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14/02/2011

LE COMTE REAL : LE SOUFRE ET LE SOUFFLE D'UNE EPOQUE

Pierre François Real est un personnage singulier de notre ville,  plus digne d’intérêt que de sympathie. Né à Chatou le 28 mars 1757, fils de l’intendant du ministre Bertin, le dernier seigneur de Chatou (1762-1789), il reçut une solide instruction et fit des études de droit financées par le ministre avant la Révolution. Il devint ainsi commis au Bailliage de Chatou puis acheta en 1783 une charge de procureur au Châtelet. En 1789, il fut choisi comme électeur pour la désignation des députés aux Etats Généraux.

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La gloire de la politique française : dans la nuit du 4 au 5 août 1789, les trois classes réunies aux Etats Généraux noblesse, clergé, tiers état, votent à l'unanimité l'abolition des privilèges, renonçant pour deux d'entre elles à un avantage social et financier.

 

Si sa situation ne pouvait qu’être bouleversée par la Révolution, il ne fit pas partie des notables de la Constituante partisans d’un régime modéré. Orateur de la société des Amis de la Constitution, il suivit Desmoulins et Danton et entra dans l’hydre de la radicalisation, acceptant les fonctions d’accusateur public près le tribunal révolutionnaire en 1792, demandant notamment l'exécution de la princesse de Lamballe. En janvier 1793, Réal occupa les fonctions, avec Hébert,  substitut de Chaumette, de procureur de la commune de Paris. Il prit part à toutes les attaques qui menèrent à la proscription des Girondins le 31 mai 1793 mais s'opposa à ce qu'une pétition soit présentée contre le général de Beauharnais, défendit le maire de Paris Pache qui s’était opposé au pillage, les artistes de l’Opéra considérés comme suspects etc... Soutien de Danton, il fut emprisonné par Robespierre et n’échappa de peu à la guillotine qu’avec la mort de ce dernier, rendant service à d’autres condamnés.

 

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"L'appel des condamnés" - scène ordinaire du régime de la Terreur qui s'abattit sur la France entre le 5 septembre 1793 et le 28 juillet 1794, jour de la mort de Robespierre.



Sous le Directoire, il fut nommé historiographe de la République et épousa une fonction d’avocat devant les tribunaux criminels. Son opportunisme le guida vers Fouché avec qui il demanda à Bonaparte en 1799 de prendre les rênes du pouvoir. L’élite de la France avait été décimée et une vaste corruption avait depuis longtemps gangréné les tenants du régime républicain.

Mais avec l'instauration du Consulat, la France connut sa seconde révolution depuis la proclamation de la Déclaration des Droits de l’Homme et l'abolition des privilèges dix ans plus tôt. Bonaparte créa un Etat et avec lui, le Conseil d’Etat. Il nomma Réal, qu’il considérait comme un homme honnête et capable, conseiller d'Etat à la section législation. C’est à ce poste que celui-ci concourut à la préparation du Code Civil, œuvre dont il dirigea en partie les débats et rendit compte dans des discours concernant les réformes de la puissance paternelle, du dépôt et des séquestres, de l’instauration du divorce et de l’organisation du notariat, discours tous heureusement conservés.

 

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Installation du Conseil d'Etat au Palais du Luxembourg par Bonaparte Premier Consul le 22 décembre 1799.



La seconde carrière de Real au service de Napoléon prit naissance le 1er février 1804 lorsqu’il fut nommé au ministère du Grand Juge, alors chargé de la police générale, comme directeur de la Police de Sûreté Générale mais dans l’ombre du ministre Fouché, avec qui il avait participé au coup d’Etat du 18 Brumaire. Real y mena avec succès l'instruction du procès de Cadoudal, Moreau et Pichegru après l’attentat de la rue Sainte-Nicaise mais fut mis devant le fait accompli dans l'affaire de l'assassinat du Duc d'Enghien (21 mars 1804) qu'il découvrit une fois commis.

 

Après l'établissement de l'Empire le 18 mai 1804, Real, propriétaire du château d'Ennery depuis 1799, fit l'acquisition du château de Boulogne en 1807 qui devint par la suite propriété de la famille Rothschild. Dans ses "Souvenirs", Victorine de Chastenay évoqua une soirée à Boulogne en 1807 : "La soirée était magnifique. Dans le salon on faisait de la musique: Madame Lacuée (fille de Réal) chantait avec sa charmante voix: une de ses jeunes amies chantait quelquefois après elle, Plantade accompagnait. Les fenêtres étaient ouvertes, et dans le jardin, sur une terrasse, Monsieur Réal, braquant un télescope, me faisait voir les satellites de Jupiter, et parcourait le ciel agrandi."


Quelques années auparavant, il avait acheté le presbytère de Chatou et l'avait restauré pour ses parents. Par une délibération du conseil municipal du 21 Frimaire An 14 (1805), la commune avait accueilli "à l'unanimité" sa proposition de rente perpétuelle à Chatou de 500 francs contre l'abandon par la commune à François Réal d'une portion de terrain entre sa propriété et la Seine estimée à la vente à une valeur de 1200 francs. 

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Une image de Chatou dans les années cinquante : les anciens quartiers de l'église, de l'avenue Foch et plus haut de la mairie (rasés en 1966 aprés la construction du pont de Chatou). A l'extrême droite, le presbytère et son escalier à révolution dont Real fut un temps propriétaire.

 

 

Real reçut le 24 avril 1808 le titre de comte d'Empire.

Pendant les Cent Jours, Real fut nommé préfet de police et chargé de mettre en arrestation le duc Decazes, magistrat à la cour royale, qui avait refusé de prêter serment à l'empereur. Real mit dans ses procédés beaucoup de tact et de modération de sorte que lorsque la royauté fut rétablie en 1815, Decazes, à son tour nommé préfet de police et chargé de l'arrêter, eut les mêmes égards avec lui. Decazes ne put cependant éviter l'exil de Real qui partit à Bruxelles, Anvers puis New-York, où il établit une fabrique d'épuration des huiles de poisson. Le 28 mai 1819, Louis XVIII annonça dans le Moniteur que le comte Real pouvait rentrer en France. Napoléon inscrivit quant à lui un legs de 100.000 F sur son testament en faveur de Réal mais celui-ci ne put jamais le percevoir et ne rentra en France qu’en 1827.

En 1830, Real se mit au service du gouvernement provisoire et dissuada le nouveau préfet de police de Paris d’arrêter son prédécesseur pour lui délivrer un passeport sous un faux nom. Pendant le procès des ministres de Charles X à la Chambre des Pairs, Real intervint sur demande de Martignac, leur avocat, ancien président du conseil (1827-1829) de Charles X, pour préciser que le prince de Polignac, accusé d'avoir pris les fameuses Ordonnances, avait été étranger à l'attentat - qu'on lui reprochait aussi - de la rue Sainte-Nicaise contre Bonaparte Premier Consul.

 

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Le vicomte de Martignac, remplacé à la tête du gouvernement par le prince de Polignac en 1829, accepta néanmoins de prendre la défense de ce dernier dans le cadre du procès des ministres de Charles X et fit appel à Real.



Aucune des notices biographiques de Real ne s’achève sans mentionner ses mémoires parus sous le titre « Indiscrétions » dont ses contemporains affirment qu’ils furent épurés aprés négociation financière en raison de la production de documents accablants pour certains dignitaires de la Monarchie de Juillet. On y apprend d'après l'éditeur que Real était chimiste et mécanicien et qu'il laissa "inachevée une machine à vapeur, d'après un nouveau système, sur laquelle beaucoup de savants avaient déjà émis une opinion très favorable." Pierre François Real, né à Chatou sous Louis XV, mourut le 7 mai 1834 à Paris où il est enterré.

En 2003, dans son ouvrage « Mémoire en Images Chatou », l’auteur de ces lignes suggérait de raviver à Chatou la mémoire de Real en raison de son rôle dans l’élaboration du Code Civil, la restauration du presbytère de Chatou, son activité dans la police sous l’Empire et plus généralement du trait d’union qu’il symbolise entre plusieurs régimes dont on a peu gardé trace à Chatou. En janvier 2004, l’année du bicentenaire du Code Civil, Real se vit décerner une allée à Chatou au lieu-dit des Terres Blanches par la municipalité.

Commentaires

Bonjour,
Ma grand-mère qui était l'arrière petite fille de Pierre François Comte Réal m'a toujours affirmé qu'il était né en 1765 et non pas en 1757.
Cordialement
Dominique TAUZIN

Écrit par : TAUZIN | 16/11/2011

Bonjour, Je suis historien et spécialiste du monde des phares.Je cherche des renseignements sur Eulalie Françoise Real, famille, hétitiers, enfants?, etc dans le cadre de mes travaux sur les Fresnel. Pouvez vous me renseigner?

Écrit par : Dreyer | 05/03/2013

Bonjour, Je suis historien et spécialiste du monde des phares.Je cherche des renseignements sur Eulalie Françoise Real, famille, hétitiers, enfants?, etc dans le cadre de mes travaux sur les Fresnel. Pouvez vous me renseigner?

Écrit par : Dreyer | 05/03/2013

Eulalie Françoise Réal-Lacoué fille de Pierre François Réal s'est remariée avec M. Fresnel.
Elle a vécu à Saint-Chéron 91 ou elle est inhumée dans le vieux ciletière de la ville.

Écrit par : Lochard | 08/12/2011

Bonjour,
Je cherche des informations sur le mariage entre M. Fresnel et Mme Eulalie Françoise Réal-Lacuée. Ont-ils eu des enfants ? Quelle était la profession de Léonor Fresnel ? Savez-vous où je peux trouver un portrait de lui ou de son frère Fulgence ?

Merci

Écrit par : Humeau Stéphanie | 23/02/2012

Bonjour, hélas, nous n'avons rien sur ses descendants. Merci de votre message sur cet article et bonne chance pour vos recherches. Il y a eu d'autres commentaires sur Real sur le blog qui pourraient vous intéresser.

Écrit par : arrivetz | 05/03/2013

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