29/12/2009
RENOIR (1841-1919) ET LA MAISON FOURNAISE
Né en 1841 à Limoges, Auguste Renoir était allé à Paris, avait pris des cours en 1860 chez le peintre académique Gleyre et rencontré chez lui Monet, Sisley et Bazille avec qui il avait formé le premier cercle des Impressionnistes. Il avait peint à Paris, Fontainebleau, et déjà réalisé nombre de portraits de commandes dans lesquels il excellait. Sa venue à Chatou ne fut pas différente de celle des parisiens qui entendaient parler des charmes de la villégiature au terme de vingt minutes de chemin de fer. Elle répondait à l’appel d’autres de ses confrères qui installaient progressivement leur vie derrière les ombres portées des arbres et des reflets de la rivière. Lorsque Renoir vit les bords de Seine, il en saisit tout l’intérêt pour en dégager la peinture claire et vivante qui peu à peu avait fini par déterminer son travail. Son objectif était autant de rompre avec une forme d'intransigeance académique que d’affirmer la vie, la couleur et la lumière dans des sujets réalistes. Entre 1874 et 1881, ce fut la maison Fournaise qui abrita ses rendez-vous artistiques. La vie y exprimait la liberté chère aux artistes, les amours de jeunesse et une insouciance qui fut peut être plus anecdotique pour un homme qui souffrit de la pauvreté et « s’essaya » avec acharnement à la peinture jusqu’à son dernier souffle, recherchant sans cesse l’expression d’un visage, l’impression d’un paysage, la couleur dans la scène ordinaire. Sa peinture dégageait plus que le reflet d’une époque, elle exprimait la vie, répétait non sans exigence l’image intérieure qu’il recevait du monde qui l’entourait. Chatou, où il rencontra Aline Charigot qu'il devait épouser par la suite, fut sans doute une « maîtresse » des plus agréables. Il lui fit un adieu particulier, l’hommage à tous ceux qui l’avaient entretenu dans le cercle des peintres des bords de Seine, le Déjeuner des Canotiers, toile signée en 1881, où ses familiers, Aline Charigot avec son petit chien, les Fournaise frère et soeur, le peintre et mécène Caillebotte, l'actrice Jeanne Samary, le banquier Ephrussi et d’autres encore, témoignent pour l’éternité sur le balcon de la maison Fournaise.
Les Amis de la Maison Fournaise, en sauvant la maison, ont perpétué le souvenir d’une école, d’une époque, compté les pas d’une vie d’artiste. Ils ont renvoyé vers les nouvelles générations la nature généreuse de ses sentiments pour le monde qui l’accueillait.
La yole (1875) - Londres, National Gallery - Renoir
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26/12/2009
PIERRE TRIMBACH (1889-1970), UN PIONNIER DU CINEMA
Né le 5 octobre 1889 rue de la Place à Chatou, Pierre Trimbach (1889-1970) fut un opérateur de la Compagnie Pathé, directeur de la photographie des premiers films muets et des actualités Pathé. A la veille de sa disparition, il consigna ses souvenirs dans un ouvrage « le cinéma il y a 60 ans – quand on tournait les manivelles » (éditions CEFAG – 1970) dont Stéphanie Salmon, responsable des archives de la Fondation Jérôme Seydoux - Pathé, avait bien voulu nous signaler l'existence et les références.
«Je fus élevé dans cette coquette petite ville de la rive droite de la Seine (…) Elle fit rêver bien des poêtes et son charme inspira de nombreux peintres (...). Etant enfant, les romans de "cape et d'épée" nous font rêver. A l'école du pays, souvent on nous parlait de Madame Bellanger qui habitait Chatou vers 1641 et, dont le fils, le célèbre Cyrano de Bergerac, parlait déjà, dans certains de ses romans, d'un voyage dans la lune ! Mes parents habitaient une confortable maison plantée au milieu d’un grand jardin décoré par une belle pelouse, des fleurs et des beaux arbres ; tout au bout il y avait un verger habité par des pruniers, cerisiers etc…A la saison des fruits, ce verger était pour nous un vrai paradis terrestre, nous étions souvent perchés dans les arbres pour la cueillette. Les jours s’écoulaient tranquilles dans le charme de cette belle campagne d’alors ! mon père, qui avait été élève de Saint-Saens, était un bon musicien et surtout un très bon pianiste. Mon frère cadet, lui, était doué d’une voix de ténor ; il avait également un goût très développé pour l’aquarelle ! quant à moi, je n’avais pas encore percé. Des parents, amis et artistes, chanteurs, acteurs, peintres, qui villégiaturaient en été, formaient un groupe sympathique et très gai qui venaient dans cette maison où l’accueil était de tradition. Cette demeure était assez retirée, elle était même la dernière maison du pays et la vue s’étendait sur les coteaux et les vignobles jusqu’à Carrières et Montesson. On peut dire que pendant la saison d’été, tous les samedis soirs il s’y donnait de véritables concerts et cela parfois jusqu’à deux ou trois heures du matin. (…) ».
De 1908 à 1925, la carrière de Pierre Trimbach se déroula à la SCGADL, Société d’Edition Cinématographique des Auteurs et des Gens de Lettres constituée avec le soutien de Pathé pour le tournage de films d’auteurs, carrière entrecoupée par des reportages pour le Pathé-Journal, ce qui le ramena à Chatou pour y filmer notamment le départ de la course Paris-Roubaix (1902) et les funérailles nationales du ministre et député-maire de la ville, Maurice Berteaux (1911).
Sa vie de famille le poussa à donner sa démission alors qu’on lui demandait de partir en Egypte pour tourner « Le Roman de la Momie » de Théophile Gautier. Pierre Trimbach poursuivit sa carrière chez Kodak-Pathé. De cette aventure de pionnier, il conclut avec émotion soixante ans plus tard : « toute cette vie d’opérateur fut pour moi un grand film, on peut dire un roman parfois tragique, souvent comique, mais, ainsi que le veut le théâtre, à un moment le rideau tombe ! pour moi, tout était fini, il tombait pour toujours, je rentrais en coulisses ! je venais d’avoir 37 ans ! adieu, mes beaux décors , mes beaux voyages, je devais recommencer une autre vie. Amis, mes vieux camarades, artistes, opérateurs aujourd’hui disparus, je ne vous ai pas oublié, je pense toujours à vous en attendant que Dieu me rappelle et que Saint-Pierre m’ouvre ses portes pour aller vous retrouver."
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