1804

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/11/2012

1928 : DERNIERES HEURES DU C.N.C. A CHATOU

Le Cercle Nautique de Chatou (CNC), fondé en 1902, fut une enseigne permanente dans le monde de la voile jusqu’à sa disparition lors de la deuxième guerre mondiale. Son activité offrit au Chatou des « Roaring-Twenties » une animation qui s'est reconstituée aujourd’hui sous une autre forme, et ce, grâce au savoir-faire de l’association Sequana. 

Le Cercle émigra à Meulan en 1929, non sans avoir fait  de Chatou dans les années qui précèdent un lieu de compétition sportive, chose qu’il nous est difficile de concevoir aujourd’hui tant la vitesse du vent est faible sur la Seine.

Des témoignages pittoresques furent recueillis dans plusieurs revues dont la prestigieuse « L’Illustration ». Mais citons ici le compte-rendu instructif d’une régate à Chatou le 6 mai 1928 dans le journal "Le Yacht" :

« Dimanche dernier s’est disputé le Prix de la Société des Régates de Ouistreham. Il nous a été rarement donné de pouvoir contempler un départ de 22 monotypes dans le bassin de Chatou. La ligne de départ, qui n’a pas cent mètres de large, était littéralement couverte de voiliers et il fallut l’habileté déployée par les barreurs du club pour que les départs ne se transforment pas en un terrible cafouillage.

Un courant violent gêna la régate et le vent, à la descente, rendit la course un peu fastidieuse. Les débuts du nouveau bateau de Monsieur Edmond Martin, construction Giquel, furent particulièrement réussis : Extra-Dry II remporta facilement la victoire et nous sommes heureux de féliciter ici et propriétaire et constructeur. Belles courses de Kin-Kin et Trotinette.

Monsieur Kisby, un des plus anciens membres du CNC, présidait la course.

Malheureusement, de nombreux coureurs abandonnèrent après le premier tour, ne se sentant pas le courage d’entamer un second tour contre vents et courant.

Résultats :

1.       Extra-Dry II, à M. Edmond Martin

2.       Etourneau, à M.P.Harlé

3.       Kin-Kin, à M. Hemjic

4.       Trotinette, à M.Trotain

5.       Fox-Trot II, à M. Loys des Fillières

6.       Lézard, à M. Hadengue

7.       White-Cat II, à M.M. Lechat et Martin

8.       Avolo, à M. Messager

9.       Couin-Couin, à M.Lambert

10.     Flemme, à M. Maquerou

11.      Lambda, à M. Robert Martin

 

Ont abandonné : Goëland, barré par M. J.Hadengue, Porc-Epic à M.Thierry, Crapoussin, à M. Rimoux Salen, Pouet-Pouet, à M.Hug, n°46 à M. Lebrun, La Belote, à M. Rémon (décorateur-ébéniste ayant vécu à Chatou, longuement évoqué sur notre blog), n°62 à M. Bachet, Chardon, à M. Humbert, Pépette, à M. Prat, Ber-Pié, à M. Longe-Pié.

Le puissant cruiser auxiliaire Kiwi, de M. Guenot, et le canot automobile du C.N.C., le Spirit-of-Chatou, escortaient les coureurs.

Dimanche prochain se courra la Coupe Lucien Lelong (4ème année), réservée aux Dames. Le premier prix consiste en une robe sortant des ateliers bien connus Lucien Lelong, et le second en un chapeau offert par Monsieur Lebrun. Nul doute que toutes les yachtwomen du C.N.C. ne s’inscrivent dans cette compétition."

 

12/09/2012

LES DEBUTS DE L'URBANISATION DE L'AVENUE D'EPREMESNIL

 AFFICHE EPREMESNIL.jpg

L’avenue d’Eprémesnil créée vers 1848 le fut sur les instances du baron d’Eprémesnil, éphémère maire de Croissy disparu en 1853, propriétaire à Chatou du terrain dit les « Pavillons » sur les bords de Seine. Les études de Monsieur Pierre Lefébure, président puis président d'honneur de la Mémoire de Croissy, ont mis en lumière la situation de ce grand propriétaire : conseiller municipal de Croissy depuis 1843, Jacques Charles Georges d'Eprémesnil en fut maire pendant 4 mois en 1848 puis en devint à nouveau conseiller municipal de 1848 à 1853. Chef de bataillon d'infanterie, il possédait le château de Croissy.

Ses successeurs achevèrent par adjudication le 2 septembre 1855  en l’étude de maître Mérard le projet de lotissement entamé quelques années plus tôt par le baron sur une partie du terrain lui faisant face en bordure du fleuve.

Cette seconde phase de morcèlement se fit à partir de la mise en adjudication "d'une grande propriété située entre l’avenue d’Eprémesnil et l’avenue des Tilleuls* en 7 lots" dont le 1er lot comprenait une villa « élevée sur de grandes caves », composée « d’un rez-de-chaussée composé d’un grand vestibule dans lequel est l’escalier, salon, salle à manger et salle de billard, tout parqueté, cuisine et office , d’une premier étage composé de 5 chambres et trois cabinets parquetés et d’un second étage composé d’une grande chambre et de deux chambres de domestiques. Le tout couvert en ardoises. Jardin entourant ladite maison, planté de tilleuls et autres arbres, dans lequel est un puits. Le tout contenant 20 ares 46 centiares, tenant d’un côté l’avenue d’Eprémesnil, d’autre côté le deuxième lot, d’un bout Monsieur Déville et d’autre bout le troisième lot. » Ce lot était de loin le plus onéreux, étant mis à prix  42.500 francs.

 EPRESMESNIL PLAN.jpg

Documents relatifs à la mise en adjudication du 2 septembre 1855 remis à l'auteur par Madame Denise Vernay, administrateur de la Mémoire de Croissy

 

Un second lot était construit, le lot n°4 situé dans la "rue de Croissy à Chatou" (depuis 1918 rue du Général Colin). Mis à prix pour 9.200 francs, il était décrit de la manière suivante : « une petite maison (…) consistant en un rez-de-chaussée, composé de quatre pièces, dont deux à cheminée, une cuisine, un petit cellier, un escalier, grand grenier sur le tout, couvert en tuiles. Jardin planté d’arbres derrière ladite maison. Le tout contenant 14 ares 8 centiares, tenant d’un côté Monsieur Andrieux-Barrié, d’autre côté une avenue, d’un bout la rue de Croissy, et d’autre bout les deuxième et troisième lots. »

Les autres lots étaient des terrains nus,  mis à prix dans une fourchette variant de 3.900 francs à 4.900 francs.

Il convient de noter qu'à deux reprises ce sont des croissillons qui apportèrent à notre commune un aménagement décisif pour ses bords de Seine  : le seigneur Gougenot de Croissy (1721-1751) qui prit l'initiative de la réalisation de l'avenue des Tilleuls prolongée à Chatou et le baron d'Epremesnil qui édifia dans notre commune le premier lotissement de villégiature depuis l'arrivée du chemin de fer en 1838. L'avenue d'Eprémesnil fut une vitrine des villas de villégiature à Chatou jusqu'à ce que celles-ci fussent  détruites dans les années soixante à quatre exceptions prés.

CARTE EPREMESNIL 1.jpg

Villas de l'avenue d'Epremesnil en 1900, un balcon de la villégiature donnant sur un chemin de halage, aujourd'hui le quai Jean Mermoz (baptisé par délibération du conseil municipal du 28 février 1937 sur proposition du maire Jules Ramas). Le 7 novembre 1847, la municipalité du notaire Délivré avait baptisé ce chemin Quai des Papillons.

CARTE EPREMESNIL 2.jpg

 

 

* l’avenue des Tilleuls était alors dénommée comme telle dans la partie que nous connaissons correspondant à l’avenue Larcher baptisée depuis 1882. Cette portion de l'avenue des Tilleuls fut également appelée avenue de la Rivière de 1867 à 1882.

 

19/08/2012

LE FANTOME BAT DE L'AILE

En 1926, Le Petit Journal, quotidien tiré à quelques centaines de milliers d'exemplaires, expose dans son édition du 7 octobre en première page les nouvelles préoccupantes de Chatou d'une part, et le reste des affaires de France et d'Allemagne d'autre part. Il nous appartenait évidemment de vous livrer les termes de l'actualité brûlante de Chatou.     

IFS PETIT JOURNAL.jpg

"La Villa des Ifs est-elle hantée ?

La petite ville de Chatou est en émoi, la petite ville de Chatou est divisée en deux clans : celui qui croit que la villa des Ifs est hantée et celui qui croit qu'elle ne l'est pas.

Il y a quelques trois semaines, des promeneurs, à la tombée de la nuit, suivaient un chemin qui, en longeant la Seine, mène à Carrières, lorsqu'ils entendirent des bruits étranges, des manières de souffles puissants évoquant celui que produit un pneu que l'on dégonfle.

Ils essayèrent de localiser les bruits mais ceux-ci s'éloignaient ou se rapprochaient. Néanmoins, tous paraissaient provenir du jardin ou des murs de la villa des Ifs.

Les promeneurs, de retour dans la ville, parlèrent des bruits mystérieux qu'ils avaient perçus. Le lendemain, la localité parlait d'esprits et de maison hantée soit en plaisantant, soit avec une pointe d'inquiétude ou de curiosité.

Et depuis lors, chaque soir, des habitants se postent sous les murs de la  villa et attendent patiemment les manifestations mystèrieuses. Elles se produisent, d'ailleurs, avec régularité. Mais les auditeurs ne sont pas d'accord sur les sons entendus.

L'un entend "Chûû", un autre "Houhou", un troisième "Hôhô". Et si quelqu'un s'avise d'affirmer : "vous me faites rire avec vos esprits ! nous entendons le hululement d'un chat huant !" il ne convainc pas les autres.

Monsieur Gosselin, commissaire de police de Chatou, est fort ennuyé : "il a suffi, nous dit-il, que quelques promeneurs craintifs entendent le cri de quelque oiseau de nuit pour que toute la ville s'émeuve.

Je dois dire que les partisans des esprits sont assez rares et ques presque tout le monde est convaincu que les sons perçus ne sont autres que les cris de hiboux, choutettes ou hulottes."

Madame Desforges, propriétaire de la villa des Ifs, est tout simplement navrée : "mais c'est une histoire invraisemblable, nous a -t-elle dit. Les bruits sont tout simplement les cris ou les battements d'ailes d'un grand duc.

Grand duc énorme d'ailleurs et que j'aperçois presque chaque soir perché dans les arbres du jardin ou se profilant sur les toits. Je puis même vous affirmer que ce grand duc a une grande duchesse car dans mon grenier, nous avons découvert une jeune nichée."

Enfin Monsieur Boulanger, le jardinier, assez peu content, nous a confié : "c'est inouï, les gens sont crédules ! c'est un défilé devant la villa tous les soirs. Hier, j'ai fait fuir des jeunes gens munis de révolver - pour tuer les fantômes hurleurs sans doute - avec de grands seaux d'eau."

 

N.B : la villa des Ifs était située 4 avenue Gambetta selon l'annuaire de Chatou de 1928

 

03/08/2012

L'ACCIDENT DU BATEAU-LAVOIR

BATEAU LAVOIR 1.jpg

A son évocation, le bateau-lavoir de Chatou émet le parfum du pittoresque trempé dans le labeur des générations passées. Sa carrière, qui prit fin en 1922, connut les inondations de 1910 au cours desquelles il dériva et s'échoua (ci-dessous).

Situé derrière l'église, il fut la proie d'un autre sinistre, dont le caractère dramatique fut évité grâce à l'héroïsme  de quelques-uns.

BATEAU LAVOIR 2.jpg

Le 30 juillet 1912, le docteur Rochefort, maire de Chatou, donna communication en séance du conseil municipal d’un rapport qui venait de lui parvenir :

« Monsieur le Maire,

J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’aujourd’hui à 3 heures, 4 heures du soir, la foudre accompagnée d’une violente tempête de vent est tombée non loin de la Seine à Chatou du bateau-lavoir de Monsieur Duchemin. Le remou violent qui s’est produit a provoqué la rupture de l’amarre arrière et le bateau est parti à la dérive.

Affolées par la violence de la tempête et par les châssis qui se détachaient de la toiture , les laveuses se sont jetées à l’eau au nombre d’une vingtaine.

Plusieurs ouvriers travaillant sur le quai en face et voyant toutes ces femmes en danger, se jetèrent à l’eau et parvinrent à les sauver toutes saines et sauves. Ce sont Messieurs  Bouet Pierre, 41 ans, maçon, demeurant quai Ganzin n°14 à Bougival, Lecouflé Léon, 40 ans, maçon, demeurant 86 rue de Versailles à Bougival, Michel Jean-Baptiste, 39 ans, maçon, demeurant 48 rue Biesta à Bougival, Beze Raymond, 16 ans et demi, garçon maçon demeurant 6 Quai Rennequin Sualem à Bougival, Nobis Louis, 35 ans, ouvrier métallurgiste demeurant 8 Quai de Seine à Chatou.

Dans cette circonstance, je crois devoir attirer votre attention, Monsieur le Maire, sur l’acte de courage et de dévouement accompli par ces courageux citoyens dont plusieurs ont déjà accompli des actes analogues.

Le brigadier de police

Bourgeois »

Le conseil municipal adressa ses félicitations aux sauveteurs.

 

Source :

Registre des délibérations du conseil municipal - Archives Municipales de Chatou

 

21/06/2012

LA SEINE A CHATOU AU TEMPS DES POISSONS...

PECHEB1848.jpg

"Les loisirs de Chatou" - gravure de Jean-Jacques Grandville (1803-1847), graveur et illustrateur de l'hebdomadaire "L'Illustration" fondé en 1843 ainsi que des journaux "Le Charivari", "La Caricature". Il fut surtout l'auteur de recueils célèbres où il transforma les fleurs et les animaux en êtres humains : "Les Fleurs Animées", "Les Métamorphoses du Jour" ... Grandville habitait 48 route de Saint-Germain à Chatou sous la Monarchie de Juillet.

 

« La pêche parisienne se portait autrefois du côté du village de Charenton, que le fameux Vreusez, pêcheur, auteur et marchand d’ustensiles de pêche, avait mis en vogue.

La difficulté que les amateurs  trouvaient à s’y rendre les éloigna peu à peu de cette localité à laquelle ils ont préféré Chatou sur la lisière du Vésinet, dans une sorte de delta solitaire que décrit l’un des anneaux de la sinueuse Seine.

Le chemin de fer de Saint-Germain s’y arrête. Ces parages sont régulièrement visités par le petit nombre des adeptes de bonne compagnie de la pêche à Paris.

C’est tout un monde à connaître. Les campagnes voisines de Chatou, Croissy, Bougival, sont habitées par un essaim de gens de lettres, d’hommes et de femmes appartenant à la vie artistique de Paris, qui ont coutume de se retrouver sur ces berges à certaines heures du jour, tantôt par la pêche, tantôt par les plaisirs du frais en pleine eau, qui se prend vers les quatre heures. Si, par une chaude après-midi de beaux jours de la saison d’été vos loisirs vous dirigeaient vers l’île de Croissy, vous seriez en joyeuse compagnie de sport avec ce monde aux spirituelles allures.

La pêche à la ligne dans les eaux de la Seine comprend le brochet, qui se prend de juin à janvier et le soir, la perche, pendant la même époque et aux mêmes heures, la carpe de juin à octobre, matin et soir et toute la nuit, le chevesne, de juin à février toute la journée, la brème d’avril à septembre matin et soir, le gardon d’avril à décembre, toute la journée, la vendoise d’avril à décembre toute la journée, le goujon, d’avril à novembre toute la journée, l’ablette d’avril à octobre toute la nuit quand il n’y a pas de lune.

Enfin, on trouve parfois encore ce savoureux poisson de Seine si apprécié de nos pères, la lotte qui donna lieu à ce proverbe très populaire : « pour manger de la lotte, Madeleine vendit sa cotte. » 

Journal des Haras, Chasses et Courses de Chevaux - 1857  

 

« C’est à Chatou et Bougival que la tribu des pêcheurs à la ligne contemporains va se livrer  à son plaisir favori. Monsieur Chapus place au premier rang le compositeur d’un des plus mélodieux opéras de notre époque, « Le songe d’une nuit d’été », Monsieur Ambroise Thomas, Monsieur Emile Augier, mieux inspiré, je l’espère, à la pêche qu’au théâtre mais qui doit s’entendre à amorcer la ligne pour le fretin des personnes vulgaires, « Le fils de Monsieur Giboyer » me porte à le croire, Monsieur Jules Sandeau, l’auteur de « Catherine et de Marianne » qui l’ont conduit à l’Académie, et parmi les peintres, Messieurs Nanteuil et Meissonier (…). »

L’Echo de la France – 1866

 

THOMAS.jpg

Ambroise Thomas (1811-1896), directeur du Conservatoire National Supèrieur de Musique et de Danse de Paris (1871-1896), compositeur d'opéras qui entra triomphalement à l'Académie des Beaux-Arts en 1851, goûta les charmes de la pêche à Chatou et dans les environs.

MEISSONIER.jpg

Meissonier (1815-1891), l'un de nos plus grands peintres d'histoire, auteur notamment de L'Apothéose impériale, la Retraite de Russie, les Cuirassiers à Waterloo, Napoléon III à Solférino, membre de l'Académie des Beaux-Arts en 1861, n'ignorait rien de la pêche à Chatou.