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31/07/2011

L'ILE DE CHATOU : HOMMAGE A SES DEFENSEURS ET RAPPEL DE SON STATUT

La première entreprise de sauvegarde du site de l’Ile de Chatou remonte à la Belle Epoque, lorsqu’un Syndicat d’Initiative de Chatou et des Environs fut constitué le 28 novembre 1911 par Monsieur Paul Bousson, fils de l’ancien maire de Chatou, Ernest Bousson (1878-1887).

Le docteur Rochefort, maire de Chatou ayant succédé à Maurice Berteaux décédé, en devint président d’honneur et Messieurs Baudry, industriel, et Réalier–Dumas, peintre, tous deux propriétaires à Chatou, en furent nommés vice-présidents. Le secrétariat général en était assuré par Monsieur Gaultier, architecte, fils de l’architecte Gaultier qui réalisa le château de la Pièce d’Eau Villa Lambert. L’objet social : « sauvegarder les beautés naturelles de notre région et en rendre le séjour plus agréable dans l’intérêt de la villégiature et du commerce."

 

 

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Maurice Réalier-Dumas (1860-1928), peintre de Chatou, toile de 1890 - Musée de Gajac (son oeuvre a été mise dans le public francilien par une revue de Madame Suzanne Bertauld en 1984). On doit notamment à Maurice Réalier-Dumas un tableau d'Alphonsine Fournaise, dont il fut l'amant. 

 

 

Fort de la loi du 21 avril 1906 sur les monuments naturels et les sites (votée à l'initiative du sénateur Beauquier), le Syndicat décida de se battre pour la protection de  l’Ile de Chatou. Il  obtint le concours de Monsieur Petit, maire de Croissy, et de Théophile Poilpot, peintre panoramiste de renom (cf  notre étude dans le bulletin de La Mémoire de Croissy n°26 - juin 2007), propriétaire à Croissy, pour faire aboutir le classement de l’Ile de Chatou « depuis l’écluse de Bougival jusqu’au barrage de Bezons ».

Chacun reçut pour mission de convaincre les divers propriétaires de l’Ile de se rallier à la cause du classement. C’est sans doute là que l’entreprise échoua.

Il fallut l’exposition en mai 1943 sur les bords de Seine et la mise en valeur de leur passé artistique, en pleine Occupation, par Maurice Catinat *, conseiller municipal de Chatou depuis 1929 et historien, pour qu’une nouvelle action soit tentée, en l’occurrence auprès du gouvernement de Vichy. C’est dans ce contexte que le ministre secrétaire d’Etat à l’Education Nationale, s’appuyant sur la loi de 1930 sur la protection des sites, décida par un arrêté du 3 novembre 1943 d’inscrire successivement à l’Inventaire l’avenue des Tilleuls, le quai de l’Amiral Mouchez, l’Ile du Chiard et « L’Entre-Deux-Iles » puis, par un nouvel arrêté du 5 novembre 1943, de classer à l’inventaire « La Grande Ile de Chatou ». Le classement de la Maison Fournaise en monument inscrit partiellement à l'inventaire (1982) grâce au combat des Amis de la Maison Fournaise pour sa conservation et sa restauration a parachevé un enchevêtrement de protections monuments historiques dont bénéficiaient l'Eglise (1925) et le Nymphée de Soufflot (1952). Des périmètres de protection de 500 mètres englobent ainsi l’Ile et les bords de Seine aujourd’hui, les divers classements n’ayant pas été remis en cause.

 

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L'ancien Chatou dans les années cinquante avec le vieux pont routier situé alors à hauteur de la rue du Port. Au premier plan, la promenade avec les tilleuls du quai de l'amiral Mouchez aménagée par Maurice Berteaux en 1911. Tout a été détruit méthodiquement dans les années soixante avec la construction du nouveau pont et la Rénovation.

 

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A la fin des années cinquante, les bords de Seine à hauteur de l'Eglise de Chatou, avec la promenade du quai de l'amiral Mouchez et les berges de l'Ile en face. L'ensemble du quartier autour de l'Eglise a été détruit avec la Rénovation. La perspective de Rueil et de ses hangars industriels ne présente en revanche aucun intérêt du point de vue du paysage et l'on peut remercier le défunt maire de Rueil Jacques Baumel d'y avoir créé une promenade bornée par des arbres à foison dont des saüles pleureurs. En face, l'Ile de Chatou surplombée par la Maison Levanneur qui abrita les Fauves, est beaucoup plus construite et boisée qu'elle ne l'est aujourd'hui.

 

 

 

L’obtention de ces classements, œuvres salutaires dans l’esprit public mais aussi en droit, n’empêcha malheureusement rien : la Rénovation de Chatou détruisit l’aspect du quai de l’amiral Mouchez et de l’avenue des Tilleuls transformés pour les besoins de la circulation automobile. Les bords de Seine, qui avaient naguère enchanté Maupassant, Derain et Renoir, furent en partie défigurés par des opérations de remblaiements bétonnés pour les voies de circulation routières ou fluviales. L’avenue des Tilleuls a quant à elle été victime de maladies et de plantations d'arbres exotiques à petite feuilles censés être plus résistants mais qui tombent également malades.  

Il n’en reste pas moins qu’un Architecte des Bâtiments de France un tant soi peu exigeant bien que redevable vis-à-vis du corps politique, est en théorie, au regard du classement de 1943, en mesure d’imposer le maintien ou le remplacement d’une partie du paysage disparu des bords de Seine en respectant au plus près son harmonie d’origine. Il faut bien entendu pour cela s’opposer aux pressions et risquer ainsi sa carrière avec la perspective d’être remplacé par un confrère plus « accommodant » pour les municipalités et les Voies Navigables de France.

L’association, qui s’est battue avec succès contre la construction d’un complexe hôtelier sur le mail en 1994 à l’appui de 4000 pétitions, se devait d’évoquer les pionniers de la défense de l’Ile. Grâce à eux,  cent ans après leur intervention, une protection juridique existe. Il ne reste plus désormais qu’à la mettre en œuvre…

 

* c'est à Maurice Catinat que l'on dut la création à l'orée de la gare de Chatou en 1929 du square Maurice Berteaux supprimé il y a peu

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