20/11/2012
CHERCHEUSES D'OR A CHATOU
Scène du film "Chercheuses d'Or" (1933) - "Pour Vous" 17 août 1933
Au plus fort de la Grande Dépression, l’industrie cinématographique hollywoodienne dut se surpasser pour apporter la distraction dans les têtes de citadins assombris. A la Warner Bros, ce fut l’œuvre de Jack Warner et de Darryl Zanuck qui donnèrent tous crédits à des comédies musicales d’un genre unique : celles de Busby Berkeley, Mervyn LeRoy et Lloyd Bacon, un feu d’artifice des années trente. Dans leurs films, le scénario et les dialogues ne comptèrent pas. Leur indigence même s’afficha comme une affaire entendue tant les mises en scène grandioses furent une source de fascination.
Scène du film "Chercheuses d'Or" (1933) - "Pour Vous" 17 août 1933
L’organisation de leurs chorégraphies spectaculaires sans succession connue se basait sur un recrutement infernal. Pour le film « Chercheuses d’Or » réalisé en 1933 - on appelait « Chercheuses d’or » les jeunes filles intéressées par les hommes fortunés - Busby Berkeley auditionna 2000 girls pour n’en retenir "que" 200. Le ballet incessant de ces jeunes femmes venues de toutes les régions d’Amérique engendra des perturbations continuelles sur les plateaux des films « traditionnels », les acteurs voisins ne tenant plus en place. La synchronisation obtenue par des répétitions sans pitié et sans répit signa cependant le courage et l’abnégation au service de la mise en scène, octroyant en contrepartie l’aisance et le succès à des jeunes femmes convaincantes et prometteuses, d’un professionnalisme exemplaire.
Des "Girls" de "Chercheuses d'Or" au secours du moral des américains - "Pour Vous" 17 août 1933
Cette série de comédies musicales devait également symboliser un fait marquant de l’industrie du disque : tout spectateur sortant de ces spectacles aux décors inimaginables ne manquerait pas de ressasser les chansons et les airs qu’il avait entendus et lorsque l’opportunité se présenterait, d’en acheter le disque.
Ce fut le cas en Angleterre et en France, où la production des comédies musicales américaines fut l’apanage de Columbia, l’un des labels produits aux usines de Chatou à partir de 1931. Columbia ne fit malheureusement pas presser les orchestrations originales des films. Conformément à son origine anglaise, la société en confia l’exécution à un chef londonien. C’est ainsi par exemple que « Chercheuses d’Or » (« Gold Diggers of 1933 ») fut édité dans un enregistrement exécuté sous la baguette d’un artiste célèbre en contrat la firme, Henry Hall et son orchestre de la BBC *.
Catalogue 1936 des disques Columbia produits à l'usine de Chatou : "Cargaison de rêves" - Collection de l'auteur
Le disque 78 tours DFX 149 d’étiquette bleu marine fut présenté au catalogue et pressé dans la nouvelle usine de la rue Brunier-Bourbon. Celle-ci avait été édifiée comme on le sait aujourd’hui sur les plans de style Art Déco des architectes Wallis, Gilbert et Partners pour le compte du trust Pathé – La Voix de Son Maître – Columbia.
Usine de la Société Générale de Disques. Construite en 1929-1930 sur le terrain de la Compagnie des Machines Parlantes d'Emile Pathé, elle fut le centre de production en Europe des disques Pathé, Columbia, La Voix de Son Maître. Cliché ADGP - Jean-Marc Vialle - tous droits réservés (1985).
"La chanson d'une nuit", tirée du film français du même nom de Pierre Colombier et Anatole Litvak (1932) par le BBC Dance Orchestra sous la direction d'Henry Hall - disque Columbia 78 tours "fabriqué en France". Collection de l'auteur.
Grâce à l’arrivée du cinéma parlant, de nouvelles compositions musicales prenaient place, drainant dans le public l’image de celle ou celui qui chantait, celle d’un décor ou d’un paysage, d’une scène enchantée par une mélodie ou un refrain.
Dans le brouillard d’un monde vacillant, le cinéma versait son tribut à l’industrie phonographique de Chatou.
* l'auteur a entamé le legs d'une collection de disques aux archives de la ville de Chatou comprenant notamment des 78 tours d'Henry Hall et son orchestre de la BBC fabriqués à Chatou
Pour en savoir plus sur les industries Pathé à Chatou :
« Chatou, une page de gloire dans l’industrie » (Chatou Notre Ville - 2012)
« Mémoire en Images, Chatou » (Alan Sutton - 2003)
Publié dans CHATOU DANS L'INDUSTRIE PHONOGRAPHIQUE | 23:11 | Commentaires (0) | Lien permanent
31/07/2009
USINES PATHE, LE PATRIMOINE DU XXEME SIECLE
Chatou est à la fois le berceau de l'industrie phonographique française en 1898 et le berceau du microsillon en Europe en 1951.
Cette histoire industrielle singulière a débuté en 1898 lorsque Charles et Emile Pathé, qui avaient fondé leur propre entreprise de phonographe et de cinéma trois ans plus tôt, entrèrent dans les vues d'un investisseur industriel audacieux, Claude Grivolas (1855-1938). Celui-ci les aida à créer une société anonyme et acheta des terrains boulevard de la République à Chatou pour construire leur première usine. Emile Pathé fut le dirigeant de l'industrie phonographique jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1907, les bénéfices du phonographe surpassèrent ceux du cinéma et vinrent protéger l'industrie du cinéma de Charles Pathé grâce aux parts détenues par celui-ci dans le phonographe.
En 1928, la Compagnie des Machines Parlantes d'Emile Pathé fut acquise à 40% par les firmes anglaises Columbia et His Master's Voice qui achetèrent les parts de Charles Pathé dans l'industrie d'Emile. La fusion fut à l'origine de la construction de l'usine en béton armé rue Centrale (rue Emile Pathé depuis 1937). Baptisée "Société Générale de Disques", l'usine fut édifiée entre 1929 et 1931 par les plus grands architectes anglais de l'Art Déco, Wallis, Gilbert et Partners. La production y fut de 20 millions de disques par an cependant que le reste du site continuait à produire TSF et gramophones. Les premières télévisions furent fabriquées également sur le site de Chatou jusqu'en 1958.
Pas moins de quatre générations de Catoviens et d'habitants de la région travaillèrent sur le site de Chatou jusqu'à ce qu'intervienne une délocalisation en Allemagne en 1990.
Les milliers d'artistes qui y ont été produits, parmi lesquels Edith Piaf, Charles Trénet, Tino Rossi, Maria Callas, Enrico Caruso, Frank Sinatra, Maurice Chevalier, Mistinguett, Joséphine Baker, Luis Mariano, Gilbert Bécaud, Charles Aznavour, Les Beatles, sans compter tous les chefs d'orchestre de musique classique du XXème siècle (Toscanini, Klemperer, Karajan, Ménuhin, Prêtre, Plasson...) et les musiques de films de la M.G.M. (comédies musicales) ont assuré la renommée de l'industrie de Chatou à travers le monde. Il va de soi qu'un musée prestigieux y aurait eu sa place, rassemblant l'histoire des industries phonographiques et cinématographiques, ainsi que cela fut âprement suggéré par l'association.
Malgré une mobilisation nationale ayant un retentissement médiatique sans précédent à l'initiative de Chatou Notre Ville (TF1, Le Monde, Le Figaro, Le Moniteur...) et la possibilité d'une inversion de l'aménagement avec un terrain communal situé à 300 mètres, la municipalité choisit la destruction totale de l'usine pour un projet de promotion immobilière en 2004.
DES SOUTIENS PRESTIGIEUX ET DE TOUS HORIZONS RECUEILLIS PAR L'ASSOCIATION POUR LA CONSERVATION AU MOINS PARTIELLE DE L'USINE PATHE-MARCONI DE CHATOU
Liste au 1er octobre 2004
Eddie Barclay, Fondateur de la Compagnie Phonographique Française (1945), Emmanuel Bréon, Directeur du Musée des Années Trente, Conservateur en chef des Musées de la Ville de Boulogne, Jean-Christophe Averty, Créateur et animateur de l'émission "Les Cinglés du Music-Hall" sur France-Culture, Maurice Culot, Architecte, Membre de la Commission des Monuments Historiques, Grand Prix de la Critique Architecturale, Chargé de mission à l'Institut Français d'Architecture, Président de la Fondation pour l'Architecture - Bruxelles, Jean-Marie Drot, Catovien, Ancien directeur de l'Académie de France d'Architecture à Rome, Auteur-réalisateur d'émissions de radio et télévision, Charles Bourély, Catovien, Inspecteur Général Honoraire des Monuments et des Sites, Pierre Vercel, Catovien, Ancien directeur général et président de Pathé-Cinéma, Pascal Sevran, animateur - réalisateur de télévision, spécialiste de la chanson française, Le Prince Géraud de la Tour d'Auvergne, Inspecteur Général Honoraire de l'Administration Culturelle, Président de Portus Magnus, association internationale pour le développement archéologique, écologique et portuaire d'Alexandrie, Marie-France Calas, Conservateur Général du Patrimoine, Spécialiste du patrimoine sonore et audiovisuel, José Sourillan, Ancien Directeur des Archives Audiovisuelles de RTL, auteur de disques d’histoire et de documentaires, Roselyne Germon, petite-nièce de Jacques Haîk, Créateur du cinéma " Le Grand Rex " (1932), André Hébrard, Catovien, ancien haut fonctionnaire délégué à la Reconstruction, Georges Martin Saint-Léon, Catovien, Ancien président de l'Office du Tourisme de Chatou-Croissy-Carrières-Montesson, Pathé, Société cinématographique créée par Charles Pathé en 1896, L.V.M.H (Moët Hennessy Louis Vuitton), Institut des Archives Sonores, Société possédant un fonds historique de 400.000 documents sonores de 1880 à nos jours - projet d'"université de la parole", les familles de Charles et Emile Pathé, Line Renaud, chanteuse, comédienne, Pierre Arditi, comédien, Claude Piéplu, comédien, Annie Cordy, chanteuse, comédienne, Georges Lautner, cinéaste, Mick Micheyl, chanteuse, sculpteur, Claude Bolling, musicien, chef d'orchestre, Claude Pinoteau, cinéaste, Pierre Tchernia, cinéaste, créateur de l'émission de télévision " Monsieur Cinéma ", Robert Enrico, cinéaste (décédé), Bruno Podalydés, Catovien, cinéaste, Yves Duteil, chanteur, Clelia Ventura, Catovienne, scénariste, fille de Lino Ventura, Odette Ventura, épouse de Lino Ventura, Marie-Christine Audiard, épouse de Michel Audiard, Marie-Thérèse Orain, comédienne, chanteuse, Europa Nostra, Association paneuropéenne du Patrimoine, présidée par Son Altesse Royale le Prince Consort de Danemark, Société pour la Protection du Paysage et de l'Esthétique de la France, association reconnue d'utilité publique, membre de la Commission des Monuments Historiques, La Demeure Historique, association reconnue d'utilité publique, L'Institut du Patrimoine Wallon, Comité d'information et de liaison pour l'archéologie, l'étude et la mise en valeur du patrimoine industriel (CILAC), Association des Amis du Musée de Nogent, Musée-Association " Les Amis d'Edith Piaf ", Association " Les Amis de Barbara ", Association " Les Amis de Tino Rossi”, Association " Les Amis de Louis Amade " (préfet de police, poête, auteur de chansons de Gilbert Bécaud et Charles Trénet), Association du souvenir à Luis Mariano, Association “Les Amis de Jean Sablon”, Jean-Pierre Pasqualini, Rédacteur en Chef du Magazine Platine, Spécialiste de la chanson française, Corinne Lepage, ancien ministre de l'Environnement (Cap 21), André Santini, député-maire (UDF) des Hauts de Seine, ancien ministre, le prince Charles Bonaparte, maire-adjoint d’Ajaccio, Emmanuel Hamelin, député (UMP) de Lyon, membre de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée Nationale, Olivier Dassault, député (UMP) de l'Oise, Pierre Amouroux, député (UMP) des Yvelines, Jérôme Lambert, député (PS) de la Charente, Anne Hidalgo, première adjointe (PS) au Maire de Paris, Serge Méry, vice-président (PS) du Conseil Régional d'Ile de France, Olivier Galiana, conseiller régional (PS) d'Ile de France, Michel de Rostolan, conseiller régional (FN) d'Ile de France, Michel Bayvet, conseiller régional (FN) d'Ile de France, Gilberte Decossin, ancienne déléguée du comité d’entreprise de l’usine de Chatou (CGT).
L’alerte médiatique était donnée depuis plusieurs années par le Courrier des Yvelines et le Parisien. Elle prit un nouveau tour lors du Salon du Patrimoine au Carrousel du Louvre consacré au patrimoine industriel en novembre 2002, auquel participa l’association aux côtés de l’entreprise Pathé. Le journal “Le Monde”, sous la plume d’orfèvre d’Emmanuel de Roux, puis “le Figaro”, dans un grand article d’Hervé Guénot et enfin TF1, dans son journal de 20 h incluant un reportage mémorable de Marion Desmarrets présenté par Claire Chazal, mirent la question sous les yeux de l’opinion publique. Le Moniteur, le Nouvel Observateur, furent aussi de la partie. Le ministre de la Culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon, se concerta avec le maire et l’ABF partisans de la démolition, et refusa une mesure de protection. L’enquête publique en avril 2003 dans la commune révéla ensuite 1806 signatures sur 1877 favorables à une conservation partielle du site (96% des avis exprimés).
En septembre-octobre 2004, l’association ayant saisi les élus nationaux , le président de l'Assemblée Nationale, Monsieur Jean-Louis Debré, saisit le Ministre de la Culture, de même que le ministre de l'Intérieur et le Ministre des Libertés Locales, Monsieur Jean-François Copé. Le ministre des Finances, Monsieur Nicolas Sarkozy, demanda au préfet d'examiner notre dossier avec " bienveillance. " Le successeur de Monsieur Aillagon refusa à son tour de donner suite aux demandes que l’association adressa en mai et septembre 2004 lorsque le site était encore debout.
Jusqu’à la fin, il ne fut jamais tenu aucun compte des arguments des défenseurs d’une conservation partielle. Le site fut entièrement rasé en novembre 2004. Les Domaines avaient proposé à la commune de préempter sa vente pour 4,7 millions de francs en 1998...
Publié dans # PATRIMOINE DETRUIT, CHATOU DANS L'INDUSTRIE PHONOGRAPHIQUE | 08:53 | Commentaires (3) | Lien permanent