ces petits exercices tristes et enfantins, la figure crispée de mon père, qui, anxieusement, pensait au montant du loyer échu, ou à l’obligation de l’acompte mensuel au boucher et au boulanger. Nous étions cinq enfants.

 

Je me revis écolier à l’âge de six ans, peinant sur un problème de règle de trois, insoluble pour moi, ou faisant un pensum pendant que dix fois de suite, sans interruption, un élève recommence les gammes majeures et mineures. Je poursuivis ou plutôt la musique me poursuivit au régiment. Je fis mon service dans une petite ville bretonne. Le jour même de mon arrivée à la caserne, le commandant-major dit au chef de musique : « voici une recrue pour vous ». Pendant trois années, de sept heures du matin à cinq heures du soir, printemps, été , automne, automne, hiver, on broyait la « grande musique » : Wagner, Massenet, Reyer, Leo Delibes, Saint-Saens, Verdi.

Dans la chambrée, où couchaient vingt-quatre hommes, dans une  odeur de coaltar, de cuir, de godillots, de rata, de crasse et de sueur humaine, les formidables harmonies du   " Vaisseau Fantôme " pétaradaient. Tous les opéras « Sigurds », « Les Huguenots », « Le Freyschutz », « Semiramis », « La Marche aux Flambeaux » de Meyerbeer, toute cette pluie de notes, ces averses d’harmonie grandiloquentes ou graves m’évoquent aujourd’hui la caserne !

Dés les premières mesures du Tannhauser, j’aperçois un képi de capitaine, un sabre posé sur un lit, ou bien encore le manteau du colonel et souvent, oh rappel futuriste, la sonnerie du clairon de garde sonnant aux consignés.

Un matin d’hiver, dans cette même chambre, où quarante musiciens militaires répétaient sans arrêt « Hérodiade » de Massenet, je lus, étant exempt de service pour une blessure à la main, « L’Affaire Clemenceau » de Dumas fils. Jamais on ne pourra me retirer de la tête que « L’Affaire Clemenceau n’est pas le livret d’Hérodiade ».

Puis, 1900. Libéré, les orchestres Tziganes de l’Exposition me happèrent. Les valses lentes, les valses bleues et roses. C’est toute la musique de cette époque qui aida Rigo à enlever une princesse… et m’aida à gagner ma vie.

Je sortais d’un orchestre pour entrer dans un autre comme un valet de chambre change de place. Orchestre de café, apéritif en musique, dîner en musique. Là, ce furent toutes les fantaisies arrangées par Tavan : « Rigoletto », « Miss Helyett », « La Fille du Tambou-Major », et des valses, des valses crispantes qui sentent l’amour, la volupté et le billet de cent francs. Minuit, musique de minuit, visions de femmes tristes et sentimentales, ayant dîné par cœur, écoutant recueillies cette musique qui leur remuait l’âme en buvant des alcools. Hébétées, elles attendaient un homme, en laissant leur esprit flotter, s’étirer, aux réminiscenses amoureuses, aux illusions perdues.

Toute une musique, faite de désirs insatisfaits, toute une époque de ma vie. L’une d’elles me donna un louis huit jours de suite  pour que, violon solo que j’étais, je joue pour elle le « Prélude » de Bach. Et de grosses larmes coulaient de ses yeux.

Que le lecteur ne s’imagine pas que je fais de l’humour ou que je dramatise, je lui fais part très sincèrement de mes impressions et du choc en retour qui réveille en moi  ce qu’il est convenu d’appeler la musique. Afin de pouvoir disposer de plus de temps pour peindre, je quittai Paris et les orchestres. Je devins le pauvre professeur chargé de famille. Ce fut la plus dure époque de ma vie. Je recommençais pour mon compte et celui de mes élèves : la méthode Mazas, Kreutzer, Mozart. Musique classique ? Bach, Haydn, Beethoven.

Sonates et concertos, combien avez-vous fait vivre de professeurs, de pauvres gens courant après le maigre cachet sous le froid et la pluie, avec un manteau trop mince et des souliers percés.

Oh, sonates de Mozart ! quand je vous écoute encore aujourd’hui, j’ai la sensation d’avoir les pieds trempés, le dos gelé et mouillé des averses reçues pour gagner ma vie avec vous. Je calculais : tant d’heures de Beethoven pour le loyer, tant d’heures de Mozart pour le cordonnier et le boulanger.

A l’âge de trente ans, ma carrière de musicien fut terminée par Vollard qui m’acheta toutes les toiles que je possédais et que j’avais peintes depuis plusieurs années avec un  enthousiasme gratuit pendant les heures de liberté que me laissaient mes élèves.

 

D’exécutant, je devins auditeur. Alors, j’ai entendu la musique de la guerre. Harmonies lugubres, « la Madelon » qui traîne dans ses jupons le désir du poilu, le « Communiqué » et la « Mort » ! « Tipperary » qui empeste le tabac anglais et le « Business ». « Tout le long, le long du Missouri  » qui fait surgir les accouplements en vitesse, le baiser sur les lèvres avant le départ du train pour le front, pendant que la grosse Bertha faisait trembler Paris, qui remet en mémoire les amours des femmes et des filles  énervées par le veuvage, séduites par nos amis d’outre-mer, absoutes et légalisées par les discours du président Wilson. Puis je sépare ces mélodies du vacarme guerrier de la joie de l’Armistice !...Pourquoi le pourrai-je ! quand il m’est impossible de séparer l’odeur des sureaux en fleurs et le parfum des bourgeons du peuplier, de certaines heures de ma jeunesse. Quand, me trouvant à Southampton, à Marseille, au Havre, le mugissement d’une sirène de remorqueurs fait apparaître devant mes yeux, le pont, les écluses et les coteaux de Bougival.

« Vie de Bohêmes de Puccini ! pour la première fois, je vous ai entendu à la taverne d’Excelsior. Une femme, une femme que j’aimais avec passion était prés de moi. Je vous ai entendu bien d’autres fois, « Chanson de Mimi », vous avez et vous aurez toujours pour moi la même voix et les mêmes gestes que mon amour.  

Sérénade de Toselli. Petit restaurant de la rue Houdon : « Restaurant Italiano ». Apollinaire vient de mourir. Je vais à la première et l’unique représentation de sa pièce : « Couleur du temps » au théâtre Lara. Hier encore, couché et fiévreux, il confiait à notre amitié le soin de la mise en scène de son œuvre.

Un petit violoniste albinos joue dans la salle la sérénade de Toselli. Cette musique, le décor de la salle se lie peu à peu à la mort de Guillaume Apollinaire. Impossible que la Sérénade que j’entends pour la première fois ne devienne pas à cette minute une marche funèbre, impossible pour moi de ne pas adapter cette mélodie à cette vie trop vite fauchée, à la mort de mon ami, impossible aussi de ne pas me rappeler que Picasso et Cocteau déjeunaient en face de moi.  

 

Du doigt aujourd’hui je mets mon phonographe en marche. Instrument nouveau, musique neuve. Elle rompt avec les conventions sentimentales et morales du passé, l’aiguille grésille un peu…Un rythme lent monte, se précipite, monte encore… et nous rejette à terre, d’un seul coup. Ca ne me rappelle rien. Je ne vais jamais dans les dancings. Un chanteur anglais, des nègres américains. Je ne comprends pas les paroles, j’aime beaucoup mieux cela. Les paroles d’une chanson dans une langue étrangère ont le bénéfice du mystère. Les étrangers qui ne comprennent pas le français croient que nous sommes sentimentaux, pacifistes et légers en amour. Est-ce que je demande de comprendre la chanson du rossignol quand il vocalise dans la haie.

Des sonorités, des timbres nouveaux, musique d’aujourd’hui ! roulements de motos sur la piste.

 

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Collection de l'auteur

 

"Le phonographe est devenu pour nos amis Matisse, Vlaminck, Gromaire, Favory, André Lhote, Simon Lévy, un véritable violon d'Ingres. Et tous avaient, cependant, contre l'instrument de Cros et d'Edison, à vaincre ce préjugé qui fait estimer comme un bas truchement l'appareil mécanique se substituant à l'orchestre, à la voix, au virtuose (...)" Florent Fels - "L'Art Vivant" -15 janvier 1928.

 

Jazz : accompagnements d’explosions des moteurs à quatre temps. Rien ne traîne pour moi derrière cette musique-là. Très peu d’intermédiaires. C’est fort, jeune, inattendu, enthousiaste, physique. Des hommes voltigent autour de trapèzes volants. Roulement des wagons sur les rails, bruit des bielles de la locomotive, guitares hawaïennes des transatlantiques.

Ce rythme me fait pressentir ce qui sera quand je ne serai plus.

Je fais tourner un autre disque. Un disque mélancolique, d’une mélancolie humoristique. L’amour du risque, de la tranquillité et de l’Occident.

Je regarde. Dehors, il fait un petit temps frais et sec. Du soleil fait scintiller le gel sur les branches. J’ai hâte d’entendre ronfler sur la route le moteur de ma voiture."

 

Maurice de Vlaminck pour la revue "L'Art Vivant" - 15 janvier 1928

 

 

 

 

13/03/2013

LE DOCTEUR JIVAGO, UN SUCCES DE CHATOU

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Collection Pierre Arrivetz

 

Chatou, orphelin d'une industrie mondiale, reste, à travers les souvenirs, les rééditions, l'activisme de l'auteur, une bibliothèque de la musique du XXème siècle. Nous avons cité quelques compositeurs et artistes lyriques dont les disques furent pressés en nombre aux usines Pathé-Marconi. L'un d'entre eux appelle notre attention car il a contribué à la gloire de l'industrie cinématographique : Maurice Jarre (1924-2009), l'homme que David Lean (1908-1991) sollicita pour réaliser notamment les musiques de ses films "Lawrence d'Arabie", "Le docteur Jivago", "la Route des Indes". En dehors de Nino Rota, y a-t-il tant de compositeurs de musiques de films dont les oeuvres sont restées gravées dans les mémoires ? 

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L'usine Pathé-Marconi rue Emile Pathé, édifice Art Déco réalisé sur des plans de 1929, rasé en 2004 à la demande de la municipalité pour la réalisation d'un projet de ZAC, berceau du microsillon et haut-lieu de production des disques vinyl sur le site Pathé-Marconi. Cliché pour le service de l'Inventaire des Monuments Historiques - JM VIALLES.

 

Maurice Jarre créa et enregistra les musiques du docteur Jivago aux Etats-Unis dans les studios de New-York. A cette fin, le producteur du film, la Metro-Goldwyn-Mayer, mit à sa disposition son orchestre de 105 musiciens et 40 choristes. Le résultat fut consacré par l'oscar de la meilleure musique de film en 1966 remis à Maurice Jarre et plus encore, par une mélodie inoubliable qui fit le tour du monde. A Chatou, les presses des usines Pathé-Marconi s'activèrent. Le succès mondial du docteur Jivago nécessitait qu'un disque vinyl fut écoulé en millions d'exemplaires sur le continent. Le 33 tours pressé à Chatou sur commande de la MGM (réf MGM 665 060-LPL 1210 1Y), aujourd'hui sur le marché de la collection, remplit cette mission et contribua largement à populariser l'oeuvre, le film, le compositeur.

 

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Collection Pierre Arrivetz

 

 

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02/03/2013

HECTOR DUFRANNE (1870-1951), LE BARYTON DE L'AVENUE SARRAIL

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La villa du 18 avenue du général Sarrail d'Hector Dufranne, actuel Laboratoire d'analyses - cliché pris avec l'aimable autorisation de Madame le docteur Déal

 

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Hector Dufranne, né à Mons en Belgique le 25 octobre 1870, fut un baryton de l'Opéra-Comique et de l'Opéra, connu également pour ses interprétations à Londres, Madrid et Chicago.  Faisant partie de tous les jurys du Conservatoire, il fit construire en 1910 à Chatou une villa dont il fut propriétaire jusqu'à sa mort à Paris le 3 mai 1951 au bord de l'avenue du Chemin de Fer (devenue l'avenue du Général Sarrail en 1931). Hector Dufranne fut une vedette de la production londonienne His Master's Voice avant que celle-ci ne s'installe à Chatou dans les usines du boulevard de la République à partir de 1931.

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"Lakmé" de Leo Delibes chanté par Dufranne, disque des années vingt de la Gramophone Company pour le marché français  - collection Pierre Arrivetz

  

La revue "Lyrica" écrivit à son sujet en décembre 1925 : "Dufranne n'est pas seulement un bel artiste doué d'un sens musical et dramatique fort rare, et servi par un organe que certains ont appelé un "phénomène vocal" ; c'est aussi, c'est surtout, un artiste consciencieux, dont la probité, l'honnêteté dans le chant et la composition scénique, fut toujours le plus sûr appoint de succès. Il a su concilier dans tous ses rôles, le respect du style et l'affirmation de sa personnalité ; il s'est efforcé, pour cela, d'être toujours simple et vrai, gardant cette même note dans la correction classique comme dans le pittoresque le plus comique. Sans doute, il est avant tout un tragédien lyrique ; sa plastique et la puissance de son organe, son tempérament fougueux également, le prédisposent davantage à l'interprétation des personnages de drame et d'épopée, des physionomies nobles ou violentes (...) Dufranne a poussé à ce point le souci d'assouplir son talent qu'il est arrivé à pouvoir jouer successivement plusieurs rôles dans une même pièce. C'est ainsi que le brillant Escamillo fit place à l'original Zumiga dans Carmen, que le grave Nikalanta fut aussi l'aimable Frédéric dans Lakmé, que le farouche Theos remplaça l'amoureux Oreste dans Iphigénie en Tauride. C'est ainsi que Dufranne fut encore Horatio ou Hamlet, Albéric ou Donner dans L'Or du Rhin, Boniface ou Le Prieur dans Le Jongleur de Notre-Dame, Abi Méleck ou Le Grand-Père dans Samson et Dalila, Le Duc ou Mercutio ou encore Capulet dans Romeo et Juliette."

 

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Un disque anglais Gramophone Monarch Record portant la taxe sur les droits d'auteur par le biais de l'étiquette - "Manon" de Massenet chanté par Dufranne et Mme Vallandri - collection Pierre Arrivetz

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Les initiales d'Hector Dufranne sur la cheminée de sa maison avenue Sarrail - cliché pris avec l'aimable autorisation de Madame le docteur Déal

Au début des années trente, le baryton fut repris par Columbia qui l'édita dans son catalogue pour trois interprétations : "Pelleas et Melisande" de Claude Debussy sous la direction d'orchestre de Georges Truc de l'Opéra (6 disques D15021 à D15027 - étiquette bleue), "L'heure espagnole" de Maurice Ravel sous la même direction d'orchestre (7 disques D15149 à D15155 - étiquette bleue), "Le poême de la maison" avec l'orchestre et les choeurs de la Société des Grands Concerts de Lyon dirigé par Witkowski (D 14240 - étiquette rouge). Artiste lyrique apprécié, il assura des matinées dramatiques à Chatou, animant notamment avant la deuxième guerre des soirées du décorateur Georges Rémon avenue Foch selon le témoignage que nous en donna sa fille aujourd'hui disparue, Madame Annette Mauban.

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Catalogue français des disques Columbia produits à Chatou de 1932 mentionnant Hector Dufranne. Celui-ci sera maintenu dans le répertoire jusqu'à la guerre - collection Pierre Arrivetz 

 

 

25/02/2013

CHARLES LAMOUREUX (1834-1899) EST DIGNE DU NOUVEAU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE

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Villa de Charles Lamoureux à Chatou et son parc, aujourd'hui disparus - collection Pierre Arrivetz - "Mémoire en Images - Chatou" (2003)

 

Le nouveau conservatoire de musique en phase d'achèvement boulevard de la République apportera à Chatou un intérêt supplémentaire. Tout y a été prévu et en particulier d'accueillir environ 1000 demandes d'enseignement actuellement non satisfaites. Le conservatoire rayonnera par sa fonctionnalité, son chef et ses talents, sans doute plus que pour son architecture extèrieure. Certains de son succès, nous ne pouvons que lui suggérer un nom de Chatou : celui de Charles Lamoureux, chef d'orchestre qui vécut dans sa villa de villégiature, la villa "Haëndel", 2 avenue du Parc de 1875 à sa mort en 1899. Son gendre, Camille Chevillard, qui vécut à sa suite dans la villa de l'avenue du Parc, est l'homme qui reprit son orchestre en 1897 et lui conféra très élégamment le titre de "Société des Concerts  Lamoureux". L'orchestre Charles Lamoureux existe toujours et détient une réputation internationale (cf lien sur notre blog).

 

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Portrait de Charles Lamoureux tiré de l'album "500 célébrités contemporaines" réunissant têtes couronnées, artistes et ingénieurs du monde entier dans les années 1890-1900, album édité par Felix Potin. 

 

 

Né en 1834 à Bordeaux, Charles Lamoureux était entré au Conservatoire de Paris en 1850 en gagnant sa vie comme violoniste dans un petit orchestre. Ayant obtenu un premier prix de violon en 1854, il fut admis à l'orchestre de l'Opéra. En 1858, il fonda et dirigea avec le concours d'Edouard Colonne les Séances  Populaires de Musique de Chambre où il fit la preuve de son habileté instrumentale et de ses qualités de chef. Il devint second chef d'orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de 1872 à 1877.

Mais surtout, ayant épousé une riche héritière de l'industrie du dentifrice, Madame Mussot, en 1860, il se moqua du profit et joua selon ses goûts. Il créa en 1873 la Société d'Harmonie Sacrée et fit entendre les oratorios de Bach, Haendel Gounod et Massenet. Il n'hésita pas à donner des oeuvres inédites en France et promouvoir de nouveaux compositeurs  tels d'Indy, Lalo, Chabrier, Dukas, Chausson. Il dirigea de 1876 à 1877 l'orchestre de l'Opéra-Comique puis fut nommé chef de l'orchestre de l'Opéra en 1877 dont il devint une figure emblématique. Malgré un accueil hostile et parfois des émeutes, il persista à rejouer ses oeuvres préférées jusqu'à ce qu'il eût convaincu ses auditeurs. Son plus grand rôle dans la promotion de la musique a été relevé dans le Journal L'Illustration à propos de "Lohengrin" donné à l'Opéra de Paris en 1891 : " Lohengrin a passé sans encombre. Nous avons parlé de l'oeuvre, il est juste que nous parlions un peu de ses principaux interprètes, à la tête desquels on ne s'étonnera pas que nous mettions le vaillant chef de l'orchestre de l'Opéra : Lamoureux. Le plus petit chef d'orchestre français au physique, mais un des plus grands au niveau artistique. Admirateur passionné de Wagner, il a voulu le faire connaître aux Français. Y est arrivé avec plein succès. Le chef d'orchestre de l'Opéra doit être content." Par décret du 15 janvier 1879 du ministre de l'Instruction Publique, Charles Lamoureux avait été promu Chevalier de la Légion d'Honneur .

 

Sources :

base Leonore - ministère de la Culture - dossier Charles Lamoureux

"L'Illustration" - 19 septembre 1891 -www.lillustration.com

 

15/02/2012

L'ECOSSAIS DE CHATOU

 

Le compositeur LEO DELIBES (1836-1891) fut un spécialiste de l'opérette. On lui doit une cinquantaine d'oeuvres musicales dont celle de "L'OMELETTE à la FOLLEMBUCHE", opérette-bouffe en un acte du croissillon Eugène Labiche et de Marc-Michel représentée pour la première fois à Paris sur le Théâtre des Bouffes-Parisiens le 8 juin 1859.

 

C'est pourtant le ballet "COPPELIA" en 1870 qui le conduisit à la postérité. Si "LA COUR DU ROI PETAUD" conforta sa renommée dans l'opéra-bouffe au Théâtre des Variétés en 1869, il fut également l'auteur de "L'ECOSSAIS DE CHATOU", une opérette en un acte sur un livret de Gille et A. Jaime, créée au théâtre des Bouffes-Parisiens d'OFFENBACH le 16 janvier 1869. C'est peu dire que la ville de Chatou affichait déjà sa célébrité dans la revue joyeuse du Second Empire.  

 

 

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Affiche de "l'Ecossais de Chatou"
 
Le 16 janvier 1869, Offenbach créa l'opérette aux Bouffes Parisiens avec les comédiens suivants dans les cinq rôles: Messieurs Désiré (Ducornet), Bonnet (Lebic), Hamburger (Hippolyte), Mademoiselle Fonti (Palmyre),  Monsieur Munier (Pierret) - collection Pierre Arrivetz 

 

 

 

L'opérette prend pour thème le propriétaire d'un manoir à Chatou (Ducornet) destiné à accueillir les étrangers, qui ne comprend pas pourquoi aucun étranger ne vient :

 

"voilà ce que j'ai dit à mes domestiques...seulement il y a un malheur, une paille dans mon oreiller !...il ne vient pas d'étrangers, comprend-t-on ça ? je cherche, je m'y perds, et je me dis toute la journée : mais quel vice y-a-t-il dans cette maison ?". Il a embauché deux domestiques (Lebic et Palmyre) qu'il affuble des noms de Dikson et Jenny mais rien n'y fait. Il finit par se déguiser pour se présenter dans son manoir.

 

 

 

Couplet "Ensemble" scène IX et dernière :

 

Ducornet

 

Oui, tu reverras ton règne,

O sainte hospitalité.

J'en jure par mon enseigne,

Je saurai la vérité

 

Lebic et Palmyre

 

Vraiment, il faut qu'on le plaigne,

C'est trop de naïveté.

Il s'en rapporte à l'enseigne,

Et veut l'hospitalité

 

L'opérette se termine ainsi :

 

 

Palmyre, Ducornet, Lebic, Hippolyte et Pierret

 

Notre hôtellerie

A déjà ce soir

Bonne compagnie

Notre hôtellerie

Conserve l'espoir

De vous revoir.

 

 

Palmyre

 

La route est aisée,

Fleurie et boisée

 

Hippolyte

 

Le chemin de fer

N'est pas trop cher

 

Lebic

 

Vous prenez la gare,

Celle Saint-Lazare,

Vous trouvez au bout

 

 

Ducornet

 

Chatou !

 

 

Palmyre

 

Chez nous votre couvert est mis,

Revenez nous voir en amis.

 

 

Ensemble

 

Dzing, boum, etc, etc...

 

 

 

 

 

 

* Pour contacter une troupe spécialisée dans l'opérette :

 

   www.jacquesmougenot.com

 

 

24/04/2010

CAMILLE CHEVILLARD (1859-1923) ET CHARLES LAMOUREUX (1834-1899) : DES CHEFS D'ORCHESTRE CATOVIENS

La Belle Epoque de Chatou fut non seulement celle de la peinture mais aussi celle de la musique : en couverture de la revue mensuelle « Musica » de septembre 1903, un Catovien de renom : le chef d’orchestre Camille Chevillard (1859-1923), dans son jardin de Chatou (à droite en canotier). A la mort de son beau-père en 1899, le célèbre chef d’orchestre Charles Lamoureux, il avait hérité sa villa au 2 avenue du Parc où quelques semaines par an, il y perpétuait la tradition d’hospitalité des musiciens français.

 

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collection Pierre Arrivetz

 

 

Voici ce que notait dans la revue Musica le journaliste Wotan :

 

« Cette villa dénommée « Haëndel », fut achetée, voici prés de trente ans, à l’époque des Concerts de l’Harmonie Sacrée, par Charles Lamoureux.

Toute une génération de musiciens, autour de Lamoureux, Emmanuel Chabrier et Victor Wilder, les deux plus intimes amis du chef d’orchestre, y passa des journées joyeuses, où Chabrier improvisait son quadrille sur Tristan et Yseult, que les invités dansaient éperdument , et où l’on faisait toutes les folies.

 

Camille Chevillard y continue en faveur de la génération présente les traditions hospitalières d’autrefois. Le délicat compositeur Charles Levaldé (1869-1948, élève de Massenet, chef du chant à l’Opéra en 1905, auteur notamment de l’opéra « les Hérétiques » la même année et d’une centaine de chansons et mélodies), Duteil d’Ozanne, musicien de race et fondateur de l’Euterpe, le célèbre violoniste Geloso, le violoncelliste Salmon et bien d’autres que j’oublie viennent partager sa villégiature et je mentirais en disant que le trio et le quatuor perdent leurs droits pendant les jours d’été. La musique de chambre devient de la musique de véranda… ».

 

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La villa de Charles Lamoureux et son parc dont hérita son gendre Camille Chevillard (ci-dessous) alors située 2 avenue du Parc à Chatou. L'ensemble a été malheureusement détruit.

 

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Camille Chevillard, pianiste de formation, avait été engagé à plusieurs reprises par Charles Lamoureux pour le seconder, notamment comme chef de chant pour préparer l’héroïque représentation de “Lohengrin” qui avait eu lieu à l’Eden-Théâtre en 1887.

 

En 1890, il avait obtenu la place de second chef d’orchestre dans les concerts Lamoureux et épousé la fille de Charles Lamoureux.

 

En 1898, il avait inauguré une politique d’invitation de chefs d’orchestre étrangers en cédant sa place pour la direction de l’orchestre, rompant avec la tradition de permanence du chef d’orchestre face à ses musiciens. Parmi les invités, Richard Strauss était devenu un habitué.

 

Lorsque Charles Lamoureux mourut en 1899, Chevillard le remplaça à la tête de l’association des Concerts Lamoureux. Il avait donné en concert pour la première fois l’intégrale des symphonies de Beethoven et de Schuman, fait découvrir les oeuvres de Listz, de Brahms, d'Elgar (Enigma variations en 1905, Sérénade pour cordes en 1907), Mahler (Chants du compagnon errant en 1905), Dvoràk (Symphonie du Nouveau Monde en 1906, Ouverture Carnaval en 1907), Strauss (Mort et Transfiguration en 1904, Till Eulenspiegel en 1908). Il avait été également le premier à attirer l'attention des auditeurs français sur la musique russe. Il reprit « l'Apprenti sorcier » de Dukas qu'il dirigea 16 fois en 15 ans.

 

En 1907, il dirigea la classe d'ensemble au Conservatoire.  Lors de l'Exposition Universelle de 1900, Camille Chevillard avait appelé un chef russe, Winogradsky, à diriger l'orchestre.

 

Intéressé aux œuvres du répertoire contemporain, il avait créé des œuvres de Debussy (3 Nocturnes en 1901, La Mer en 1905, L'Enfant prodigue en 1908), Fauré (Pelléas et Mélisande en 1901, Dolly en 1907), Schmitt (Le Palais Hanté en 1905, Musique en plein air en 1906, Rhapsodie Viennoise en 1911), Albéric Magnard (Symphonie n°3 en 1904,  Hymne à vénus en 1906).

 

En 1912, il créa les "Valses nobles et sentimentales" de Ravel sous la baguette du compositeur. La même année, l'orchestre multiplia les tournées à l'étranger.

 

Puis en 1913 Camille Chevillard dirigea pour la première fois la version de concert de trois grands ballets récemment créés sur scène: “Daphnis et Chloé” de Ravel, “La Péri” de Dukas et “Le Festin de l'Arraignée” de Roussel.

 

En 1914, l'orchestre avait fusionné avec les Concerts Colonne en raison de la mobilisation des effectifs et ce, jusqu'en 1919.

 

La même année, il fut nommé directeur de la musique de l'Opéra mais continua d'exercer en tant que professeur au Conservatoire. Il créa “Rêves” de Schmitt en 1918, “La Valse” de Ravel en 1920, “Choral” de Koechlin en 1921, “Prières” de Caplet en 1922 et deux psaumes de Boulanger en 1923.On lui dut quelques compositions : « La ballade symphonique », « Le chêne et le roseau », « La fantaisie symphonique ».

 

Camille Chevillard mourut le 30 mai 1923 dans sa maison de Chatou, la villa Haëndel, dont l'immense terrain fut loti et morcelé entre deux voies nouvelles: les actuelles avenue du Parc et rue Camille Chevillard.

 

Paul Paray, qu'il désigna comme son successeur en 1920, fut élu président-chef d'orchestre des Concerts Lamoureux à sa mort. Plusieurs pétitions locales, de sa mort aux années quarante, vinrent à bout de la résistance des municipalités contre l'ouverture d'une voie à son nom. La rue Camille Chevillard existe mais connait-on suffisamment son histoire ?

 

 

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Une carte postale intéressante : celle que Camille Chevillard adressa à Rhené-Baton (1879-1940), chef de chant à l'Opéra-Comique puis futur directeur des concerts Durand et Pasdeloup (1910-1932), lui-même résident du 40 rue des Ecoles à Chatou. Au dos, la villa Haendel de Camille Chevillard.

 

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La villa "Haëndel" : Charles Lamoureux et sa fille Marguerite qui épousera plus tard Camille Chevillard y sont déjà recensés en 1876 avec 4 domestiques, un jardinier et sa famille. Collection Pierre Arrivetz.        
 
                                                    
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Charles Lamoureux (1834-1899), le chef d'orchestre qui popularisa la musique avec ses concerts, à l'époque où l'enregistrement sonore n'existait pas. Les Concerts Lamoureux font toujours partie des formations réputées internationalement. 

 

Chatou est peut être la ville de France la plus liée à l'essor, la création et la diffusion de la musique aux XIXème et XXème siècles. Parmi les talents qu'elle abritait, Charles Lamoureux fait figure de symbole.

Né en 1834 à Bordeaux, celui-ci était entré au Conservatoire de Paris en 1850 tout en gagnant sa vie comme violoniste dans un petit orchestre. Ayant obtenu un premier prix de violon en 1854, il avait été admis à l'orchestre de l'Opéra. Dix ans plus tard, il fondait avec le concours d'Edouard Colonne des séances de musique de chambre où il fit la preuve de son habileté instrumentale et de ses qualités de chef.

Mais c'est son mariage avec une riche héritière qui lui permit de réaliser ses projets. En 1873, à l'instar de la "Sacred Harmonic Society" de Londres, il créa la Société d'Harmonie Sacrée et fit entendre les oratorios de Bach, Haendel, Gounod et Massenet. Nommé en 1877, il ne se trouva pas entièrement à son aise comme chef d'orchestre à l'Opéra à cause de son caractère dominateur. C'est ainsi qu'il inaugura en 1881 la célèbre Société des Nouveaux Concerts.

Ses visites à Bayreuth ayant fait de lui un wagnérien acharné, il donna les premières grandes auditions intégrales de Wagner en France. Entre 1882 et 1887, ses représentations wagnériennes, le premier acte de Lohengrin et les deux premiers actes de Tristan réussirent à faire triompher les mérites du compositeur allemand.

En 1899, l'année de sa mort, ses 20 représentations intégrales furent, dit-on, d'une interprétation sans égale. Malgré un accueil hostile et parfois des émeutes, il persistait à rejouer ses oeuvres préférées jusqu'à ce qu'il eût convaincu ses auditeurs. Etant riche, il ne se souciait guère des recettes. C'est ainsi qu'il a noblement soutenu les jeunes compositeurs, tels d'Indy, Lalo, Chabrier, Dukas, Chausson.

En 1897, lorsqu’il se retira, son gendre et successeur Camille Chevillard débaptisa la Société en son honneur pour lui donner le nom qui devait lui assurer la postérité, la Société des Concerts Lamoureux.