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02/02/2014

CONFERENCE DES AMIS DE LA MAISON FOURNAISE SAMEDI 8 FEVRIER 2014

MAISON FOURNAISE 0.jpg

 

Les Amis de la Maison Fournaise

 

 nous prient d'annoncer leur conférence

ouverte au public 

à l'issue de l'assemblée générale annuelle

  

Samedi 8 février 2014

à 17 heures 30

 Salle Jean Françaix 3 Place Maurice Berteaux

 

Dans l’intimité d’André Derain

 

Par Geneviève-Javotte TAILLADE

Petite nièce d’André DERAIN

Présidente d’Honneur des Amis de Derain

 

 

DERAIN VLAMINCK 1942.jpg

André Derain et Maurice de Vlaminck - collection de l'auteur

 

 

En 1935, André Derain vend toutes ses habitations, celle de la rue du Douanier à proximité du Parc Montsouris à Paris, sa maison de Chailly-en-Bière près de Fontainebleau et le château de Parouzeau en Seine et Marne, pour s’installer à Chambourcy avec sa famille et ses animaux. Il y restera jusqu’à sa mort en 1954.

Petite nièce de Derain, Geneviève-Javotte Taillade a habité cette maison 40 ans, au milieu des collections, de ses meubles et dans le sillage du grand homme. Elle a posé pour lui toute petite, comme sa mère l’avait fait avant elle.

C’est ce souvenir « intime » que la conférencière, bien connue de nombre d’entre vous, veut bien nous faire partager. 

Rappelons qu’André Derain est né le 10 juin 1880 à Chatou et y a passé sa jeunesse.

 

 ***

 

A sa mort en 1954, Maurice de Vlaminck, avec qui il avait formé le duo de l'Ecole des Fauves à l'orée du siècle, lui rendit hommage dans le journal "Arts" :

 

" La mort d’André Derain fait ressurgir en moi des images, des paysages…Tout un monde de fantômes, de personnages vieillis, démodés ou encore en vie, se bouscule, s’agite et passe sur l’écran. La bobine dans l’appareil semble dérouler à rebours le film du passé.

Je revois André Derain à vingt ans, déambulant dans les rues de Chatou, l’air las et désabusé, grand, long, efflanqué, ayant l’allure d’un escholier de la basoche.

Dans ses propos, sans transition, il passait de l’amertume à l’humour, de la lassitude à l’ennui, de l’enthousiasme à la confiance et au doute. Il était jeune ! Derain laissait à ses pensées leur libre cours. Mais dans tout ce qu’il disait, dans les préoccupations d’un avenir incertain, une chose dominait et l’obsédait…la Peinture.

Au bout d’un an de travail en commun dans l’atelier que nous avions tous deux à Chatou – atelier devenu historique – Derain partit au régiment. Pendant le temps qu’il passe à Commercy à faire son apprentissage militaire, dans toutes ses lettres, il rage d’être là, encombré d’un fusil et d’écraser les mottes de terre sous ses godillots. Toutes ses pensées, tous ses désirs, l’appellent, autre part : ce qu’il demande c’est d’avoir des pinceaux et une palette chargée de couleurs dans les mains.

« Pour la peinture…m’écrivait-il quelques mois après son arrivée à la caserne, j’ai conscience que la peinture réaliste est finie. On ne fait que commencer en tant que peinture.

Sans toucher à l’abstraction des toiles de Vincent Van Gogh, abstraction que je ne conteste pas, je crois que les lignes, les couleurs ont des rapports assez puissants dans leur parallélisme à la base vitale pour permettre de chercher, de trouver un champ, pas nouveau mais surtout plus réel dans sa synthèse.. »

Plus loin, il écrivait : « il ne faut pas oublier que la seule définition complète de l’art est dans le fait du passage du subjectif à l’objectif. Hier, au détour d’un chemin, j’ai vu un vrai Rodin. Une femme portant un gosse à cheval sur une épaule : c’était très beau. Le gosse  était raide et vraiment à cheval…L’épaule qui portait, très large. Tout cela était rythmé et vraiment un peu dans l’avenir.

Je voudrais tout dire et je ne peux rien dans le papier. Des mots ne suffisent plus, ce ne sont plus que des mots, des dessins ou des sons. Parle-moi si tu as vu des nouveaux Van Gogh ou des Cézanne ou autre chose ? j’ai besoin maintenant d’un travail plus sincère, plus désintéressé que je ne l’ai jamais fait…Ecris-moi deux mots, n’importe quoi ! donne-moi des nouvelles de Chatou, même fausses !. »

Derain employait parfois dans sa conversation et dans ses lettres, des mots crus : mais si l’accent était rude, de tour direct, si le langage était coloré, ce qu’il exprimait relevait de la plus fine sensibilité ou soulignait la plus cruelle observation.

Les expressions parfois grossières étaient là, dites comme un mépris de la crasse indigente, un défi jeté à la bêtise et à l’ignorance. Si invraisemblable que cela puisse paraître, si nous avions certains points communs, la nature d’André Derain et la mienne s’opposaient. Mais si nos moyens de réalisation différaient, nos aspirations étaient qualitativement semblables :nous aspirions à un même idéal en empruntant des chemins différents.

Dés l’enfance, Derain avait été en classe. Ses facultés avaient été cultivées. Ses études au collège lui donnaient des certitudes et le différenciaient de moi. Je n’étais qu’une graine que le vent avait semée au hasard et qui s’accrochait à la terre où elle avait germé, croissant avec son seul instinct et en vue seulement des ses propres acquisitions.

Cependant, l’un comme l’autre, nous entendions refaire le monde à notre façon, à notre mesure. Nous y apportions la même hardiesse, le même enthousiasme. Avant d’avoir assemblé les matériaux d’un nouvel édifice, nous démolissions et nous nous placions sur un autre terrain avec l’espoir et parfois la certitude d’arriver à bâtir notre cathédrale.

Notre rencontre bouleversa les plans de ses parents. Il était appelé à faire une carrière d’ingénieur, tel était le désir de sa mère ! mais tel n’était pas le désir d’André Derain. Il devint artiste peintre.

En art, un goût sûr lui faisait distinguer  le vrai du faux et rejeter  l’artificiel et le banal. Le 13 août 1902, il m’écrivait : « il y a bientôt un an que nous avons vu Van Gogh et vraiment son souvenir me hante sans cesse…Je vois de plus en plus le sens véritable chez lui..Il y a bien aussi Cézanne. Grande puissance aussi ! mais à part la peinture de chevalet, il me semble que le but est dans la fresque. Michel-Ange, par exemple, comme sculpture, ses nus sont écrasants, sans but, ne-te semblent-ils pas idiots ou isolés ?

Une chose qui me tracasse, c’est le dessin. Je voudrais étudier des dessins de gosses. La vérité y est, sans doute. Mais il faut se faire une raison. Tout cela n’est plus de notre temps et il faut surtout être plus jeune que notre temps : c’est-à-dire plus vieux  comme idées, surtout avoir les idées non seulement d’un futur jeune, mais plutôt d’un futur vieux… »

Et le 18 août 1902 :

« Oui, pour sûr, tu as bien raison, c’est idiot d’être mort lorsqu’on a vécu et c’est bien beau de mourir lorsqu’on ne peut plus vivre. C’est tout naturel d’être mort ou bien en vie lorsque  l’on a jamais été.

Chacun pouvait bien écrire ou dire à l’autre qu’il se sentait à bout, qu’il était fou ! mais au fond de soi-même ni l’un ni l’autre ne se sentait vaincu ou las définitivement.

Tous deux, solidement charpentés, dotés d’une robuste constitution et d’un parfait équilibre physique, nous avions nettement conscience de tout ce qui pouvait être malsain, de tout ce qui pouvait altérer nos pensées  et notre santé morale. Notre mise n’était certes pas élégante ni même soignée, mais nous n’inspirions ni commisération ni pitié.

Derain était doué d’un sens  critique extrêmement développé. Il avait une façon personnelle de voir les êtres et les choses, d’approfondir les questions  les plus simples et les plus ardues, mais les conclusions qu’il tirait de ses controverses philosophiques  et artistiques  arrivaient à le faire souvent douter de lui-même.

Après une réplique ambigüe, on pouvait voir dans l’œil de Derain , accompagnant ses derniers mots , une expression de moquerie et sur ses lèvres une petite moue d’indifférence. Il résolvait les problèmes les plus ardus et pénétrait dans le monde des idées avec un petit rire intérieur (…)

Sur l’écran passent et repassent les images du film…1900…Chatou…L’atelier où nous nous retrouvions…où l’on remisait, toiles, couleurs, chevalets…Le pont de Chatou…La Grenouillère…Le restaurant Fournaise…Les balades à pied sous un soleil brûlant ou dans la campagne couverte de neige.

Sans un sou dans la poche, nous explorions Paris, parcourant des kilomètres le long des berges de la Seine…Montmartre, l’atelier de la rue de Tourlaque où « les putains respectueuses » de la place Blanche et du Rat Mort venaient poser, celui de la rue Bonaparte où pendant des soirées entières  nous parlions des peintres de la génération qui nous précédait, de ce que ces peintres avaient réalisé, des moyens qu’ils avaient employés et dans quel sens et vers quel but ils avaient dirigé leurs efforts. Manet, Renoir, Monet, Cézanne…Et le réalisme : Zola, les Goncourt…Les visites aux musées, au Louvre…Les Primitifs..La naissance du Cubisme. La mode dans l’invention dans la peinture, l’Art, l’intention de l’esprit, Picasso, Guillaume Apollinaire, « Dadaïsme », « Surréalisme »…

Foncièrement classique de nature, de sentiments et de goûts, André Derain acceptait difficilement de s’engager dans le chemin  des écoliers que prenait alors la peinture.

Cette interprétation déshumanisée, ces rébus d’où la vie était exclue, le chaos dans lequel  étaient plongées la nouvelle génération et la peinture, les nouvelles formules en « isme » le rendaient inquiet.

Il déserta les Salons et les Expositions, se retira à l’écart pour ne plus être d’avant-garde, acceptant de passer pour « ne plus être dans le coup ».

De tous les peintres de notre génération, je n’en connais aucun, sauf André Derain, qui eût été capable de bâtir, de mettre debout sans vulgarité, gaucherie et banalité, une composition comparable à celle de  l’ « Atelier », ou à celle de « Un enterrement  à Ornans », de Gustave Courbet.

Nos caractères et notre nature même s’opposaient. Etait-ce cela qui  nous faisait nous rapprocher et discuter sans fin sur les mêmes sujets ? la Vie ? la Peinture ? la Peinture qui avait fait naître en nous une amitié qui dura de longues années. Des évènements surgirent.

La guerre et la vie firent naître des dissentiments et des heurts et creusèrent pendant plus de vingt ans un fossé profond entre nous. Mais chacun reconnut toujours en l’autre qualités et défauts, sans haine ni mépris.

J’ai revu André Derain deux mois avant sa mort dans une auberge où nous avons déjeuné ensemble. Derain a aimé la vie  en égoïste raffiné, il a aimé la bonne chère, le bon vin et les femmes…Sa conversation était empreinte d’un humour singulier.

Je retrouvais malgré les ans qui avaient mûri son visage et alourdi son corps le Derain que je connaissais bien.

Pendant qu’il me parlait, je revoyais les toiles qu’il avait peintes à différentes époques. Le goût sûr et raffiné, l’intelligence de son dessin, l’équilibre et l’ordonnance des formes, le choix et la sobriété des tons et de la couleur qui se trouvent dans son œuvre contribuent à faire de Derain un peintre…Un Grand Peintre.

Avant de nous quitter, nous nous serrâmes la main :

-         « j’irai te voir, me dit-il. Nous avons tellement de choses à nous raconter et à mettre au point !

Avec André Derain disparaît un des piliers de la Peinture française contemporaine.

VLAMINCK "

 

Source : transcription du journal "Arts" du 22 septembre 1954, collection de l'auteur

 

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26/12/2013

LE CASINO DE CHATOU (1882) : IMPAIR ET PASSE

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Une vue de l'ancien Chatou dans les années cinquante, en fait le Chatou du XIXème siècle resté tel que jusqu'à la Rénovation de 1966. A l'extrême-droite à côté de l'église, le casino, "reine d'un jour", devenu le presbytère en 1910.

 

A la fin du XIXème siècle, le développement du pays se faisait autour d’une église qui n’était pas entièrement sauvée des ruines des bombardements des batteries françaises du Mont-Valérien de la guerre franco-prussienne. La municipalité, qui avait fait refaire sa façade par l’architecte Eugène Bardon en 1880, cherchait à la fois à la restaurer et à l'agrandir.

L’argent manquait, la municipalité d’Ernest Bousson, élue en 1878 en qualité de « première municipalité républicaine » selon le mot du maire, cherchait un financement.  L’actuel presbytère, édifice construit pour ses parents par le comte Réal, chef de la police sous l’Empire,  était alors une habitation privée (il n’abrita la cure qu’à partir de 1910).  Un directeur de théâtre, Paul Bourdeille, proposa à la municipalité d’en faire notamment un casino et ce projet fut accepté par le conseil municipal  le 30 mai 1882. Le 25 juillet, la municipalité signait une convention avec  le propriétaire de la maison pour en faire uniquement un casino.

L’affaire choqua car le casino, situé à côté de l’église, parut défier les consciences.  Un journal « conservateur », « Le Journal de Saint-Germain », acrimonieux contre la municipalité à tous propos, salua ainsi l’inauguration de l’établissement dans un article du 4 août 1882 : « Réjouissez-vous, bohèmes et clodoches, Chatou a enfin son Casino ! nymphes de la Grenouillère, inventez une danse nouvelle pour fêter cette heureuse journée. Comme monsieur le préfet de Seine-et-Oise et Monsieur le Maire de Chatou ont choisi des circonstances favorables pour inaugurer ce nouveau temple consacré aux plaisirs ! c’est au moment où le prestige de la France s’affirme avec tant d’éclat  sur les bords du Nil et dans la capitale des Osmanlis que cet évènement remarquable se produit.

Habitants honnêtes de Chatou préparez-vous à envoyer vos filles dans ce lieu de plaisirs où les habituées de la Grenouillère leurs donneront de salutaires exemplaires. Si cela ne suffit pas, vous trouverez bien dans quelque coin de votre pays des châtelaines ayant voitures et chevaux qui dirigent à Paris des couvents renommés, demandez-leur quelques-unes de leurs pensionnaires pour enseigner à vos filles l’art de se conduire dans le monde.

Habitants de Chatou, envoyez aussi vos fils dans ces établissements créés pour la jeunesse, ils y apprendront comment on dissipe en peu d’heures des fortunes laborieusement acquises par plusieurs générations de travailleurs ! donc dimanche dernier, il y avait une grande fête au casino de Chatou pour l’inauguration de cet établissement d’utilité publique. Trois cents invitations gratuites avaient été lancées à la haute gentry du pays. Est-ce l’organisateur du casino, est-ce la la municipalité de l’endroit qui en faisait les frais ? nous l’ignorons encore.

(…) Nous devons constater, en historien véridique, qu’en dehors du casino où nous n’avions pas l’honneur d’être invité, la ville de Chatou avait une mine passablement triste dimanche soir.

Outre que l’éclairage faisait toujours défaut (on avait compté sur la lune), les cafés de la ville et de la gare ont dû faire de maigres recettes. Messieurs les patentables auront du reste le loisir de constater  que si le casino vient leur couper l’herbe sous le pied, le fisc ne leur fera pas grâce d’une obole quand le moment sera venu de payer les impôts. Trop heureux seront-ils s’ils ne subissent pas l’année prochaine une augmentation nouvelle. »

La rétribution de la ville liée au casino avait été fixée dans le contrat à 500 francs par an, portés  à 1000 francs par an à partir de la 6ème année d’exploitation. Le projet eut beau être figé sur le papier, le casino sombra en deux ans. La maison redevint une habitation privée.


Sources :

- "Mémoire en Images - Chatou" par Pierre Arrivetz (éditions Alan Sutton 2003)

- recherches d'Eric Dubart à la Bibliothèque de Saint-Germain-en-Laye 

 

26/11/2013

"MONSIEUR LE MAIRE..."

Le 2 juillet 1935, Monsieur Rousseau, délégué du Touring-Club de France de Chennevières-sur-Marne, saisit le ministre des P.T.T. du problème de l’affichage sauvage sur les poteaux téléphoniques et télégraphiques.

Le 9 août suivant, une circulaire du ministère partait en direction des maires de France dont celui de Chatou :

« Monsieur le Maire,

J’ai l’honneur de vous faire connaître que je viens d’être saisi de requêtes au sujet d’affiches apposées sur les poteaux portant nos fils télégraphiques et téléphoniques.

Ces affiches aux multiples couleurs, la plupart émanant d’officiers ministériels, huissiers et avoués, sont rapidement déchirées par la pluie et le vent, produisant un effet déplorable à l’intérieur des agglomérations et le long des routes.

De telles pratiques sont rigoureusement interdites. Aussi, pour y mettre un terme, vous serais-je particulièrement obligé de bien vouloir me signaler les auteurs des affichages en question pour me permettre de les aviser de cette interdiction.

Les intéressés seront en outre prévenus qu’en cas de récidive, ils seront l’objet de poursuites judiciaires.

De mon côté, je donne toutes les instructions utiles aux agents de mon service pour qu’au cours de leurs déplacements, ils vous signalent le contenu de ces affiches, ainsi que les noms et adresses des personnes pour lesquelles elles ont été apposées.

Je vous remercie par avance du bienveillant concours que vous voudrez bien apporter à mon administration en cette circonstance.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire,…

Le Ministre des P.T.T.

Georges Mandel"

 

 Source :

- La revue du Touring-Club de France - novembre 1935

 

 

 

22/11/2013

RANAVALO, REINE DE MADAGASCAR

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La reine Ranavalo à la gare de Lyon - juin 1901 - Le Petit Journal - collection de l'auteur

 

Madagascar, perle de l’Océan Indien, a cumulé les expériences douloureuses dés le XIXème siècle. La colonisation de la France cherchant à contrer l’Angleterre vers qui le royaume malgache s’était tourné sous le Second Empire, ne fut pas le moindre des souvenirs. Initiée par Jules Ferry, les commerçants et les députés réunionnais, une première expédition en 1883 avec bombardements sur les ports de Majunga et Tamatave fut menée par l’amiral Pierre et conduisit à une première occupation localisée.

Devant la priorité accordée à la conquête du Tonkin, l’affaire fut limitée à la signature d’un traité de protectorat avec la France le 17 décembre 1885 reconnaissant la souveraineté de la reine Ranavalo III sur l’Ile contre la cession de la baie de Diégo-Suarez et l’installation d’un résident à Tananarive chargé des relations extérieures du royaume . Puis, les malgaches n’acceptant pas l’occupation et menant des opérations pour expulser les français sous l’empire du premier ministre de la reine Ranavalo, Rainilaiyarivony, une seconde expédition de 15.000 hommes sous le commandement du général Duchesne fut organisée en 1895.

Des régiments mal équipés moururent de la fièvre jaune, celle-ci emportant 5.000 hommes, mais il n'en résulta pas moins que Madagascar fut affligée du statut de colonie par une loi du 8 août 1896. La résistance malgache continuant, le général Galliéni fut envoyé et fusilla pour l’exemple le ministre de l’intérieur et l’oncle de la reine Ranavalo, ce qui encouragea cette dernière à poursuivre une rébellion constamment appuyée sur la Bible.

Ne trouvant plus de moyen d’arrêter une population qu’il ne comprenait pas, le gouvernement français sur l’instance de Gallieni organisa la déchéance de Ranavalo III. C’est ainsi que la reine dut s’embarquer le 10 mars 1897 à destination d’un exil sans retour vers l'Algérie.

Ranavalo vécut dés lors modestement en résidence surveillée. Mais de cette vie contrainte fut forgé pour l’histoire le statut d’une souveraine courageuse incarnant l’indépendance de Madagascar. Pendant cette période, on put voir très rarement la reine participer aux manifestations parisiennes, sa circulation étant entravée. L’une de ses arrivées dans la capitale en juin 1901 est l’objet de la gravure du Petit Journal que nous vous présentons.

Madagascar entra dans la Grande Guerre comme une conscrite involontaire puis fut à nouveau réquisitionnée pour la guerre au Levant en 1920-1921. La chair à canons fut une belle constante de la politique française. Le 23 mai 1917, Ranavalo III s’éteignit dans sa résidence d’Alger. Son dévouement au service des soldats français lui avait valu le Grand Cordon de la Légion d’Honneur.

Entre 1920 et 1940, Madagascar connut son premier grand développement économique et international, bénéficiant par ailleurs de la politique assez positive des infrastructures publiques voulue par la France. A la veille de la Deuxième Guerre, alors que 4.500 français servaient à Madagascar et que 2.700 malgaches étaient envoyés en métropole pour renforcer les unités combattantes, le ministre des Colonies dont nous ne cessons d'abreuver nos pages, Georges Mandel, né à Chatou 10 avenue du Chemin de Fer le 6 juin 1885, ordonna, à la demande du gouverneur Cayla, de faire ramener à Tananarive les cendres de la reine Ranavalo.  Décidée en septembre 1938, cette mesure demeure sans doute le plus grand acte de dignité de la France dans cette tragique aventure.

 

Source :

- "Le Miroir du Monde - Le Monde Illustré" - 17 septembre 1938

 

08/11/2013

ANTHYME DUPRE (1865-1940), L'AVENTURE INDOCHINOISE

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Timbre de 1904-1906 - collection de l'auteur

 

Comme nos lecteurs l’auront constaté, le blog de l’association s’attache autant en matière d’histoire locale à l’histoire générale de la cité, objet de publications diverses de sa part, qu’au destin de ses habitants. A  ce sujet, dans le cadre de l’expansion coloniale du pays dont on ne peut nier ni les mérites ni les violences, devons-nous citer  un natif de Chatou, Louis Léon Marie Anthyme Dupré, né le 10 novembre 1865 avenue Esther Lacroix dans la maison de campagne de ses parents, Monsieur Albert Dupré, inspecteur des Finances, et Madame Léonine Siran.

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Acte de naissance d'Anthyme Dupré signé notamment du maire de l'époque Monsieur Jean - Pascal Castets (1861-1866) - Source : archives municipales de Chatou, remerciements de l'auteur à Madame Corinne Charlery.

 

A 25 ans, Anthyme Dupré entra dans l’histoire de l’Indochine, dans sa partie nord, le Tonkin. En marge de la politique d’expansion coloniale, la conquête du Tonkin avait résulté d’une initiative individuelle : celle d’un commerçant, Jean Dupuis, établi sur le Yang-Tsé-Kiang. Celui-ci avait remonté en 1873 le fleuve de Hanoï à Mang-Hao, ville frontière du Yunnan, en nouant des contacts commerciaux avec mandarins et tonkinois.

La cour d’Annam s’en inquiétant et faisant obstruction à l’action du commerçant français, celui-ci se retrouva en péril.  L’apprenant, l’amiral Dupré, gouverneur de la Cochinchine, expédia au départ de Saïgon deux canonnières et 180 hommes pour venir à son secours. Le 20 novembre 1873, se heurtant au maréchal Nguyen, commandant de Hanoï, une bataille fut livrée et emportée par l’escadre française.

C’est alors que les mandarins annamites firent appel aux Pavillons-Noirs, une armée de pillards, qui attaqua Hanoï le 21 décembre 1873. Les français les repoussèrent, non sans le massacre de leurs officiers. Le gouvernement du duc De Broglie, alors en place, désavoua toute l’opération, restitua le territoire aux Annamites, 25.000 tonkinois étant assassinés aussitôt en représaille à l’aide aux français des populations locales.

Un traité fut signé par la France avec le roi d’Annam le 15 mars 1874. Contre la remise de 5 bâtiments à vapeur, 1000 fusils, 500.000 cartouches, la France reconnut le royaume d’Annam en échange de l’ouverture à la navigation du Fleuve Rouge et de la reconnaissance de la France au titre du protectorat de la Cochinchine.

Cette situation ne devait être que précaire. De nouvelles agressions  par les Pavillons-Noirs se produisirent dix ans plus tard. Jules Ferry, alors président du Conseil, était à l'origine en 1882 d'une conquête qu'il voulait pacifique du Tonkin. Mais l'affaire dégénéra, le commandant Rivière s'emparant de Hanoï, et finissant décapité par les Pavillons-Noirs. Ferry envoya un corps expéditionnaire. Celui-ci se heurta non seulement aux Pavillons-Noirs mais aux troupes chinoises. Ce n'est qu'en 1885, après le renversement de Jules Ferry, que l'occupation militaire se solda par la reconnaissance de la présence française au Tonkin par la Chine.

 

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Carte tirée du manuel "Histoire Contemporaine depuis 1789" de Gustave Ducoudray (Hachette 1902) - collection de l'auteur.

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On distingue Nam-Dinh sous Hanoï  - même document

 

C’est ce contexte qui s’ouvrit au jeune Dupré, au parcours singulier. Celui-ci arriva en effet 1890 en Indochine et travailla à la Banque de l’Indochine pendant sept ans. Il devint directeur de la banque d’Hanoï vers 1896, ce qui lui donna les moyens de songer à un projet industriel à partir de l’analyse des marchés existants. C’est ainsi qu’après avoir pris en gérance la Filature de Coton de Hanoï, il décida en 1900 de créer une industrie cotonnière destinée au marché colonial et recouvrant tous les métiers et applications du coton, vêtements, pansements, couvertures, tissage, teinture...

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Se posant en concurrent de l’industrie cotonnière des Indes anglaises, Anthyme Dupré bénéficia de droits de douane favorables aux entreprises nationales. Ce fut la naissance de la Société Cotonnière du Tonkin à Nam-Dinh puis, pendant la Première Guerre Mondiale, de la Société des Scieries et de Fabriques d’Allumettes du Thanh-Hoa à Hamrong en Annam.

La main d’œuvre employée fut considérable. En 1930, selon le dossier du ministère des Colonies, les deux industries répondaient de l’emploi de plus de 7.000 personnes alors qu'en 1940, le chiffre de 15.000 personnes fut cité dans l'hommage du journal "La Volonté Indochinoise".

Une œuvre sociale fut appliquée par Anthyme Dupré au développement de ses entreprises : les lois sociales métropolitaines furent appliquées sans demande de dérogation, l’aération, l’éclairage des bâtiments furent privilégiés, l’eau potable et le thé chaud furent proposés dans tous les ateliers, des terrains de sports comprenant tennis mis à disposition des employés, des villages en paillotte construits pour les anciens ouvriers et leur famille pour leur assurer un logement décent, une retraite organisée sur retenue de salaire pour tous les employés totalisant 25 ans de services, des frais d’études offerts aux enfants des agents européens, le versement des indemnités à tous les agents mobilisés par la guerre.

Chevalier de la Légion d’Honneur le 7 juin 1920, Anthyme Dupré fut élevé au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur le 4 mars 1930 par le ministre des Colonies du gouvernement Tardieu, François Piétri.

Cet homme, qui avait eu la passion de l’Indochine, ne vit ni les désastres ni les massacres de la Deuxième Guerre Mondiale et de la Guerre d’Indochine qui s’ensuivit. En 1954, au départ de la France, l’entreprise revînt entre d’autres mains mais ses usines survécurent, et font aujourd'hui partie de l’industrie nationale vietnamienne pour la production cotonnière cependant que la maison d'Anthyme Dupré a été transformée en musée.

 

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Publicité 1953 pour la Société Cotonnière du Tonkin montrant l'étendue des aménagements.

 

En 1939, sa société avait produit 1 million de couvertures et fournissait du fil à 120.000 tisserands locaux. Elle était devenue l'une des plus grandes industries indochinoises, occupant la 4ème place des entreprises françaises en Indochine derrière la Banque de l’Indochine et deux entreprises de caoutchouc.

Anthyme Dupré, domicilié 7 Square Moncey dans le 9ème arrondissement de Paris, s’éteignit le 24 janvier 1940 à Cotefort en Haute-Savoie.

 

* Rappelons que les industries Pathé enregistrèrent les chants traditionnels du Tonkin via leur filiale Pathé Phono Cinéma Chine (cf notre livre "Chatou, une page de gloire dans l'industrie") et en firent don aux Archives de la Parole. Deux exemplaires sont présentés sur le site Gallica (reproduction ci-dessous).

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Bibliothèque Nationale de France

 

 

 

Sources :

- Base Léonore

- Gabriel Hanotaux : "Histoire de la France Contemporaine" 1871-1900 - volume II

- Histoire de France - Larousse - La IIIème République (1985)

- http://belleindochine.free.fr/CotonniereDuTonkin.htm

-  http://lacotonniere.canalblog.com/

- Gallica

 

27/10/2013

"QUAND L'ART DECO SEDUIT LE MONDE" SAUF CHATOU...

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C'est sur l'affichage de ce bas-relief de la façade d'entrée du Théâtre des Folies Bergères réalisé par Maurice Picaud en 1928 que la Cité de l'Architecture et du Patrimoine vient de lancer au Trocadéro la plus grande exposition sur l'architecture Art Déco (1919-1940) et sur l'oeuvre de ses promoteurs français, en France et dans une partie du monde où leur pérennité a été assurée. Alors que l'Art Déco avait séduit et continue de séduire par son mobilier, on doit à cette magnifique exposition d'y étaler quantité de palettes et plans des constructions privées et publiques ayant fait la renommée de ce style resté sans succession.

L'exposition se déroule jusqu'au 17 février 2014, offrant à titre extraordinaire des séances de cinéma sur les films de l'époque dans le cadre d'un cycle "L'Art Déco à l'écran", dont un documentaire qui intéressera les membres de l'association sur un thème largement abordé pour des raisons locales "A bord du Normandie" les samedi 23 novembre 2013 et 18 janvier 2014 à 18h30.

Nous ne pouvons qu'exhorter les Catoviens à se rendre à cette exposition.

Face à une telle reconnaissance, notre association a la responsabilité, puisque c'est son objet social, de constater qu'à Chatou, l'Art Déco était peu présent mais que la municipalité a cru faire oeuvre de modernité en en condamnant méthodiquement ses rares illustrations :

* l'usine Pathé-Marconi, berceau du microsillon en 1951, érigée rue Emile Pathé sur des plans de 1929 du cabinet Wallis, Gilbert et Partners, les plus grands architectes anglais de l'Art Déco, répertoriée à l'Inventaire, détruite en novembre 2004 pour la réalisation d'une Zone d'Aménagement "Concertée" malgré une liste impressionnante d'oppositions dans le monde du cinéma, du patrimoine, de l'entreprise, de l'architecture et même de la politique

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Cliché pour l'Inventaire général - J-B Vialles (1985)

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Extrait du plan de Wallis, Gilbert et Partners

 

* l'ancien cinéma de Chatou "l'Olympia", érigé rue du Général Colin en 1925 sur les plans de l'architecte Lucien Desgrivan, condamné par le PLU voté le 9 novembre 2006 lequel autorise la construction d'un immeuble de 16 mètres de hauteur à son emplacement (PLU - zone URB / emprise au sol autorisant la constructibilité sur 100% de la superficie du terrain (art.UR.9 du règlement du PLU) / hauteur autorisée  16 mètres (art.UR.10 du règlement du PLU).

 

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* des villas situées avenue Adrien Moisant, rue Henri Penon et rue de la Faisanderie auxquelles ont été retirées l'obligation de conservation prévue antèrieurement en dépit des dispositions ouvertes à la protection de l'article L.123-1 7 du Code de l'Urbanisme

 

L'Association Chatou Notre Ville, qui entend sauver et valoriser le patrimoine de Chatou, continuera à se battre pour mettre un point final à ce jeu de massacre ordonné principalement à l'aûne d'une volonté de densification et d'une indigence culturelle imputables aux seuls élus locaux, laquelle n'a invariablement pour résultat que la spéculation au profit de la dévalorisation de Chatou.

  

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27/08/2013

LE PORTUGAL EN MAJESTE A CHATOU ?

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La reine Amélie du Portugal vers 1890 - collection de l'auteur

 

La diffusion le 27 août 2013 de l'émission "Secrets d'Histoire" consacrée à la reine Amélie de Portugal a permis d'éclairer l'histoire des derniers souverains de la monarchie portugaise. Abolie en 1910 après qu'un attentat en 1908 eut tué le roi et son fils aîné Louis-Philippe, la monarchie portugaise a été en réalité portée par la reine Amélie, arrière petite-fille du roi Louis-Philippe, dont l'aura par sa générosité et sa modernité avait conquis les portugais. La reine s'exila en France au Chesnay au château de Bellevue. Elle perdit son second fils le roi Manuel II (1908-1910) en 1932 et ne vécut plus que dans le souvenir d'une existence tragique qui lui avait fait traverser plusieurs époques, plusieurs mondes, entre 1865, date de sa naissance en France, et 1951, l'année de sa mort.

 

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L'église Sainte-Thérèse, dessin de Michelin, architecte (1932) - collection de l'auteur

 

Il subsiste un témoignage un peu mystérieux mais à prendre au sérieux puisqu'il émane de l'historien de Chatou, Paul Bisson de Barthélémy, que celui-ci lie à l'inauguration de l'église Sainte-Thérèse route de Maisons en 1932 : "  Rappelons enfin que la reine Amélie vint à Chatou et qu'elle donna un groupe en carton-pierre représentant Notre-Dame des Sept Douleurs." * Nous avions pu trouver et porter à la connaissance du public l'origine de la construction de l'église Sainte-Thérèse, laquelle pendant des années avait laissé lieu à nombre de suppositions (cf notre article de 2007 à ce sujet sur le blog dans la catégorie "Chatou dans l'architecture"). Mais il nous faudrait sans doute beaucoup plus de chances pour retrouver l'existence de ce groupe en carton-pierre ou de son legs.

 

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Le couple princier du Portugal représenté à l'occasion de son mariage le 22 mai  1886, à gauche Dom Carlos, duc de Bragance devenu Charles Ier du Portugal de 1889 à 1908, neveu par alliance du prince Napoléon, et Amélie d'Orléans, arrière petite-fille de Louis-Philippe - gravure collection de l'auteur

 

 * Paul Bisson de Barthélémy, "Histoire de Chatou et des environs", couronné par l'Académie Française, publication sous le patronage du syndicat d'initiative (1952) 

22/07/2013

LE CERCLE NAUTIQUE DE CHATOU, UN PAVILLON SUR LA SEINE DE CHATOU A MEULAN (1902-1939)

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"Dimanche en Seine à Meulan...le mauvais temps, les grains, les rafales de vent et la houle sur le fleuve n'ont pas empêché les régates à la voile de se dérouler ni cette jeune sportive du Cercle Nautique de Chatou de s'adonner à son sport favori." Le Miroir des Sports 20 juin 1933 - page de couverture. L'entre-deux-guerre signa en France la première émancipation des femmes depuis la Révolution. Les sportswomen françaises se retrouvaient dans toutes les compétitions. Le Cercle Nautique de Chatou leur réserva la moitié de ses épreuves.

 

 

"Entre le pont de Triel et le pont de Meulan, la Seine offre aux amateurs de yachting un bassin naturel de 8000 m de long. C’est ce bassin idéal que le Cercle Nautique de Chatou choisit en 1930 lorsque son effectif s’éleva à 150 bateaux de mer. C’est là, que, samedi et dimanche, le club organisait ses grandes régates annuelles. Cinquante bateaux étaient en compétition, et le spectacle ne manquait pas de charme, de ces blanches voiles se détachant sur un fond de verdure admirable.

Le vent très fort avait soulevé la houle, et de jolies crêtes blanches piquaient le bleu de l’eau, qui prenait sa teinte dans le ciel. Les grands arbres de la rive d’en face se courbaient sous le vent comme pour accompagner le mouvement des grandes voiles soudain couchées par la rafale.

Une course en bateau à voile offre à celui, ou celle, qui la dispute, un moment charmant ; c’est lorsque, le vent en poupe, la barque file droit vers la bouée de virage ; mais là, les difficultés commencent. On doit virer la quille presque hors de l’eau et le mat quasi-horizontal ; parfois même, il faut piquer une tête, et le yachtman, repêché, regarde tristement son bateau remorqué, épave couchée dans les flots. Si l’obstacle est franchi, c’est le long travail de patience pour le retour en louvoyant, travail qui nécessite un effort athlétique réel, des réflexes rapides et un beau sang-froid.

 

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Un petit naufrage en Seine , le pilote et sa passagère sont repêchés par des membres du Cercle Nautique de Chatou.

 

 

Faisant preuve de ces qualités diverses, les principaux vainqueurs des régates du C.N.C. furent Melle Peytel, en 6,50 m « chats », Melle Thierry en monotypes de Chatou, Melle Portier en 6,50 m, M. Peytel, en « stars », et M. Lebrun dans les « chats ».

La course la plus importante, celle des monotypes Messieurs, fut enlevée fort brillamment par les jeunes frères Ledeuil, du C.N.C., devant Lechat. Enfin, la plus belle arrivée fut celle des deux énormes 6 m de Messieurs Draeger père et fils. Les deux bateaux passèrent le poteau bien en ligne contre le vent, et à moins d’un mètre d’intervalle.

 

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Le pavillon du Cercle Nautique de Chatou aux Mureaux et ses initiales sur les berges.

 

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Le bâtiment du C.N.C. aux Mureaux se distinguait par son architecture et un jardin soigné. 

 

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Une perspective intéressante du C.N.C. vers 1930

 

 

 

L’installation du C.N.C. à Meulan a entraîné l’éclosion d’une véritable petite ville flottante, et le spectacle est pittoresque, de ces péniches coquettes, qui semblent se reposer contre la rive. Dans ces péniches, on trouve de grands amis de l’eau, qui n’hésitent pas à quitter la vie de Paris pendant plusieurs mois, pour goûter le calme reposant d’un séjour confortable. Car rien n’est plus douillettement installé que cette habitation flottante que nous fit visiter Monsieur Gompertz. On y accède en traversant un jardinet tracé sur la berge. Puis, de la plage avant, on passe dans une vaste salle à manger. De là, un couloir conduit aux quatre chambres, à la salle de bains et à la cuisine, donnant sur la plage arrière.

 

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Au passage du C.N.C. : "les voiliers de 6 m filent par vent arrière gonflant la voile appelée spinnacker. Ne croirait-on pas voir des jonques chinoises dans la houle d'un port d'Extrême-Orient ?"

 

 

Dans ce home, on trouve l’eau courante, le gaz et l’électricité, le tout procuré grâce aux trois moteurs minuscules du bord. Le chauffage central n’a pas été oublié, ni le pont-promenade, sur lequel nous nous trouvions lorsque notre hôte nous quitta précipitamment pour aller au-devant d’un ami qui atterrissait en avion devant le house-boat même.

 

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L'intèrieur d'une péniche du C.N.C. en 1933 abritant le pied-à-terre d'un sociétaire du Cercle Nautique de Chatou : le très beau canapé et ses deux petits chiens sympathiques, la TSF sur le buffet de la salle à manger rappellent que la voile restait l'apanage d'une clientèle aisée qui n'hésitait pas à transporter une dose importante de confort pour soutenir les épreuves. 

 

 

On n’est pas peu surpris qu’attelé à un train de péniches normal, ce logis flottant a permis de visiter tout le nord de la France, à peu de frais, sur les calmes chemins d’eau. Sait-on enfin qu’il est très facile d’aller – lentement, certes, mais avec quel plaisir de connaître une vie idéalement douce, de Rouen à Marseille ?"

 

Georges Briquet

Le Miroir des Sports – 20 juin 1933

 

Sources :

- Le Miroir des Sports 20 juin 1933

- Cartes postales anciennes - collection de l'auteur

 

 

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08/07/2013

A L'EPOQUE DE PARIS SAINT-GERMAIN EN BATEAU A VAPEUR

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 Gravure des excursionnistes du Petit Journal - 13 septembre 1903
 
 
«  Le Petit Journal, organe essentiellement démocratique , a songé à ceux que la Fortune n'a pas favorisé et leur a offert une promenade sur la Seine, à bord de deux beaux bateaux  de la Compagnie des Bateaux Parisiens » - Le Petit Journal, 13 septembre 1903 
 
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Rappelons que le bateau "Le Touriste" (ci-dessus à gauche) effectuait quotidiennement un voyage sur la Seine entre Paris et Saint-Germain depuis 1878. Monsieur Eric Dubart a bien voulu à ce sujet nous apporter témoignage du "journal de Saint-Germain" (ci-dessous colonne du journal) des prestations du "Touriste" en mai 1881. Dans la Boucle, Chatou était une escale ainsi que Bougival.

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20/01/2013

LOUIS MORTURIER (1888-1969), DE L'OPERA-COMIQUE, RUE MARCELLIN BERTHELOT

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Louis-Morturier - Cliché Jean-Pierre Brunerie

 

Chatou fut une terre d’accueil des artistes lyriques dont certains furent produits dans les usines Pathé du boulevard de la République. Leur souvenir a été rappelé il y a douze ans par l’association dans une revue consacrée au patrimoine musical, « Chatou, les témoignages de l’histoire », plus récemment dans le livre « Chatou, une page de gloire dans l’industrie » (2012) cependant que notre blog a commencé par évoquer le ténor Pierre-Léon Melchissédec, habitant du 3 rue des Coteaux dans le quartier Gambetta.

Grâce au témoignage de Monsieur Jean-Pierre Brunerie, ancien menuisier chez Pathé-Marconi, commémorons aujourd’hui le souvenir de Louis Morturier, parrain de ses enfants, qui vécut dans le quartier du Val Fleuri avec son épouse Henriette, elle aussi artiste lyrique, 26 rue Marcellin Berthelot. Né le 2 décembre 1888 à Saint-Pierre-Le -Moutier en Bourgogne dans la Nièvre, Louis Morturier, qui entra au conservatoire de Paris avant la première guerre mondiale, se distingua au cours du conflit au point de recevoir la Croix de Guerre.

En 1919, il entama une carrière de basse à l’Opéra-Comique et devint pendant l’entre-deux-guerres l'une des vedettes de la Compagnie Française du Gramophone, filiale de la Columbia anglaise et détentrice de l’édition en France des marques La Voix de Son Maître et Columbia. C’est ainsi qu’en 1929, à 41 ans, Louis Morturier était présent dans le catalogue La Voix de Son Maître pour ses interprétations dans plusieurs oeuvres enregistrées : « Ave Maria de Lourdes », « Carmen » (Bizet), « Le Chalet » (Adam), « Don Carlos » (Verdi), « Don Juan » (Mozart), « Don Quichotte » (Massenet), « Les Huguenots » (Meyerbeer), « Les Pêcheurs de Perle » (Bizet), « La Jolie Fille de Perth » (Bizet), « Le Jongleur de Notre-Dame » (Massenet), « Louise » (Charpentier), « Mignon » (Thomas), « Noël » (Adam), « Thaïs » (Massenet), « La Vie de Bohème » (Puccini).

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Collection de l'auteur

Ces disques ne furent pas fabriqués à Chatou mais à Nogent-Sur-Marne où la Compagnie Française du Gramophone avait fait édifier une usine au 5 avenue Kléber. Usine éphémère car la fusion au même moment avec la Compagnie Générale des Machines Parlantes d’Emile Pathé entraîna la délocalisation de la production à Chatou dans la nouvelle usine baptisée Société Générale de Disques de la rue Centrale (rue Emile Pathé en 1937), édifice Art Déco achevé à la fin de 1930.

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Collection de l'auteur

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Collection de l'auteur

 

Dés lors, Louis Morturier fut édité sous les labels Columbia et La Voix de Son Maître jusqu’à être produit par les Industries Musicales et Electriques Pathé-Marconi, créées en 1936 et regroupant les grandes marques. En retraite de l'Opéra-Comique en 1945, Louis Morturier continua d'être édité dans le catalogue général Pathé-Marconi à titre de témoignage et termina sa carrière phonographique dans le catalogue de 1956 par l'édition d'un disque 78 tours La Voix de Son Maître "Minuit Chrétiens" et "Un ange du ciel est descendu", ancien Noël nivernois, un titre faisant référence aux origines de l'artiste (étiquette grenat - K5717). Louis Morturier mourut en 1969. Il représente une figure méconnue de l'Opéra-Comique à Chatou.

 

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