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21/10/2011

CHRONIQUE DE 1811

En 1811, on ne parle plus de la France mais de l’empire français en Europe : un empire rayonnant sur 144 millions d’habitants, de Hambourg à Rome et la Dalmatie (ancienne côte balkanique).

Des états vassaux  viennent encore prolonger l’Empire. Ils ont été créés, façonnés, dominés par la puissance militaire et l’organisation administrative et familiale mise en place par le « petit caporal » : Confédération du Rhin, Grand-Duché de Varsovie, Confédération Helvétique, Royaume d’Italie, Royaume de Naples.

Dans cet espace immense, les insurrections populaires sont rares, un fait y contribuant notablement : l’effondrement des institutions d’Ancien Régime devant la propagation du Code Civil, des préfets, de la conscription, devant l’abolition des restrictions apportées au commerce, devant l’émancipation des serfs et des juifs.

C’est ainsi que malgré le blocus de l’Angleterre et l’échec de l’aventure espagnole, le commerce français et l’agriculture en particulier, trouvent leurs débouchés dans cette Europe « enrégimentée ». Le monarque multiplie les expositions et les foires pour arracher l’industrie française au déclin, les travaux publics sont en plein essor. Sous  les instructions de Napoléon, un monde nouveau est en train d’émerger de la « botte française », un monde moderne que la fin de l’Empire ne pourra que mettre plus encore en évidence.

En France, la naissance des communes a été reprise en main par l’administration préfectorale.

 

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Chatou - gravure de Mariette de 1753 - le paysage ne variera pas sous l'Empire

 

Chatou il y a deux cents ans, village de 984 habitants, traduit la réalité de cette évolution sous tutelle où l’Etat transformé après les excès de la Révolution ne s’est jamais autant imposé au citoyen.

Le maire de Chatou renouvelé par le préfet depuis l'an 1800 est son notaire nommé le 11 juillet 1791, Jean-Pierre Vanier. Son sauf-conduit sous la Révolution nous indique que Monsieur Vanier est né à Nanterre, est âgé de 55 ans en 1811,  mesure 1,67 mètres, a « un front haut, des cheveux châtains, les yeux bleus, le nez ordinaire, une petite bouche, un menton rond, un visage rond ». Jean-Pierre Vanier demeura maire jusqu’à son décès en mars 1814.

Le 3 mai 1811, le conseil municipal se réunit pour prendre connaissance de la circulaire « de Monsieur le Comte d’Empire, préfet du Département » afin de délibérer sur les matières suivantes  :

1) les moyens de rétablir et de rendre praticables plusieurs rues de ce lieu et plusieurs chemins vicinaux

2) l’examen du revenu des contributions

3) l’examen du compte de la fabrique qui est présenté par les marguilliers

4) le budget 1812

Les réunions du conseil municipal sont peu nombreuses chaque année. On les compte sur les doigts de la main.

 

 

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Le préfet, créé par une loi du 18 février 1800, est devenu le pilier du régime, l'administrateur éclairé et obligé des départements et des communes. Il est systématiquement Chevalier de la Légion d'Honneur sous l'Empire. Le préfet de Seine-et-Oise de 1806 à 1810 est Charles Laumond.

 

  

 

Le 10 mai 1811, le maire annonce au conseil municipal l’arrêté du préfet relatif à la fête du 2 juin pour le baptême de sa majesté le Roi de Rome : « C’est avec le plus grand regret que le conseil se retrouve privé par défaut de moyen de pouvoir faire connaître à ses augustes souverains ses sentiments d’amour.

Forcé par les circonstances de se réduire aux fonds dont il peut disposer, il a été arrêté :

1)      Que la fête du 2 juin serait annoncée la veille par des salves d’artillerie et le son des cloches

2)      Que le jour le matin au commencement les salves et le son des cloches sera renouvelé

3)      Que toutes les autorités civiles et militaires se rendant en corps à l’église pour assister au te deum solennellement pendant lequel il sera fait de nouvelles charges

4)      Que l’après-midi il sera donné aux dépens de la commune un bal gratis à tous les habitants

5)      Enfin que le soir tous les habitants de cette commune seront invités à illuminer le devant de leurs maisons et à des banquets »

La gêne du village de Chatou n’empêcha pas que la naissance du roi de Rome fut annoncée par le canon sur les bords de l’Elbe, du Tibre, du Tage et de la Vistule.

Le 11 mai 1811 a lieu le vote du budget

Recette :  1244,85 francs

Dépense : 1244,11 francs

Recette : 74 centimes

Le préfet ayant pris un arrêté le 2 mai 1811 sur les chemins vicinaux ordonnant une enquête aux élus, le 7 juin suivant en conseil municipal, Pierre Vanier et ses adjoints, Paul Rateau et Louis François Grais, proclament avoir visité tous les chemins vicinaux de la commune à la demande de préfet en relevant leur dimension et « les usurpations qui pouvaient y avoir été faites et les réparations qu’ils exigent ». (…)

« Nous avons commencé par la grande rue de Chatou appelée vulgairement "rue de Montesson" ou "de Carrières Saint-Denis" prenant naissance de la grande route de Paris en Normandie traversant cette commune et conduisant à l’embouchure des chemins vicinaux conduisant aux communes ci-dessus désignées.

Nous avons remarqué que cette rue étant défoncée dans beaucoup d’endroits, elle a été le soin d’un prompt rétablissement en cailloux pour remplir les trous et fonds, lui donner un nivellement afin de lui faire couler les eaux dans la Seine passant le long de cette commune ; qu’une autre rue dépendante de celle-ci à la rivière a aussi besoin d’un nivellement étant trop élevée dans son milieu ce qui occasionne le jour des eaux sur le pont de la rendre impraticable, qu’une autre rue du Chef Saint-Jean communiquant de la Grande Route à la rue de la Procession est défoncée dans plusieurs sorties qui empiètent le remplissage de ses trous afin de retirer  les eaux qui séjournent et qui deviennent dangereuses par leurs odeurs, que la rue dite de la Procession a été le soin de quelques réparations dans différentes parties.

Sortis du village côté du nord, nous avons examiné le chemin qui conduit  de la rue de Montesson et Carrières à deux embranchements des chemins desdites communes et que nous avons reconnu de la largeur de 64 décimètres ou 20 pieds à partir des murs des potagers et jardins de Chatou (…), de laquelle largeur il doit rester.

Ensuite celui conduisant à Montesson par le moulin et route ordinaire de cette commune, avons reconnu sa largeur devoir être de 58,5 décimètres ou 18 pieds, largeur qui lui a été donnée et dans laquelle il est maintenu dans sa majeure partie un autre chemin vicinal continuant aux fins vers Montesson en tirant vers le nord appelé le Chemin des Cures contient 18,10 décimètres, largeur qu’il devait toujours avoir et dans laquelle il doit être maintenu.

Celui appelé le Chemin des Chevaux Rû servant anciennement pour communiquer à Carrières-Saint-Denis et qui se trouve susceptible d’être remplacé par le Chemin de Flandres doit aussi rester comme celui-ci de la largeur au moins de 38,10 décimètres ou 12 pieds telle qu’il l’a maintenant, lesquels chemins sont de la longueur d’1,80 km.

Sortant de la commune côté du midi est le chemin conduisant à Croissy de 58,5 décimètres ou 18 pieds. Sa largeur naturelle par sa longueur qui est de 9 hectomètres 7 décamètres ou un quart de lieu.

Observons qu’il a été fait sur ses chemins dans plusieurs parties des usurpations qu’il est essentiel qu’il est essentiel de rétablir, étant faciles à reconnaître et qu’il y a différentes réparations et entretien à y faire, tels que remplissage d’ornières et de plusieurs trous et sentiers qui y existent occasionné par le séjour des eaux de ces parties. Le conseil municipal décide de procéder aux réparations et de solliciter l’homologation dudit rapport. »

On apprend lors de la séance du conseil le 9 juin 1811 « qu’en exécution du décret impérial qui fixe au jour le baptême de sa majesté le roi de Rome et de la circulaire de Monsieur le Préfet du Département du 20 mai dernier, la fête ordonnée par sa majesté dans tout son empire a été célébrée dans cette commune.

 

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Napoléon présentant le roi de Rome à la foule

 

Le 8 juin veille de la fête a été annoncée par le son de cloche le 9 au lever du soleil, elle a été de nouveau annoncée à dix heures. Le maire, le conseil municipal et les autres autorités constituées de la commune accompagnés d’un détachement de la Garde Nationale en armes se sont rendus à l’église où ils ont assisté à la messe et le Te Deum qu’ils ont chanté solennellement.

 

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Le roi de Rome, par Prud'hon. Il mourut en exil à Schonbrunn de la tuberculose le 22 juillet 1832. La France fêta les victoires napoléoniennes et trinqua à sa naissance. Museo Napoleonico - Rome

 

Pendant le Te Deum, des salves de mousqueterie se sont fait entendre et le son de la cloche. Après les cérémonies religieuses, les autorités et la Garde Nationale se sont retirés dans le même ordre et à 4 heures de l’après-midi, le bal a été ouvert et s’est prolongé dans la nuit, différents banquets se sont réunis ou ont porté avec enthousiasme le toast à sa majesté l’empereur et roi, à l’impératrice et à sa majesté le roi de Rome à neuf heures du soir, toutes les maisons ont été illuminées et les habitants se sont réunis et témoigné une vive reconnaissance en criant "Vive l’empereur vive l’impératrice et le roi de Rome". La joie te la tranquillité ont été les seuls mobiles de la fête. »

Le 15 juin 1811, est soumis au conseil municipal l’approbation du budget des administrateurs de la fabrique :

1066 francs de dépenses en 1811 pour une recette de 660 francs

1006 francs de dépenses en 1812 pour une recette de 660 francs

« Sur arrêté du préfet, une délibération est prise pour arrêter la taxe des journées de travaux, charrette et hommes de bras. La journée  d’une charrette, du cheval et du conducteur est fixée à 10 francs par jour et la journée d’un homme de bras à 2 francs. »

Le 15 août 1811, « le jour de la fête de la Saint-Napoléon et du rétablissement du culte catholique en France a été célébré avec la joie et l’enthousiasme que cette époque doit toujours rappeler aux Français, le matin au lever de l’aurore, la cloche a été sonnée, à dix heures toutes les autorités se sont rendues en corps avec la Garde Nationale à l’église où ils ont assisté à la messe qui a été chantée solennellement, au discours qui a été prononcé, à la procession autour de la commune et au te deum qui a été chanté en rentrant à l’église pendant lequel il a été fait différentes décharges de mousqueterie. Le soir a eu lieu un bal et des divertissements publics ; partout la joie et la tranquillité ont régné et les cris de vive l’empereur vive l’impératrice se sont fait entendre. »

 

 

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L'impératrice Marie-Louise d'Autriche qui donna un héritier à Napoléon aprés l'avoir épousé en 1810.

 

Le 1er décembre 1811 est rappelée par le maire « la fête anniversaire du couronnement de sa majesté empereur et de la bataille d’Austerlitz, époque à jamais mémorable dans le cœur des Français. » La fête a été  célébrée « en cette commune avec la joie et l’enthousiasme que mérite ce grand jour » en application du décret impérial du 19 février 1806. « La veille de la fête a été annoncée par le son de la cloche et le jour au lever de l’aurore, à dix heures, une messe solennelle a été chantée ensuite pendant laquelle l’on a fait des charges de mousqueterie, un discours analogue a été prononcé par le desservant et le soir il y a eu le bal et des divertissements. La gaité a présidé à tout et rien n’a troublé la joie et le contentement des habitants ».

 

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Napoléon à la veille de la bataille d'Austerlitz visitant les bivouacs et conversant avec les soldats. La bataille d'Austerlitz (2 décembre 1805), remportée malgré une infèriorité numérique des troupes françaises contre les austro-russes, fut la seule victoire commémorée chaque année sous l'Empire dans les communes. Tableau de L.F Lejeune. Réunion des Musées Nationaux.

 

Les rapports écrits par le maire sur ces festivités ont l’accent de rapports de police. Cette impression est peut être à modérer par les témoignages de l’époque plaçant l’année 1811, malgré une mauvaise récolte de blé, comme l'une des dernières années heureuses de l’Empire.

 

Sources :

- Registre des délibérations du conseil municipal - Archives municipales de Chatou

- "Le Consulat et de l'Empire" - Louis Madelin (1932)

- "Vivre à Chatou à la fin du XVIIIème siècle - le village retrouvé" - Cercle de Recherches Historiques de Chatou (1989)

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