17/01/2013
A BORD DE L'"ILE-DE-FRANCE" (1927-1958) AVEC GEORGES REMON ET SES CONFRERES
Le pont du paquebot "Ile-de-France" en 1927
A l’aune de nos recherches, et toujours très soucieux de démontrer la place éminente des personnalités de Chatou dans l’Art Français, nous ne résistons pas à vous infliger une nouvelle « vague » maritime à travers le paquebot transatlantique « Ile-de-France », qui dans une bien moindre mesure que le « France » 1912 ou le « Paris » 1921, accueillit une réalisation des ateliers de Georges Rémon. Le décorateur Catovien n’a pas créé un style, on pourrait même le situer encore un peu en retrait de l’Art Déco et plus proche du Modern Style mais il est régulièrement placé au milieu de ses prestigieux confrères.
En effet, en dépit des budgets amoindris par rapport à ce qu’ils étaient dans l’avant-guerre, la création française se poursuit dans les grandes commandes publiques et privées tout en devant redoubler d’efforts pour surmonter les restrictions, attirant l’élite du monde entier, gouvernant les nouvelles perspectives du mobilier et de l’architecture.
Dans "Art et Décoration" de 1928, Henri Clouzot écrivit : « le 22 juin 1927, vingt mois après la clôture de l’Exposition des Arts Décoratifs, le paquebot Ile-de-France levait l’ancre, emportant vers New-York la fleur de cet art de fraîche date qui avait enchanté Paris tout un été.
Il n’était plus question de constructions fragiles et éphémères, comme ces palais de staff et de carton-pâte que les premières pluies d’automne avaient vu s’évanouir sur les bords de Seine, mais d’un chef-d’œuvre d’architecture navale, d’une admirable unité de la flotte de la Compagnie Générale Transatlantique, où l’art n’avait pas seulement à satisfaire les yeux, mais à concourir à des fins précises, à des utilisations nettement déterminées.
Comme ce palais de « l’ambassade française », qui fut, sur l’Esplanade des Invalides, le foyer même de l’art nouveau , l’ « Ile-de-France » transportait, dans ses flancs, robustes, le meilleur de notre génie national, l’œuvre d’une équipe telle, que pour rencontrer la semblable, il faudrait remonter à la construction de l’Opéra par Charles Garnier ou plutôt aux chantiers des bâtiments royaux sous l’Ancien Régime, Fontainebleau ou Versailles (…) ».
L’ « Ile-de-France », long de 241 mètres, disposait d’une plate-forme permettant à un hydravion d’emmener le courrier en lui faisant gagner une journée et comptait trois classes, bien loin dans leur conception de l’époque des émigrants, toutes pourvues de salons, dancings…. Le navire était propulsé par trente-deux chaudières et régi par huit cents hommes d’équipage pour transporter environ mille-sept-cent passagers. Parmi les avantages du navire, celui offert à l'importante clientèle américaine du vin et du whisky dont la Prohibition avait établi la censure et de fait, la clandestinité.
Notons qu’à la grande salle à manger étaient annexées quatre salles à manger particulières aux noms de l’Ile-de-France : « Saint-Cloud », « Saint-Denis », « Rambouillet », « Malmaison ». La Compagnie Générale Transatlantique, qui draguait sur ses navires les artistes reconnus, eut l’intelligence d’en confier la décoration au directeur de l’Ecole Boulle, Monsieur Fréchet, qui lui-même donna mission à ses élèves d’en assurer l’exécution.
Il n'existait que huit appartements de luxe à bord : "Noyon", "Compiègne", "Versailles", "Chantilly", "Senlis", "Saint-Germain", "Fontainebleau", "Beauvais".
Henri Clouzot précisa que « le verre a pris la place du bronze, du fer et du bois et que, depuis quelques années, le luminaire est incorporé à l’architecture à l’aide de gouttières, de corniches, de rampes, de caissons, voire même de poutres en verre pressé et gravé. La lumière est projetée sur la surface réfléchissante du plafond, d’où elle retombe en nappe dans la pièce. C’est peut-être, sur l’"Ile-de-France", la première application en grand de ces nouveaux principes, appelés à révolutionner, dans un avenir prochain, l’éclairage domestique. »
Les quelques illustrations qui suivent sont dans le domaine de l’évocation et non de l’inventaire auquel le blog entier ne suffirait pas.
La suite "Senlis", par l'atelier du décorateur catovien Georges Rémon et ci-dessous, l'appartement "Chantilly", par les ateliers Martine de Paul Poiret. Paul Poiret fut le membre le plus illustre du Cercle Nautique de Chatou dont il dessina le drapeau en 1902. Au déjeuner d'inauguration présidant au lancement du paquebot, le grand couturier était assis à la table de Georges Rémon.
Salon de conversation par Sue et Mare
Salon de conversation, canapé par Nelson
La grille d'ascenseur par Raymond Subes
Balustrade par Raymond Subes, établissements Borderel et Robert, ferronnier, ci-dessous une grille des mêmes auteurs.
L'un des vases de la Manufacture de Sèvres disposé pour l'éclairage des parties communes
Ci-dessus et ci-dessous, salon de conversation par Leleu
Le fumoir par Henri Pacon
La salle à manger par Pierre Patout
La salle à manger vue de la descente, par Pierre Patout
Et ci-dessous, la salle à manger d'une suite de luxe par Eric Bagge
Suite par Eric Bagge
Appartement de luxe par Marc Simon
La chapelle par Robert Danis, architecte
La porte de la chapelle par Raymond Subes
Un salon de jeu par Ruhlmann avec laques de Dunand
John Dal Piaz, le dernier président de la Compagnie Générale Transatlantique en tant que compagnie à capitaux intégralement privés (1855-1930), donna l'élan avant la crise économique aux Arts Décoratifs français à travers l'"Ile-de-France" (la Compagnie sera nationalisée en 1948). Celui-ci donné, la consécration intervint sur "Normandie". L'"Ile-de-France" devint quant à lui le paquebot le plus décoré de l'histoire maritime pour ses sauvetages.
Sources :
"La Renaissance de l'Art Français" - 1928 - n°3, Bibliothèque Nationale de France, Département des Sciences et Techniques
Louis-René Vian
Publié dans : GEORGES REMON, CHATOU DANS L'HISTOIRE MARITIME | 14:19 | Commentaires (2) | Lien permanent
Commentaires
Bonjour et bravo pour ce chapitre concernant le paquebot "L'Île de France".
J'aimerai savoir si vous possédez au moins un document sur la salle de cinéma (je pense qu'il y en avait une) de ce paquebot. Et si possible, l'historique de cette salle et peut-être me préciser son programme inaugural.
Je vous remercie à l'avance.
Écrit par : Portier Michel | 15/03/2014
Bonjour Monsieur,
Je n'ai pas d'image de la salle de spectacle de l'"Ile-de-France" mais il y en à vendre sur les sites de cartes postales anciennes.
Cordialement.
Pierre Arrivetz
Écrit par : arrivetz | 16/03/2014
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