28/06/2008
L'ATTAQUE DES TUILERIES LE 10 AOUT 1792
L’attaque des Tuileries le 10 août 1792 en représailles au manifeste du duc de Brunswick fut dirigée par le citoyen Tuncq (1746-1800), capitaine de la Garde Nationale de Chatou.
Pour promotion, Tuncq fut envoyé en 1793 en Vendée où il remporta les batailles de Luçon en juillet et en août contre l’armée royaliste d’Elbée et Charrette. C’est ce qui ressort d’une lettre de recommandation signée du conventionnel représentant la Seine-et-Oise, Laurent Le Cointre, révolutionnaire sans limite connu pour avoir fait sa carrière politique sur les dénonciations et voté la mort de Louis XVI. Cette lettre est en vente sur le site abebooks. « Je ne vous entretiendrai pas, citoyen, des services essentiels que le citoyen Tuncq a déjà rendu à sa patrie, il sont connus : c'est lui qui le 10 août a commandé la Garde Nationale dans les Tuileries (.). ». Réfugié au sein de l’assemblée nationale, le roi signa sur demande des conventionnels un ordre de cessation du feu auprès des 800 gardes suisses. Ceux-ci furent massacrés par les gardes nationaux et les volontaires en armes. La République fut proclamée le 21 septembre suivant.
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22/06/2008
« SOUVENIRS SUR GUY DE MAUPASSANT » PAR FRANCOIS, SON VALET DE CHAMBRE
"Monsieur me dit qu'on lui a indiqué à Chatou un appartement très gai, entre les deux bras de la Seine, près du Pont : « Nous irons là, me dit-il, passer six semaines avant de partir pour Étretat. Je serai, j'espère, moins pourchassé par le monde qu'ici ; et puis, je pourrai canoter un peu et me détendre les membres. »
Trois jours après, nous arrivons dans cet appartement. Derrière le salon, dans une sorte de tour, se trouve une petite pièce qui peut servir de bureau. Mon maître me dit : « C'est dans cette pièce, qui domine le bras vif du fleuve, que je pense travailler. Demain j'irai à Paris et je rapporterai ce qu'il faut pour décorer un peu ces murs trop nus et leur donner de la gaieté, vous verrez !... »le lendemain, il revient avec des caisses, et le surlendemain il se met à clouer sur les murs anguleux de cette petite pièce des Chinois, des japonais avec des parasols, des femmes hottentotes qui dansent en se tenant par les mains et se font des grimaces.
Il y avait aussi des poissons à têtes étranges avec des yeux d'argent et des moustaches aux fils tout brillants d'or. Il essayait de les appliquer au mur tantôt la tête en l'air, tantôt la queue dressée, tantôt horizontalement, pour bien se rendre compte du meilleur effet. Puis il condamne une fenêtre, dont on ferma les persiennes et les grands rideaux, une seule fenêtre étant très suffisante pour avoir du jour. On baissa même le store de cette dernière, pour atténuer le grand jour et le reflet brillant de ce bras de fleuve, où se mirait, déjà ardent, le soleil de mai. La matinée était assez avancée ; je demandai à mon maître si je pouvais aller préparer le déjeuner.
Ce nouvel aménagement nous prit plusieurs jours encore.
Quand tout fut bien en place, Monsieur s'assit devant sa table, comme pour travailler ; mais comme le jour venait de côté, il ne put le supporter et se décida à rapporter sur la table du salon tous les objets dont il se servait pour travailler.
Un matin, comme j'entrais dans le salon, je le trouvais à sa fenêtre.
« Voyez, me dit-il, cette berge de l'autre côté, quand l'eau est si basse, comme elle est triste ! Avec cette boue, cela ressemble à une mare à grenouilles sans herbes ; puis ces maisons d'un blanc sale sont vraiment laides. Il est vrai que ce sont des habitations de pêcheurs. Dites-moi, à propos, je voudrais que vous vous entendiez avec un de ces pêcheurs pour qu'il me procure cent cinquante grenouilles vivantes. Je les paye dix francs... »
Ce ne fut pas long ; le lendemain, dans la matinée, le pêcheur apportait les grenouilles, seulement il n'y en avait que cent dix. Quand l'homme fut parti, Monsieur m'appela : « Aussitôt après le déjeuner, vous partirez pour Paris ; vous irez acheter un panier convenable pour y loger ces bêtes, et vous les porterez à Mme O... Vous ferez tout votre possible pour qu'elle ouvre le panier elle-même. Je voudrais que les grenouilles lui sautent à la figure et se dispersent partout dans son salon. »
En arrivant à Paris, je change mes sauteuses de panier. Ce ne fut pas très facile, la peur sans doute doublait leur agilité. Enfin, le transbordement fait, je prends un fiacre et je me rends à la demeure de la dame. C'est un magnifique palais donnant sur une des grandes avenues de Paris, où un jour, l'auteur de la Comédie humaine reposera sur un piédestal, comme me l'a prédit mon Maître.
J'arrive dans l'antichambre. Dans la pièce à côté j'entends qu'on parle dans un acoustique, puis un valet tout chamarré me prie de le suivre. Nous prenons un escalier monumental tout en marbre d'Italie, de couleurs variées, bien assorties, de ton très doux. Arrivé en haut de cette merveille, on me fit entrer dans un salon où mes pieds s'enfonçaient dans le tapis moelleux. Partout ce n'était que glaces et miroirs dans lesquels les arbres du jardin venaient se refléter. J'aurais pu me croire dans quelque palais de féerie. J'avais toujours à la main mon panier de petite fille qui va à l'école, quand j'aperçus devant moi Mme O... que je n'avais ni entendue ni vue venir.
« Bonjour François, me dit-elle.
- Bonjour, Madame. »
Je présentai mon panier, mais elle ne le prit pas.
« Que m'apportez-vous là, François ?
- Je ne sais, Madame, c'est mon maître qui m'a remis ce panier en me recommandant de ne le remettre qu'à vous-même ; c'est vous seule qui pouvez prendre connaissance de son contenu. »
Alors Mme O... Jeta deux « ah ! ah ! » qui sonnèrent très fort dans le salon, rit très haut et sur un ton qu'elle voulait rendre sévère, me dit : « François, vous allez, je vous prie, me dire ce que contient ce panier. » J'essaye encore de défendre la partie, objectant que j'avais des ordres formels de mon maître, et qu'il n'y avait que Madame qui devait connaître le secret du panier.
Mais je ne puis en dire davantage. D'un geste, elle m'arrête : « François, j'attends votre réponse ! » Ceci fut dit doucement, mais avec une autorité telle et d'un ton si imposant que cela me fit l'effet d'un ordre absolu. Alors, tout bredouillant, j'avouai ce que contenait l'envoi. « Eh bien, me demanda-t-elle, que peut-on faire de ces pauvres petites bêtes ? - Je ne sais trop, lui répondis-je. - Enfin, tout de même, reprit-elle, elles doivent bien servir à quelque chose. »
Alors je lui dis : « Oui, madame, chez certains restaurateurs on sert les cuisses, préparées à la poulette, et c'est très délicat. - Ah ! bien, bien, voilà ! les cuisses à la poulette... sont un mets très fin... oui, oui... Les cuisses sont la partie intéressante... » Et elle partit d'un grand éclat de rire.
« C'est bien, dit-elle, remerciez M. de Maupassant, et en descendant, dites, je vous prie, François, au valet de pied, qui est de service en bas, de faire atteler tout de suite, je vais porter ces pauvres petites bêtes au lac du Bois de Boulogne, car elles doivent avoir grand'soif. »
De retour à la maison, je racontai ma défaite à mon maître ; il voulut en connaître tous les détails, et rit de bon cœur : « J'étais sûr du dénouement ; je savais qu'elle n'aurait qu'une pensée, leur sauver la vie ! » (...)"
"Un jour, après son déjeuner M. de Maupassant me dit : « Je vais faire un tour dans l'île ; si on vient me demander, vous répondrez que je suis à Paris.
Vers 3 heures, arrive M. L... : « Le patron est-il là ?... Je lui réponds : « Non, Monsieur est allé se promener dans l'île. - Eh bien, voici ce dont il s'agit ; j'arrive de Paris et j'ai fait le voyage avec Mme N... qui ne me connaît pas. Cette dame est dans un état de surexcitation extraordinaire ; à plusieurs reprises elle a sorti un revolver de sa poche et toute sa colère s'adresse à M. de Maupassant. Il n'y a aucun doute à avoir sur ses intentions ; je vais aller à la recherche du patron et le prévenir. Quant à vous, vous n'avez qu'à attendre cette dame et faites tout votre possible pour l'engager à retourner à Paris...
Un quart d'heure ne s'était pas écoulé que la personne arrivait et, d'un ton très posé, me demandait « François, M. de Maupassant est-il là ? - Non, madame, mon maître est à Paris. - Non, non, reprit-elle sur un ton élevé, je voulais le... »
Puis, subitement elle s'arrête, pâlit ; elle s'effondre dans le vide, je n'ai que le temps de la saisir dans mes bras pour lui éviter une chute, où elle aurait pu se blesser sérieusement. Je la porte sur une chaise longue en osier qui était dans le fond de la salle à manger. Une fois bien étendue, je lui frictionne fortement les mains, je lui applique des compresses de vinaigre sur les tempes ; rien n'y faisait. J'ai alors recours aux flacons de sels, j'en fourre un sous chaque narine par intermittence. Elle ne revenait toujours pas à elle, elle semblait ni plus respirer ; sa pâleur était extrême, je commençais à. me demander si elle n'était pas morte.
Je prends peur, je vais à la fenêtre que j'ouvre toute grande pour donner de l'air, et je me disposais à appeler à l'aide, quand je me souviens qu'en pareil cas il est recommandé de desserrer la malade ; je reviens près d'elle et défais son corsage, puis j'essaye de lui faire respirer des sels en lui soulevant la tête.
Enfin, elle commence à respirer, d'abord très légèrement, puis un peu plus fort ; puis ses lèvres ébauchent le mouvement d'une personne qui a soif, ses yeux sautillent comme s'ils voulaient s'ouvrir et, petit à petit, respirant toujours des sels, elle reprend connaissance.
Après s'être un peu remise, elle me prit les deux mains, elle pleurait à chaudes larmes et dans ses sanglots elle me dit : « François, je vous en prie, donnez-moi M. de Maupassant, donnez-moi M. de Maupassant ou je vais mourir ! Je le veux ! Je vous dis que je le veux !... Je ne lui ferai aucun mal, soyez-en sûr ; je vous le promets... mais donnez-le-moi », criait-elle toujours... Je la calme de mon mieux, lui promettant d'aller de suite à la recherche de mon maître... Je descendis, mais personne n'avait vu Monsieur. Je revenais près de la dame quand j'entendis ouvrir la porte, c'était mon maître qui rentrait. De suite, il me dit : « Je sais, je viens arranger cela. » Il était aussi calme que s'il se fût agi de la chose la plus simple du monde.
Dans la soirée, Monsieur, accompagné de cette dame, vint à la porte de la cuisine et, avec la plus grande aisance, comme si rien ne se fût passé, il me dit : « François, la chose est maintenant arrangée. » L'étrangère ajouta : « Oui, nous sommes maintenant bons amis... » (...)"
In Chapitre VI – mai-juin 1887 « Souvenirs sur Guy de Maupassant » (1911) par François, son valet de chambre (1883 - 1893)
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15/06/2008
"LE MANUSCRIT DE MA MERE" D'ALPHONSE DE LAMARTINE
« 6 octobre 1801
Hier, j’avais envie d’écrire sur ce journal. Un peu de langueur m’en a empêchée ; je me rappelais vivement ce que j’éprouvais à pareil jour, il y a douze ans. Comme le temps coule ! c’était ce fameux 6 octobre si désastreux pour la famille royale à Versailles.
Je me trouvais ce jour-là à Chatou prés de Versailles avec ma mère. Nous revenions du Mesnil, nous comptions aller jusqu’à Paris ; mais les chevaux manquant, nous fûmes obligés de coucher à Chatou, chez Madame Duperron, amie de ma mère. Ce fut un bonheur pour nous, parce que Paris était dans un tumulte extrême et que l’on arrêtait toutes les voitures.
Nous avions aussi beaucoup d’alarmes à Chatou, parce que Monsieur de Lambert, gendre de Madame Duperron, était pour son service militaire à Versailles. Sa femme et ses filles, qui étaient avec nous, tremblaient pour sa vie.
Nous passâmes quelques jours à Chatou, et nous en partîmes avec Madame de Montbriand, qui était comme moi chanoinesse de Salles en Beaujolais, pour venir à Lyon sans rentrer à Paris. Ce fut ce voyage qui acheva de déterminer mon mariage avec le chevalier de Lamartine que j’aimais et qui m’aimait depuis que nous nous étions rencontrés au chapitre de Salles, chez la comtesse de Lamartine de Villars, sa sœur et mon amie. »
In Alphonse de Lamartine « Le manuscrit de ma mère » (1858)
N.B: Après sa seconde rencontre au retour du séjour à Chatou avec le chevalier Pierre de Lamartine par suite d'un accident de voiture, Alix des Roys épousa ce dernier le 7 janvier 1790 à Lyon. De cette union naquit Alphonse de Lamartine le 21 octobre 1790.
Sa mère, Alix des Roys, était la fille de Monsieur des Roys, intendant général des finances du duc d’Orléans. Son père, Pierre de Lamartine, était capitaine de cavalerie. Pressentant l’attaque du roi aux Tuileries le 10 août 1792, il partit s’engager aux côtés des Suisses et de la Garde Constitutionnelle pour le défendre. Ceux-ci furent massacrés. Il parvint à s’échapper blessé mais fut arrêté et comme le reste de sa famille, survécut à plusieurs emprisonnements jusqu’à ce que le régime de la Terreur cesse et qu’il recouvre la liberté.
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