25/01/2014
LES 25 ANS DE "LA MEMOIRE DE CROISSY" : A 16 HEURES DEMAIN DIMANCHE 26 JANVIER 2014
Le château Chanorier où la Mémoire de Croissy organise ses expositions
La ville de Croissy-sur-Seine a connu une évolution positive et sans heurt. L’image de la ville s’est fortifiée à mesure qu’elle croissait grâce à son patrimoine et son activité culturelle. Les responsables : Les Amis de la Grenouillère et La Mémoire de Croissy qui ont su faire valoir une richesse naguère passée sous silence. Et pour ne parler que de La Mémoire de Croissy que nous connaissons et à laquelle nous adhérons, la ville de Croissy lui doit 25 ans de recherches, publications, expositions dont la postérité est en partie assurée par un Pavillon d’Histoire Locale au château Chanorier, ainsi que la première exposition sur l’histoire et l’outillage du maraîchage, une activité qui a irrigué Paris et sa banlieue pendant des siècles.
Les revues éditées par la Mémoire de Croissy depuis 25 ans sont le fruit de recherches incessantes et d'une relation avec la population pour conserver la mémoire de la ville.
Aujourd’hui, dans le cadre rénové du château Chanorier, les habitants de Croissy ont, par leur soutien, conduit les représentants associatifs et municipaux à donner un éclat à la ville que celle-ci n’avait jamais connu.
Tous les efforts des fondateurs de la Mémoire peuvent se reconnaître dans cette revalorisation. Entre le Croissy des années 80 et le Croissy d’aujourd’hui, le monde associatif a planté des fruits et des carottes dont la semence était utile. Quant à la récolte, elle est toujours bonne et empreinte de perspectives, telle cette exposition prometteuse sur les inventeurs Croissillons Kégresse (autochenilles) et Tissandier (dirigeables) en fin d'année.
La Croisière Jaune au Salon Retromobile 2009 porte de Versailles : la Citroën Kégresse.
Les 25 ans de l’association, le concert des chœurs "O Musica" (classique et variétés), sont donc une fête à laquelle nos internautes et adhérents sont intéressés par la réussite même qu’ils symbolisent et l’exemple qu’ils portent.
Merci par avance à tous ceux qui s’y joindront.
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19/01/2014
PROJET DE LOI ALUR : INTERVENTION DE MONSIEUR JACQUES MYARD ET DE L'ASSOCIATION A SA SUITE
Le projet de loi ALUR de Madame DUFLOT, ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, prévoit la suppression de la possibilité d'établir des règles de coefficients d'occupation des sols et de superficie minimale constructible dans le Plan Local d'Urbanisme.
Nous informons nos internautes que le débat a vu l'intervention de Monsieur Jacques Myard, député des Yvelines, en coopération avec Monsieur Woerth, député de Chantilly, au secours des villes parcs inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Cette intervention s'est traduite par l'amendement suivant accepté par Madame la Ministre de l'Ecologie :
"Dans les secteurs bâtis des zones urbaines issues d'une opération d'aménagement d'ensemble d'un domaine boisé, antérieure au XXème siècle, et ayant conservé leur caractère remarquable de parc, le plan local d'urbanisme peut comporter des dispositions règlementant la surface de plancher des constructions en fonction de la taille des terrains si la préservation de la qualité des boisements et espaces verts le justifie".
Une telle disposition permettra notamment de maintenir une protection des sites du Vésinet et de Maisons-Laffitte, lesquels comme tout site inscrit, ne sont pas inconstructibles selon la loi.
Notre association remercie chaleureusement Monsieur Myard pour son implication de surcroît efficace dans ce débat touchant le patrimoine français.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pu qu'écrire à notre tour à Monsieur Myard qui nous avait informés de cette heureuse initiative afin de lui demander l'amendement suivant visant les cas d'identification du patrimoine local par les communes elles-mêmes en dehors des cas de villes-parcs :
" Monsieur le Député,
Ayant connaissance de votre message et représentant l'association Chatou Notre Ville ayant notamment pour objet la défense du patrimoine de la commune, je tiens à vous remercier particulièrement pour votre proposition d'amendement du projet de loi ALUR laquelle permettra, nous l'espérons, de conserver des éléments majeurs du patrimoine français et franciliens en l'occurrence.
Compte-tenu de l'initiative que vous avez prise, je me permets de solliciter également votre intervention pour proposer l'amendement suivant avant qu'il ne soit trop tard :
"Des règles de coefficients d'occupation des sols et(ou) de superficie minimale constructible pourront être conservées dans les cas suivants :
- dans le périmètre des villes-parcs sites classés ou inscrits à l'Inventaire
- dans le périmètre des zones urbaines du Plan Local d'Urbanisme relevant de l’application de l'article L.123.1 5 du Code de l'Urbanisme 7ème alinéa
- dans le périmètre des terrains occupés par des édifices relevant d'une obligation de conservation dans le règlement du Plan Local d'Urbanisme au titre de l'article L.123.1 5 du Code de l'Urbanisme 7ème alinéa"
Vous remerciant de votre écoute et de votre réponse, je vous prie d'agréer, Monsieur le Député-Maire, l'expression de notre reconnaissance et de mes meilleurs voeux pour l'année qui s'ouvre.
Pierre Arrivetz
Association Chatou Notre Ville "
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17/01/2014
HENRY-LEONARD DE BERTIN, MINISTRE ECLAIRE ET DERNIER SEIGNEUR DE CHATOU (1762-1789) ET SON VOISIN CHANORIER
Gravure de Bertin, par Roslin, Institut de France, Tous droits réservés , don du comte et de la comtesse de Lambertye – décembre 1937 - le dernier seigneur de Chatou fut ministre de Louis XV et de Louis XVI
Henry Léonard Jean-Baptiste Bertin, né en 1720 à Périgueux, traversa la fin de l’Ancien Régime en accumulant une vaste expérience d’administrateur. Intendant du Roussillon en 1750, de Lyon en 1754, lieutenant général de police de Paris en 1757 puis contrôleur général des Finances de 1759 à 1763, ministre des Affaires Etrangères un mois par intérim en 1774, et Secrétaire d’Etat titulaire d’un département hétéroclite à sa demande de 1763 à 1780 (Agriculture, Mines, Poste, Manufactures, Compagnie des Indes...), le dernier seigneur de Chatou et de Montesson (1762-1789) passait pour un homme discret, passionné et désintéressé.
L’un des historiens qui, en 1948, a analysé son œuvre de Secrétaire d’Etat, Michel Antoine, lui dénie la stature d’homme d’Etat, au motif qu’il n’a pas réussi à imposer ses vues et étendre son administration, ne disposant d’aucun soutien dans le cercle des intendants.
Cet homme que l’on range dans les « seconds rôles » sut pourtant se distinguer dans ses nombreuses attributions. Il est d’ailleurs impossible ici de reprendre toutes ses initiatives.
C’est le premier conseiller de Louis XV, Phélypeaux, comte de Saint-Florentin, secrétaire du roi, le « ministre de l’Intérieur » de l’époque (ci-contre), qui amena Bertin au Contrôle des Finances en 1759.
Ce dernier était alors Lieutenant de Police de Paris et dans la faveur de Madame de Pompadour, qu’il avait protégée. Si Bertin accepta le poste de Contrôleur Général des Finances (1759-1763), ce fut à son corps défendant. Et la cour, assise sur la bombe à retardement d’une gestion calamiteuse des deniers publics et de l’impôt, eut à s’accommoder d’un homme plus résolu qu’elle ne l’avait crû.
Dans ses « Particularités et observations sur le ministère des Finances » (1812), Monsieur de Monthion, ancien conseiller d’Etat de Louis XVI et agronome de la génération Bertin, rapporta ce mot de Madame de Pompadour au sujet du ministre : « C’est un petit homme qu’il est impossible de maîtriser. Lorsqu’on le contrarie, il n’a qu’un mot sur les lèvres : « cela ne vous convient pas, je m’en vais ».
Contre toute attente, et après l’échec de ses prédécesseurs, le seigneur de Chatou restaura la confiance et finança la guerre de 7 ans au prix d’emprunts et d’une fiscalité écrasante. Désireux d’assainir la situation du pays, il présenta la guerre finie différents projets d’impôts avec un projet de cadastre en avril 1763.
La fronde des Parlements fut la réponse, entraînant le renvoi du ministre pour éviter une crise politique majeure. Bertin et Louis XV durent s’en souvenir lorsqu’ils engagèrent la réforme du chancelier Maupeou (gravure ci-dessous) en 1770, exilant les Parlements et tentant la dictature royale.
De même, lorsque Louis XVI voulut rappeler les Parlements en 1774, Bertin ministre fit partie du pré-carré avec le comte de Provence et le comte de Vergennes qui s’opposa vainement à leur retour.
Sacrifié et honni, Maupéou quitta la cour à Compiègne le 24 août 1774 dans une déclaration fameuse au comte de Saint-Florentin : « j’avais fait gagner au roi un procès qui durait depuis trois cents ans. Il veut le reperdre, il en est le maître. Voici les sceaux ».
Puis, levant les yeux vers l’appartement royal sur le perron, le pied sur le montoir de la voiture, il eut ce mot moins noble mais tout aussi exact : « il est foutu ».
L’exil du chancelier passa vraisemblablement par Chatou si l’on en juge la chanson qui immortalisa son départ : « Sur la route de Chatou, en foule on s’achemine pour voir la triste mine du chancelier Maupéou sur la rou…sur la rou…sur la route de Chatou. »
Si Chatou accueillit les derniers tenants de l’antiparlementarisme, la France aux Parlements restaurés accomplit les prédictions du cercle Maupéou. Les ministres réformateurs de Louis XVI, Turgot, Malesherbes, Saint-Germain, devinrent la cible de violentes campagnes qui finirent par les emporter dés 1776.
Pour leur succéder, le roi retourna pendant treize ans à la politique des expédients, jusqu’à ce que la Révolution fasse litière de tout l’édifice.
En toile de fond de cette trame historique bien connue, une entreprise plus sourde et tout aussi importante se doit d’être évoquée, celle qui cristallise le lien entre Bertin et Chanorier, son voisin de Croissy à partir de 1779. Il s’agit du domaine de l’agriculture et des sciences.
Si Colbert avait été l’artisan de la renaissance du commerce en France, Bertin, voyant le pays s’effondrer sous le poids des guerres et des injustices, rattacha l’agriculture au Contrôle Général des Finances et tenta d’être le rénovateur de l’agriculture française.
La tâche était à la hauteur de l’enjeu : au XVIIIème siècle, 20 millions de Français cultivaient 35 millions d’hectares sur les 51 millions que comptaient le pays. Le cultivateur, après avoir livré ses denrées dont le prix de vente était fixé à bas prix à dessein par le gouvernement, se retrouvait dans une misère complète lors des fréquentes disettes.
Cette situation attira l’attention d’un certain nombre d’économistes, parmi les plus connus Gournay et Quesnay, qui préconisèrent l’instauration de la liberté commerciale pour sortir de la pénurie. Contrôleur Général des Finances, Bertin participa à ce courant « physiocratique » par divers moyens.
Bertin Contrôleur Général des Finances nomme Turgot
Il le fit en nommant en août 1761 Turgot intendant du Limousin, dans la région la plus pauvre de France, dont celui-ci garda l’administration pendant treize ans. De fait, Bertin imposa « l’expérience Turgot » dans notre histoire nationale.
L’idée principale du nouvel intendant était que la richesse de la Nation résidait dans son agriculture et que son développement devait être la priorité du régime. Dans une province où 40% du revenu des terres étaient prélevés par le roi, Turgot obtint par le harcèlement de l’administration royale le dégrèvement de 600.000 livres par tranches annuelles de 200.000.
Jetant à bas tout confort de vie et commencement de mondanité, il fut l’homme lige du système physiocratique. La délégation lui faisant horreur, il fut lui-même l’ingénieur des 160 lieues de routes qu’il fit construire ou reconstruire.
Il établit un plan d’urbanisme de Limoges, y fit construire un palais de justice, un évêché et un collège et fut à l’origine de la naissance de l’industrie de la porcelaine. A la répartition arbitraire et sans contrôle de l’impôt, il voulut répondre par l’établissement d’un cadastre, projet qu’il ne put cependant terminer.
Dans chaque paroisse, des « collecteurs » élus par la population à la sortie de la messe du premier dimanche d’octobre étaient chargés de dresser les rôles et de percevoir l’impôt. Les contribuables ne payant pas, le roi envoyait ces « élus malgré eux » croupir en prison pendant dix mois, parfois par centaines au sein de la généralité. Turgot supprima ce système et le remplaça par des fonctionnaires chargés du même travail mais payés par la commune.
En 1764, il publia « le plan d’un mémoire sur les impositions en général, sur l’imposition territoriale et sur le projet de cadastre », dans lequel il afficha sa préférence sur l’impôt sur le revenu mais en l’abandonnant aussitôt au motif que le contribuable se réfugierait perpétuellement dans la fraude. Seul l’impôt de répartition fondé sur la propriété foncière avait selon lui un avenir.
L’essor de cet impôt à partir de la Révolution ne démentit point son analyse. Enfin, si l’intendant résorbait en partie le problème fiscal, restait la corvée, réquisition sans indemnité des paysans pour l’entretien des routes et des chemins.
Turgot la supprima dans sa généralité en donnant aux communes la charge de l’entretien au prorata de leur importance. Autre désespoir des foyers, une milice communale était tirée au sort, les hommes étant employés sans solde ni indemnité.
Les régions étaient traversées par les fuyards, les régiments de ligne ne se gênant pas pour procéder à des incorporations arbitraires. Ceux qui remplaçaient les élus disparus étaient envoyés les chercher et bien souvent des bagarres ou des meurtres concluaient l’affaire. Turgot imposa tous les mobilisables d’une somme modique pour payer des volontaires et le problème fut réglé.
Enfin, au titre des servitudes abhorrées, l’habitant devait loger la garnison. Turgot fit construire une caserne à Limoges pour y confiner les troupes. Il abrogea dans la foulée les réquisitions chez les particuliers pour les transports militaires en passant commande auprès d’entrepreneurs par un impôt additionnel à la taille.
Lorsque la disette s’installa dans le Limousin et partout ailleurs pendant deux ans en 1770, Turgot vit, malgré ses ordres, la liberté des grains bafouée par les arrêts des Parlements, de sorte que les propriétaires ne voulaient plus sortir leur récolte de peur qu’elle soit réquisitionnée à bas prix.
L’intendant abolit alors la taxe sur le pain, supprima le privilège des boulangers urbains et fit ravitailler les villes par les communes rurales. Il interdit aux propriétaires de renvoyer leurs employés ou les obligea à nourrir quatre indigents pour chaque renvoi et enfin créa des ateliers de charité. En vain.
Bertin, qui parallèlement avait convaincu Louis XV de rendre un édit autorisant la libre circulation des grains et des farines dans tout le royaume le 25 mai 1763, vit sa politique subir le même sort que celle de Turgot. La liberté de circulation fut abrogée le 23 décembre 1770 par le Contrôleur des Finances en place depuis le 18 février, l’abbé Terray.
Mais à la faveur du changement de règne en 1774, Turgot prit à son tour le Contrôle Général des Finances. Il présenta au Conseil du roi un projet d’édit le 13 septembre 1774 rétablissant la liberté de circulation des grains mais en la limitant à l’intérieur du pays et en excluant cette fois-ci l’exportation.
Cette prudence fut jugée insuffisante, y compris par son ami et secrétaire d’Etat Bertin qui le mit en garde immédiatement : « Je vous exhorte à mettre dans votre marche toute la lenteur de la prudence. J’irai jusqu’à vous inviter, si cela vous était possible comme à moi, et si vous n’aviez pas depuis longtemps pris couleur, à masquer vos vues et votre opinion vis-à-vis de l’enfant que vous avez à gouverner et à guérir. Vous ne pouvez vous empêcher de jouer le rôle du dentiste ? soit, mais autant que vous le pouvez, ayez l’air, sinon de tourner le dos à votre but, du moins d’y marcher à pas très lents. » Malgré tout, l’édit fut adopté le 20 septembre 1774 et traversa même « la guerre des farines » qui éclata à la suite de la disette en avril-mai 1775.
Comme en 1770, on dut se rendre au constat qu’en dépit de la liberté instaurée, les moyens structurels d’une augmentation de la production agricole faisaient défaut.
Dénué de tout sens politique et incapable de communiquer, Turgot répéta son expérience limousine en faisant enregistrer par lit de justice du roi le 12 mars 1776 la suppression : des corvées, de la police des grains à Paris, des offices sur les quais, les halles et ports à Paris, des jurandes et des maîtrises, de la caisse de Poissy et la modification des droits sur les suifs.
Avec ces réformes, l’impopularité de Turgot toucha son apothéose auprès des puissants. Malgré le scandale, le contrôleur général crut bon d’ajouter encore un projet : la création d’ « une grande municipalité du royaume », qui remplacerait avantageusement les Parlements, jugés non représentatifs par le ministre.
Cette révolution que Turgot offrait avec assurance à la monarchie était longuement développée dans un « Mémoire sur les municipalités ». C’en fut trop pour l’esprit timoré et passablement agressé du roi qui se vit à la tête d’Etats Généraux perpétuels. Les campagnes menées par la cour et les Parlements triomphèrent alors dans la disgrâce du ministre, disgrâce que Bertin fut chargé de lui annoncer au matin du 12 mai 1776.
La création de sociétés d’agriculture
Si Bertin initia l’expérience Turgot sans en partager le caractère entier pour des raisons politiques évidentes, il s’enquit aussi de promouvoir l’amélioration scientifique de la culture, en créant des sociétés d’agriculture dans tout le pays.
Le Contrôleur Général développa ainsi une initiative de l’Assemblée des Etats de Bretagne, laquelle s’était dotée le 2 février 1757 d’une société d’agriculture. Il adressa le 22 août 1760 une circulaire à tous les intendants de province en leur demandant de procéder à la création de telles sociétés.
Entre l’arrêt du Conseil du Roi du 24 février 1761 créant la société royale d’agriculture de Tours et celui du 4 septembre 1763 créant la société du Hainaut, 15 sociétés pourvues d’un bureau général et de bureaux secondaires essaimant sur l’ensemble du territoire furent créées.
Toutes les notabilités furent réquisitionnées pour participer à ce mouvement, parfois avec difficulté. Très rapidement, l’œuvre des sociétés d’agriculture dépassa leur objet.
Enfermées par Bertin dans un aspect pratique lors de leur création, elles devinrent finalement l’interlocuteur du gouvernement sur des propositions de réforme de la fiscalité locale. Bertin y eut sa part puisqu’il demanda notamment aux sociétés leur avis sur l’exemption des dîmes en faveur des terres défrichées et sur la limitation du droit de parcours.
Dans un discours de 1788 aux membres du bureau de la société royale d’agriculture de Laon dont il était directeur, Cambronne résuma ainsi la situation : la société n’avait pas seulement pour mission de « tenir la charrue », « elle devait aussi ôter la pierre qui empêchait la roue de tourner ». C’est ainsi que les sociétés s’attaquèrent à toutes les entraves, en particulier l’instabilité des baux, au nom de laquelle elles s’aliénèrent les propriétaires.
Elles dénoncèrent notamment les baux ecclésiastiques qui tombaient à la mort du bailleur, entraînant l’éviction du laboureur qui y était lié. Charpentier, de la société d’agriculture de Soissons, écrivit en 1762 au gouvernement pour lui demander de fixer la durée des baux à 9 ans.
En outre, les sociétés dénoncèrent le « rançonnement » du paysan qui devait payer un prix très élevé pour continuer à bénéficier des baux alors qu’il s’acquittait déjà d’une multiplicité d’impôts : l’abbé Terray, qui hérita du Contrôle Général des Finances en 1770, reconnaissait que « tout bail porte un pot de vin en argent, payable ordinairement dans l’année du renouvellement du bail. »
La tacite reconduction des baux fut également mise en cause par les sociétés car le propriétaire, souhaitant évincer le fermier au moment des bonnes récoltes qu’il lui confisquait, avait intérêt à préférer une tacite reconduction à un nouveau bail fixant une durée dont il restait tributaire.
Bertin, qui connaissait cette pratique à trois reprises condamnées par des arrêts de Louis XIV, du Régent et de Louis XV, fit prendre au roi une déclaration le 20 juillet 1764 dans laquelle celui-ci interdisait la tacite reconduction sous peine de sanctions les plus sévères.
Le remplacement de tous les impôts par un impôt unique fut également plébiscité, la société d’Orléans notamment écrivant le 10 mars 1768 que cela « assurerait à jamais la stabilité et la richesse, soulagerait en même temps les sujets et tarirait efficacement la source de cette spoliation rapide qui trahit les intentions du souverain le plus chéri et ruine rapidement ses peuples. »
Dans l’un de ses mémoires, Monsieur Saint Péravy, de cette société, détermina, à partir d’un savant calcul différenciant les cultures, la part que les producteurs, les propriétaires, le souverain, les ministres du Culte devaient avoir dans le produit de la terre. Au total, le fermage, les impôts et la dîme additionnés ne devraient jamais excéder un tiers de la production selon lui.
La paille, sujette à la dîme, servait d’engrais et son prix trop élevé la réservait à un petit nombre de fermiers, assurant la médiocrité des récoltes. La fixation du prix de la paille fut réclamée mais là encore, le privilège de quelques-uns l’emporta.
Enfin, la corvée fut condamnée à l’unanimité. Elle était considérée comme « un grand effort pour un mince effet et une surcharge purement gratuite », s’exécutant de surcroît à l’époque des grands travaux agricoles. Son remplacement par un financement par l’impôt fut préféré par les sociétés au système anglais de paiement de l’entretien par un droit de péage.
Une fois de plus, rien n’aboutit. Péravy avait déjà énoncé les termes du problème le 16 septembre 1762 : « jusqu’à présent, les lois sont pour les maîtres, à peine en est-il une pour le laboureur. Les lois devraient prendre au moins en considération ceux qui par leur travail donnent la vie à tout le corps et il y aurait ample matière à un code rural. »
A partir de 1764 , le gouvernement exempta des impositions diverses pour une durée de cinq, dix voire vingt ans, tous ceux qui entreprendraient les dessèchements des marais, palus et terres inondées.
Après s’être assurée de l’avis favorable de presque toutes les sociétés d’agriculture, la société de Paris demanda, sans suite, l’extension de l’exemption au défrichement des landes.
L’outillage agricole fut à l’honneur dans les études des sociétés : charrues, semoirs, batteuses, furent des sujets fréquents d’inventions de perfectionnements.
Quant à l’alimentation, on sait quelle révolution se popularisa sous le règne de Louis XVI grâce aux sociétés d’agriculture : en 1771, la société d’agriculture de Besançon proposa en sujet de prix les « substances alimentaires qui pourraient atténuer les calamités d’une disette ». Parmentier y répondit par un mémoire fort célèbre dans lequel il exposa : « la pomme de terre doit être, parmi nous, le puissant auxiliaire du blé. Trop longtemps dédaignée, trop longtemps exclusivement réservée à la pâture des bestiaux, il faut que la pomme de terre devienne aussi la nourriture de l’homme, il faut, en un mot, qu’elle apparaisse sur la table du riche comme sur celle du pauvre et qu’elle y occupe le rang que sa saveur, ses qualités nutritives et la sanité de sa nature devraient lui avoir acquis depuis longtemps. »
La société renvoya le mémoire à Bertin qui le fit imprimer et diffuser en 1778, au prix de querelles scientifiques animées. Louis XVI ordonna alors la mise à disposition de 54 arpents de terre dans la plaine des Sablons et, avec le concours de la Société d’Agriculture de Paris dont Parmentier était membre, ce dernier réussit la culture du légume dont le produit fut distribué aux pauvres.
La pomme de terre, dont le roi n’hésita pas à porter les fleurs qui lui furent données par Parmentier les fêtes de la Saint-Louis, s’imposa dans les années 1785-1789.
Bien que la composition des sociétés d’agriculture mêla des personnages de haut rang, le résultat de leur activité fut considéré comme mitigé.
Il est cependant loin d’être insignifiant : sur le plan fiscal, exemption des impositions sur les terrains défrichés, affranchissement du droit de centième denier sur les baux à long terme, sur le plan agricole, développement de la culture du navet, de la pomme de terre, des prairies artificielles, de la betterave fourragère, de la garance, du mûrier, de la chanvre, introduction originale de la culture du riz en Touraine, en Charente et dans le Limousin.
Sur un plan purement théorique, les sociétés abordèrent tous les sujets avec une liberté de ton qui s’accordait à leurs convictions. En fin de compte, on leur doit d’avoir véhiculé les idées qui amenèrent l’émancipation du travail sous la Révolution. Certes, le pont-levis rêvé entre les sociétés savantes et le monde rural ne fut pas établi.
Mais le succès était-il vraiment à attendre, dans un contexte au sujet duquel Lamoignon de Malesherbes, lui aussi ministre agronome, écrivit : « le peuple, surtout celui des campagnes, était en garde contre tout ce qu’on lui proposait, même pour son avantage, parce que le cultivateur se croyait obligé de cacher les ressources de son industrie, par la crainte que son aveu ne fit augmenter sa cote d’imposition. »
Une révolution manquait : les paysans demeuraient soumis au paiement de la taille, de la gabelle, des aides, des vingtièmes, de la capitation, de la corvée royale, des douanes et des traites pour circuler, de la dîme, des droits seigneuriaux et des rentes seigneuriales. Leur condition était d’ailleurs parfois soutenue par une arriération sans appel : telle la minorité de serfs, évaluée à 150.000 sujets en 1760, les « mainmortables ».
Il faut enfin ajouter que l’ennemi de Bertin, de Turgot et de la réforme Maupéou, Necker, au pouvoir central des Finances de 1776 à 1781, s’évertua à réduire les moyens d’action du secrétariat d’Etat de Bertin et à en dénigrer l’action, au point que son titulaire préféra abandonner le pouvoir le 26 mai 1780, laissant dissoudre son secrétariat d’Etat.
Réduites à l’indigence et ignorées, plusieurs sociétés qu’il avait créées avaient soit disparu soit ne fonctionnaient plus faute d’hommes et de moyens.
L’une des « rescapées », la Société d’Agriculture de la Généralité de Paris, fondée par arrêt du conseil du roi du 1er mars 1761, est néanmoins entrée dans la postérité puisque qu’elle est devenue, après plusieurs dénominations selon les régimes, l’Académie d’Agriculture de France en 1915, société dont les membres demeurent nommés par décret du président de la République.
Bertin en resta membre pendant 30 ans, jusqu’en 1791, et son ami Chanorier en devint correspondant à partir de 1799. La société attribua d’ailleurs cette même année un prix à l’un des bergers du seigneur de Croissy, le citoyen Grellée.
Bertin avait créé une école de boulangerie à Paris en 1777 à la tête de laquelle il avait mis Parmentier. Celle-ci fut réunie en février 1789 à la société royale d’agriculture, successeur de la société d’agriculture de Paris.
Le 30 mars 1786, en la présence solennelle du Contrôleur Général Calonne, le duc de Béthune-Charost, directeur de la Société d’Agriculture de Paris, rendit hommage à Bertin, le fondateur, « un ministre dont toutes les opérations avaient pour but l’utilité publique ».
La création des écoles vétérinaires
Loin de s’arrêter à la propagation des sociétés d’agriculture, Bertin résolut de s’attaquer aux maladies des bestiaux, les « épizooties ». Intendant de Lyon de 1754 à 1757, il avait rencontré Claude Bourgelat, ancien avocat au Parlement de Grenoble, devenu écuyer de l’Académie d’Equitation de Lyon. Auteur en 1750 d’un ouvrage « Elemens d’hippiatrique » dans lequel il proposait la création d’écoles pour soigner les chevaux, Bourgelat était devenu correspondant de l’Académie des Sciences en 1752.
Bertin Contrôleur des Finances convainquit en juillet 1761 La Michodière, son successeur à l’intendance de Lyon, du bien-fondé du projet de Bourgelat. Puis, armé de l’avis favorable de l’intendant, il obtint de Louis XV un arrêt du Conseil du 4 août 1761 autorisant l’ouverture d’une école à Lyon. Celle-ci reçut ses premiers élèves en février 1762 et se vit octroyer à la demande de Bertin le titre d’Ecole Royale Vétérinaire le 3 juin 1764 après que ses élèves aient arrêté une épidémie à Meyrieux en juillet 1762. L’école de Lyon fut la première école vétérinaire dans le monde.
Bourgelat souhaitait qu’elle soit transférée à Paris mais Bertin, à la tête de son nouveau département d’Etat depuis le 14 décembre 1763, lui répondit qu’il préférait en créer une seconde dans la capitale. Ce fut finalement le château de Maisons-Alfort, vendu par le baron de Bormes à Louis XV, qui accueillit cette nouvelle école le 27 décembre 1765.
Son ouverture ne fut pas considérée comme un bienfait par les habitants, mais plutôt comme une provocation, ce dont attesta un rapport de police :
« le 2 août 1766, à cinq heures et demi du soir, Legros, concierge du château d’Alfort (…) se porta avec des aides dans un terrain dépendant du château sur le bord de la Marne, au-delà du chemin de Créteil, à l’effet de faire amener au château l’avoine qu’on y avait coupée. Il trouva nombre de particuliers qui chargeaient cette avoine avec des ânes. Il eut beau crier, la multitude l’accabla d’injures, et les plus forts emportèrent l’avoine qu’ils avaient chargée. Legros les suivit jusqu’auprès du moulin, prés du Château Gaillard, il y entra. Sept ou huit meuniers en sortirent avec pelles, fourches et l’auraient tué, s’il n’avait pris la fuite. Il ajoute que la populace insulte tous les jours les gens qui travaillent à Alfort ;(..). »
Berthier de Sauvigny, intendant de Paris, fut mandé par Bertin pour rétablir l’ordre.
Pour financer les écoles vétérinaires, Bertin s’arrangea pour que les concessionnaires des postes et des transports publics leur versent une part de leurs bénéfices. Il leur fit également profiter de revenus de la principauté de Dombes, qu’il avait dans son ministère.
Les fondateurs des écoles vétérinaires de l’Europe entière vinrent puiser à Lyon et Alfort les enseignements qui leur permirent d’ouvrir à leur tour de semblables établissements dans leur pays.
Joseph II, empereur du saint-empire romain germanique, roi de Hongrie et de Bohême, honora de sa présence l’école en 1777 alors qu’il rendait visite à sa sœur Marie-Antoinette. Il posa, selon les témoignages, d’innombrables questions.
Après la mort de Bourgelat en 1779, Bertin voulut élargir le champ d’action des écoles vétérinaires aux soins des paysans eux-mêmes. C’est ainsi qu’il obtint par ordonnance royale du 7 mars 1780 la création de deux cours, l’un « d’accouchement » et l’autre dit « de reboutage ».
Il envisagea la création de cours sur les maladies des yeux, le moyen de rappeler les noyés à la vie, les signes de la mort afin d’éviter les inhumations en état de mort apparente. Mais Necker était bien décidé à se débarrasser de lui et il dut se retirer en mai 1780.
Les écoles vétérinaires contribuèrent à d’importants progrès scientifiques auxquels participèrent Pasteur et bien d’autres. Notons qu’après la fermeture en 1781 (prononcée avec le départ de Bertin) de l’école d’Annel, prés de Compiègne, ouverte par Bertin en 1771, il ne restait plus d’école d’enseignement de l’agriculture.
Mais l’école vétérinaire d’Alfort qu’il avait fondée eut l’idée en 1783, grâce à l’intendant de Paris devenu également intendant des Ecoles vétérinaires, Berthier de Sauvigny, de créer plusieurs chaires d’enseignement : une chaire d’anatomie comparée, une chaire d’histoire naturelle et d’agriculture, une chaire de physiologie, de chimie et de physique et une chaire d’économie rurale, tenue par Daubenton.
Berthier de Sauvigny, malgré son œuvre, fit partie des victimes de la Révolution : le 22 juillet 1789, des manifestants l’arrachèrent aux Gardes-Françaises chargées de le protéger et le massacrèrent.
Le succès des écoles vétérinaires fut néanmoins certain jusqu’aux derniers jours de l’Ancien Régime. « L’Almanach vétérinaire » écrit par Chabert en 1782 établit un bilan des missions très éloquent.
A une époque où l’on balbutiait sur les diagnostics et encore plus sur les remèdes, le sauvetage fut bien souvent le fait de précautions sanitaires prises par les élèves envoyés sur les lieux de l’épizootie et d’une lutte contre les superstitions. C’est ainsi qu’entre 1762 et 1780, 820 animaux moururent pendant le traitement, 16.999 furent traités et guéris, 36.573 soumis à un traitement dit « préservatif ».
Bertin assista aux concours organisés par l’école d’Alfort et interrogea lui-même des élèves. Avec Bourgelat, directeur des écoles, il entretint une correspondance très suivie, sans aucun intermédiaire, le ministre faisant une affaire personnelle de la réussite de « l’art vétérinaire » naissant.
Chatou-Croissy : un voisinage de physiocrates
Malgré la différence de génération entre les deux hommes, on ne saurait trop rappeler les similitudes entre Bertin (1720-1792) et Chanorier (1746-1806). Ce dernier avait des oncles à Bourdeilles dans le Périgord, dont Bertin était le baron et seigneur.
En outre, son père avait été anobli et lui avait transmis sa charge de receveur général des Finances qu’il exerçait à Lyon lorsque Bertin y accomplit son mandat d’intendant entre 1754 et 1757. Les deux familles se connaissaient donc déjà et sans doute se fréquentaient. Si Chanorier vint à Croissy en 1779, tout laisse à penser que Bertin n’y fut pas étranger.
Le goût de l’agronomie scella ce rapprochement dans notre « région du pot-au-feu » selon le mot d’Henri IV. Les propriétés des seigneurs de Chatou et Croissy furent en effet transformées respectivement, en 1762 pour l’une, et en 1779 pour l’autre, en de vastes champs d’expérimentation de l’élevage et de la culture. Rien ne fut négligé.
De la pomme de terre, la « chanorière » de Chanorier, aux mûriers pour l’élevage des vers à soie, aux cerises, les « marseneix » et « royales » de Bertin, sans compter les cultures maraîchères si réputées de Croissy et Montesson, les cultures des deux seigneurs firent leur réputation peut être plus encore que leur vie publique.
Selon une lettre du 5 avril 1771 de l’une des sœurs du ministre, Mademoiselle de Bellisle, rapportée par l’historien Albert Curmer, la pomme de terre était déjà cultivée par Bertin avec succès, quand Parmentier vint en présenter pour la première fois les bienfaits à la société d’agriculture de Besançon la même année. Bertin s’était fait également connaître de Louis XV pour posséder une armée de cuisiniers hors pair.
Enfin les deux hommes conduisirent une expérience d’élevage de moutons d’Espagne de la race Mérinos.
Si Bertin se sépara de son troupeau en quittant Chatou à la fin de 1791, Chanorier bénéficia pour sauver le sien de la Révolution des grandes voix du nouveau « bureau consultatif d’agriculture », celles de messieurs Cels, Gilbert, Vilmorin, Huzard, de Labergerie et Parmentier, qui obtinrent d’en faire un établissement rural national à l’instar de Rambouillet, selon le témoignage de l’académicien Tessier dans son « histoire de l’introduction et de la propagation des mérinos en France ».
Chanorier sortit par chance indemne du génocide révolutionnaire. Après l’exécution de Robespierre le 9 Thermidor et l’enterrement du régime de la Terreur, il rentra de son court exil en Suisse mais ne retrouva la totalité de ses biens qu’à la suite de deux décrets des 30 mai et 13 août 1796.
Il devint président de la Société Libre d’Agriculture de Seine-et-Oise créée par le gouvernement en 1798. A la tête d’un troupeau composé d’environ 400 animaux de pure race, moutons, béliers, brebis, qu’il augmenta chaque année de 120 sujets nouveau, il reprit la vente régulière d’une partie de son cheptel.
Aussi son domaine devint-il le rendez-vous des amateurs des bêtes de troupeau de race pure. Les « Annales d’agriculture » du Directoire mentionnent l’annonce de l’une des mises en vente de Chanorier, dont on peut lire cet extrait : « si des cultivateurs des départements éloignés désirent des animaux de race pure de l’établissement du citoyen Chanorier, il se chargera de les faire conduire dans les chefs-lieux qui les avoisinent, moyennant la simple augmentation des frais de route, qui seront calculés d’après l’éloignement et convenus avant le départ des animaux demandés. »
Une autre annonce de l’époque du Consulat a été reproduite dans ces mêmes « Annales ». Elle se termine ainsi : « ceux qui désireront que leurs bergers prennent une idée de moyens qui, depuis dix-huit ans, ont été employés avec avantage dans cet établissement, pourront, s’ils le veulent, envoyer leurs bergers une ou deux semaines à l’avance ; le citoyen Chanorier les logera ; ils se nourriront à Croissy, et son berger les instruira de tous les détails qui pourront leur être utiles. »
Mais Chanorier ne fut un bon commerçant que parce qu’il fut avant tout un éleveur éclairé, et à ce sujet, on ne tiendra pas pour ordinaire le fait que l’Académie des Sciences le distingua à plusieurs reprises.
Celle-ci lui décerna en effet le 25 décembre 1797 le statut d’ « élu associé non résidant de la section d’économie rurale et d’art vétérinaire de la première classe de l’Institut ». Ce fut la conséquence d’un rapport élogieux de l’Académie au sujet d’un mémoire de l’intéressé du 22 mai 1797 sur « l’amélioration des bêtes à laine », dont l’élevage était encore peu répandu en France contrairement à l’Espagne, l’Angleterre et la Saxe.
Dans ce mémoire d’une cinquantaine de pages, Chanorier étudie l’histoire, les terres propres aux bêtes à laine, la construction des bergeries, le choix des béliers et le temps de l’accouplement, les agneaux, la nourriture des bêtes à laine, le parcage et les engrais, les maladies des bêtes à laine et leurs remèdes, la tonte et la fabrication des laines.
L‘Académie écrivit : « l’auteur, qui possède le plus beau troupeau de la République après celui de Rambouillet, n’avance rien qu’il n’ait appris d’après sa propre expérience. Il est du très petit nombre de cultivateurs qui portent le calcul dans toutes leurs opérations, il sait que ce qui fait la richesse du cultivateur, c’est moins bien un grand produit, qu’un grand bénéfice, et que l’or lui-même peut être payé trop cher. Nous devons ajouter que le citoyen Chanorier est du nombre bien plus rare encore des cultivateurs qui ont résisté longtemps à la séduction de la jouissance exclusive. Il a longtemps donné la plus grande partie des produits de son troupeau, dont sont sortis les germes de plusieurs troupeaux qui jouissent d’une réputation méritée. »
Le 6 décembre 1798, par 212 voix contre 145 à son concurrent le plus proche, Jean Chanorier fut le mieux élu des six candidats de l’Académie au titre de correspondant de la section d’agriculture.
Le 24 juin 1799, il vint à l’Académie lui présenter sa dernière fabrication, un drap bleu à l’appui d’un rapport. Le jury, composé de Daubenton, Desmarets et Fourcroy, se déclara admiratif du soin qu’avait mis son auteur « pour conserver pendant 14 ans un troupeau (de moutons) de race d’Espagne dans toute sa pureté, qu’il a donné la preuve de ce succès par le drap qu’il a fait fabriquer avec ses toisons, lequel réunit la force à la souplesse qui caractérisent les draps fabriqués avec les laines qui arrivent d’Espagne et des cantons les plus renommés. »
En 1802, Chanorier était atteint par la folie, au désespoir de tous ses proches. Mais l’Académie des Sciences souhaita lui renouveler sa considération. Le 31 janvier 1803, elle l’élit pour la seconde fois membre associé de la section de l’économie rurale et les arts vétérinaires dans la classe des sciences physiques et mathématiques.
Quant à Bertin son aîné, il ne soumit point de travaux à l’Académie des Sciences. Mais en raison de son action tant au Contrôle Général qu’au Secrétariat d’Etat, il fut élu vice-président en 1763 et 1769 et président de l’Académie en 1764 et 1770. Après 1780, il vécut retiré à Chatou.
Son collaborateur au cabinet des Chartes, l’avocat Moreau, évoqua cette situation : « (Louis XV) lui avait voulu donner cent mille écus pour y bâtir un château ; M.Bertin les avait refusés, il vivait là avec sa nombreuse famille et, pour son plaisir, faisait travailler à grands frais le village entier aux jardins anglais qui étaient alors sont goût dominant. J’ai été témoin de ce qu’il dépensait pour nourrir les pauvres ; il ne fit que des ingrats. »
Notons que Bertin vécut également au rythme du contentieux qu’il avait créé un an plus tôt avec les habitants, auxquels il avait interdit la traversée publique de son domaine. S’il conserva des relations avec Vergennes, défavorable comme lui à Necker et aux Parlements, ce fut en vain que Louis XVI lui maintint un appartement à Versailles. « La France a fait son temps, vivez en famille, vous ne reverrez ni la cour de Louis XV ni la cour de Louis XVI. », écrivit Bertin en 1790 à Moreau. Son domaine vendu à la malheureuse Madame de Feuquières (qui prit ainsi rang sans le savoir sur la guillotine), le ministre s’éteignit à Spa le 16 septembre 1792, six jours avant la proclamation de la République.
Son voisin de Croissy épousa lui aussi le courant de l’ordre et des réformes. Jean Chanorier fut élu député du Tiers Etat à l’assemblée provinciale de Saint-Germain réunie en octobre 1788, en s’imposant une démarche singulière qu’il évoqua par la suite : « quoique jouissant des privilèges de la noblesse, j’y représentai ceux qui en étaient privés ; j’eus le bonheur, à cette époque, avant qu’il fût question d’Etats Généraux et de cahiers, d’obtenir du clergé et de la noblesse la renonciation aux privilèges : les procès-verbaux attestent cette vérité. »
Reprenant l’idée initiale de Turgot, il y préconisa l’impôt territorial en remplacement du système existant. Député au conseil des Cinq-Cents le 16 avril 1799 et dans l’entourage de Joséphine de Beauharnais, il fut probablement l’un des membres qui y soutint le coup d’Etat du 18 Brumaire (9 novembre 1799). Il s’éteignit le mai 1806.
Même éparses et isolées de l’opinion publique, les initiatives d’ Henry Léonard de Bertin et de Jean Chanorier eurent le grand mérite de se démarquer des milieux viciés des régimes en place pour tenter d’améliorer la situation déplorable de leurs contemporains. A leurs niveaux respectifs, ils incarnèrent ces « libéraux agronomes », défenseurs d’une économie nouvelle « affranchie » et plus juste pour notre pays. Cela leur donne sans conteste droit à un hommage mérité de nos deux communes.
N.B : cet article a été réalisé par l'auteur pour "La Mémoire de Croissy" en 2006 et publié dans son Bulletin
Sources :
Archives de l’Académie des Sciences, Institut de France
Jean Egret, Louis XV et l’opposition parlementaire, Armand Colin, 1970
C-J. Cignoux, Turgot, Arthème Fayard, 1945
Jacques Catinat, C’est arrivé à Croissy, Association des Amis de la Place d’Aligre et du Vieux Croissy, 1971
Charles Bonnet, Histoire de Croissy, 1894, Réédition Res Universis, 1991
Albert Curmer, Histoire de Chatou, Réédition Res Universis, 1991
Claude Joseph Blondel, « Henri Bertin, ministre de deux rois, rénovateur de l’agriculture française », Revue numéro 2 de l’Académie d’Orléans, Agriculture, Sciences, Belles-Lettres et Arts – novembre 2002
L’auteur adresse ses plus vifs remerciements à Monsieur Pierre Zert, membre de l’Académie d’Agriculture de France, qui l’a orienté et mis à sa disposition les ouvrages suivants :
Annales d’agriculture Emile Justin, Les sociétés royales d’agriculture au XVIIIème siècle (1757-1793), Saint-Lô, 1935
Louis Passy, Histoire de la société nationale de l’agriculture de France, tome 1, Renouard, 1912
Railliet A. et Moulé L., Histoire de l’école d’Alfort, Asselin et Houzeau, 1908
M.Tessier, Histoire de l’introduction et de la propagation des mérinos en France, 1838
26/12/2013
LE CASINO DE CHATOU (1882) : IMPAIR ET PASSE
Une vue de l'ancien Chatou dans les années cinquante, en fait le Chatou du XIXème siècle resté tel que jusqu'à la Rénovation de 1966. A l'extrême-droite à côté de l'église, le casino, "reine d'un jour", devenu le presbytère en 1910.
A la fin du XIXème siècle, le développement du pays se faisait autour d’une église qui n’était pas entièrement sauvée des ruines des bombardements des batteries françaises du Mont-Valérien de la guerre franco-prussienne. La municipalité, qui avait fait refaire sa façade par l’architecte Eugène Bardon en 1880, cherchait à la fois à la restaurer et à l'agrandir.
L’argent manquait, la municipalité d’Ernest Bousson, élue en 1878 en qualité de « première municipalité républicaine » selon le mot du maire, cherchait un financement. L’actuel presbytère, édifice construit pour ses parents par le comte Réal, chef de la police sous l’Empire, était alors une habitation privée (il n’abrita la cure qu’à partir de 1910). Un directeur de théâtre, Paul Bourdeille, proposa à la municipalité d’en faire notamment un casino et ce projet fut accepté par le conseil municipal le 30 mai 1882. Le 25 juillet, la municipalité signait une convention avec le propriétaire de la maison pour en faire uniquement un casino.
L’affaire choqua car le casino, situé à côté de l’église, parut défier les consciences. Un journal « conservateur », « Le Journal de Saint-Germain », acrimonieux contre la municipalité à tous propos, salua ainsi l’inauguration de l’établissement dans un article du 4 août 1882 : « Réjouissez-vous, bohèmes et clodoches, Chatou a enfin son Casino ! nymphes de la Grenouillère, inventez une danse nouvelle pour fêter cette heureuse journée. Comme monsieur le préfet de Seine-et-Oise et Monsieur le Maire de Chatou ont choisi des circonstances favorables pour inaugurer ce nouveau temple consacré aux plaisirs ! c’est au moment où le prestige de la France s’affirme avec tant d’éclat sur les bords du Nil et dans la capitale des Osmanlis que cet évènement remarquable se produit.
Habitants honnêtes de Chatou préparez-vous à envoyer vos filles dans ce lieu de plaisirs où les habituées de la Grenouillère leurs donneront de salutaires exemplaires. Si cela ne suffit pas, vous trouverez bien dans quelque coin de votre pays des châtelaines ayant voitures et chevaux qui dirigent à Paris des couvents renommés, demandez-leur quelques-unes de leurs pensionnaires pour enseigner à vos filles l’art de se conduire dans le monde.
Habitants de Chatou, envoyez aussi vos fils dans ces établissements créés pour la jeunesse, ils y apprendront comment on dissipe en peu d’heures des fortunes laborieusement acquises par plusieurs générations de travailleurs ! donc dimanche dernier, il y avait une grande fête au casino de Chatou pour l’inauguration de cet établissement d’utilité publique. Trois cents invitations gratuites avaient été lancées à la haute gentry du pays. Est-ce l’organisateur du casino, est-ce la la municipalité de l’endroit qui en faisait les frais ? nous l’ignorons encore.
(…) Nous devons constater, en historien véridique, qu’en dehors du casino où nous n’avions pas l’honneur d’être invité, la ville de Chatou avait une mine passablement triste dimanche soir.
Outre que l’éclairage faisait toujours défaut (on avait compté sur la lune), les cafés de la ville et de la gare ont dû faire de maigres recettes. Messieurs les patentables auront du reste le loisir de constater que si le casino vient leur couper l’herbe sous le pied, le fisc ne leur fera pas grâce d’une obole quand le moment sera venu de payer les impôts. Trop heureux seront-ils s’ils ne subissent pas l’année prochaine une augmentation nouvelle. »
La rétribution de la ville liée au casino avait été fixée dans le contrat à 500 francs par an, portés à 1000 francs par an à partir de la 6ème année d’exploitation. Le projet eut beau être figé sur le papier, le casino sombra en deux ans. La maison redevint une habitation privée.
Sources :
- "Mémoire en Images - Chatou" par Pierre Arrivetz (éditions Alan Sutton 2003)
- recherches d'Eric Dubart à la Bibliothèque de Saint-Germain-en-Laye
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27/11/2013
LA CLOCHE DE CHATOU
Les cloches de l’église Notre-Dame de Chatou, comme beaucoup d’autres, donnent non seulement le timbre d’un rassemblement spirituel mais sonnent encore la volée des siècles. Si le clocher lui-même est un vestige du XIIème siècle, sa cloche la plus remarquable fut offerte en 1666 à la paroisse par le seigneur Portail, comte de Lusignan, conseiller du Roi au Parlement de Paris, et son épouse, Charlotte de Barbesière de Chemeraut, fille d’honneur d'Anne d'Autriche, en vue de marquer leur entrée en fonction dans la seigneurie. Les époux héritaient des titres de propriété légués par Paul Portail "II" lors du mariage de son fils, Paul Portail "III", le 2 juillet 1665. Paul Portail "III", seigneur de Chatou et de Montesson de 1666 à 1715, confia l’exécution de la cloche à deux artisans renommés.
Les signatures qui ornent cette cloche d’1,30 m de hauteur et d'1 mètre de diamètre sont en effet celles de Nicolas Chapelle, maître fondeur à Paris, l’un des auteurs du bourdon de Notre-Dame de Paris, également repéré comme le fondeur de la cloche de Soulaire près de Corbeil. Le second artisan de la cloche de Chatou fut Jean Gillot, connu pour avoir coulé en 1628 une cloche du dôme de Trèves en Allemagne mais aussi en 1685, son œuvre phare aux côtés de Nicolas Chapelle, le bourdon de Notre-Dame.
Leur cloche de Chatou porte le nom de "Charlotte-Marie" selon le nom que lui attribua Paul Portail. Ainsi que le conservent ses inscriptions, celle-ci fut bénite en 1666 par Jean Pennel, curé de Chatou, en présence des marguilliers Simon Dreux et Louis Tranchant.
L'Eglise Notre-Dame entre 1872, date de l'érection de la flèche du clocher par l'architecte Paul Abadie, et 1880, date de la transformation par l'architecte Eugène Bardon de la façade romane dans le style néo-gothique que nous connaissons. Cette gravure conservée par l'historien Louis Bigard présente l'intérêt de montrer la façade romane telle qu'elle exista pendant des siècles.
Le seigneur Portail devait connaître une existence contrariée par le combat de trente ans qu’il engagea contre l’abbaye de Malnoue pour la récupération à son profit de la dîme novale avant d’atteindre le sommet des déboires communaux à la fin de sa vie : l’effondrement en 1709 puis la restauration à ses frais enfin l’écroulement pendant la restauration en 1710 du pont en bois sur la Seine, seul moyen de communication directe avec Paris.
Ne bénéficiant plus des mêmes droits de péage qu’auparavant pour les avoir abandonnés une première fois pour trois ans aux entrepreneurs, le seigneur se vit dans l’impossibilité de remettre le pont sur pied une seconde fois. Il mourut ruiné, quatre ans après une supplique implorant l’aide de l’Etat à la restauration du pont adressée au contrôleur général des Finances, Desmarets, en 1711, année où il avait par ailleurs réussi à transiger avec l’abbaye de Malnoue. L’abbé Pennel n’avait quant à lui pu profiter de son sacerdoce, disparaissant dans la démence en 1671. Charlotte-Marie, leur legs, a survécu. Son nom avenant continue de commémorer Chatou.
Sources :
- Histoire de Chatou, Albert Curmer, 1916-1922
- Histoire de Chatou et de ses environs, Paul Bisson de Barthélémy, 1950
- Inventaire du Centre National de Documentation du Patrimoine, Sophie Cueille, 1985
- "Fondeurs-doreurs-ciseleurs", 1886, Alfred de Champeaux
Locomotive 241 P SNCF fabriquée aux usines Schneider du Creusot entre 1948 et 1952, emblême de l'association.
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26/11/2013
"MONSIEUR LE MAIRE..."
Le 2 juillet 1935, Monsieur Rousseau, délégué du Touring-Club de France de Chennevières-sur-Marne, saisit le ministre des P.T.T. du problème de l’affichage sauvage sur les poteaux téléphoniques et télégraphiques.
Le 9 août suivant, une circulaire du ministère partait en direction des maires de France dont celui de Chatou :
« Monsieur le Maire,
J’ai l’honneur de vous faire connaître que je viens d’être saisi de requêtes au sujet d’affiches apposées sur les poteaux portant nos fils télégraphiques et téléphoniques.
Ces affiches aux multiples couleurs, la plupart émanant d’officiers ministériels, huissiers et avoués, sont rapidement déchirées par la pluie et le vent, produisant un effet déplorable à l’intérieur des agglomérations et le long des routes.
De telles pratiques sont rigoureusement interdites. Aussi, pour y mettre un terme, vous serais-je particulièrement obligé de bien vouloir me signaler les auteurs des affichages en question pour me permettre de les aviser de cette interdiction.
Les intéressés seront en outre prévenus qu’en cas de récidive, ils seront l’objet de poursuites judiciaires.
De mon côté, je donne toutes les instructions utiles aux agents de mon service pour qu’au cours de leurs déplacements, ils vous signalent le contenu de ces affiches, ainsi que les noms et adresses des personnes pour lesquelles elles ont été apposées.
Je vous remercie par avance du bienveillant concours que vous voudrez bien apporter à mon administration en cette circonstance.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire,…
Le Ministre des P.T.T.
Georges Mandel"
Source :
- La revue du Touring-Club de France - novembre 1935
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22/11/2013
RANAVALO, REINE DE MADAGASCAR
La reine Ranavalo à la gare de Lyon - juin 1901 - Le Petit Journal - collection de l'auteur
Madagascar, perle de l’Océan Indien, a cumulé les expériences douloureuses dés le XIXème siècle. La colonisation de la France cherchant à contrer l’Angleterre vers qui le royaume malgache s’était tourné sous le Second Empire, ne fut pas le moindre des souvenirs. Initiée par Jules Ferry, les commerçants et les députés réunionnais, une première expédition en 1883 avec bombardements sur les ports de Majunga et Tamatave fut menée par l’amiral Pierre et conduisit à une première occupation localisée.
Devant la priorité accordée à la conquête du Tonkin, l’affaire fut limitée à la signature d’un traité de protectorat avec la France le 17 décembre 1885 reconnaissant la souveraineté de la reine Ranavalo III sur l’Ile contre la cession de la baie de Diégo-Suarez et l’installation d’un résident à Tananarive chargé des relations extérieures du royaume . Puis, les malgaches n’acceptant pas l’occupation et menant des opérations pour expulser les français sous l’empire du premier ministre de la reine Ranavalo, Rainilaiyarivony, une seconde expédition de 15.000 hommes sous le commandement du général Duchesne fut organisée en 1895.
Des régiments mal équipés moururent de la fièvre jaune, celle-ci emportant 5.000 hommes, mais il n'en résulta pas moins que Madagascar fut affligée du statut de colonie par une loi du 8 août 1896. La résistance malgache continuant, le général Galliéni fut envoyé et fusilla pour l’exemple le ministre de l’intérieur et l’oncle de la reine Ranavalo, ce qui encouragea cette dernière à poursuivre une rébellion constamment appuyée sur la Bible.
Ne trouvant plus de moyen d’arrêter une population qu’il ne comprenait pas, le gouvernement français sur l’instance de Gallieni organisa la déchéance de Ranavalo III. C’est ainsi que la reine dut s’embarquer le 10 mars 1897 à destination d’un exil sans retour vers l'Algérie.
Ranavalo vécut dés lors modestement en résidence surveillée. Mais de cette vie contrainte fut forgé pour l’histoire le statut d’une souveraine courageuse incarnant l’indépendance de Madagascar. Pendant cette période, on put voir très rarement la reine participer aux manifestations parisiennes, sa circulation étant entravée. L’une de ses arrivées dans la capitale en juin 1901 est l’objet de la gravure du Petit Journal que nous vous présentons.
Madagascar entra dans la Grande Guerre comme une conscrite involontaire puis fut à nouveau réquisitionnée pour la guerre au Levant en 1920-1921. La chair à canons fut une belle constante de la politique française. Le 23 mai 1917, Ranavalo III s’éteignit dans sa résidence d’Alger. Son dévouement au service des soldats français lui avait valu le Grand Cordon de la Légion d’Honneur.
Entre 1920 et 1940, Madagascar connut son premier grand développement économique et international, bénéficiant par ailleurs de la politique assez positive des infrastructures publiques voulue par la France. A la veille de la Deuxième Guerre, alors que 4.500 français servaient à Madagascar et que 2.700 malgaches étaient envoyés en métropole pour renforcer les unités combattantes, le ministre des Colonies dont nous ne cessons d'abreuver nos pages, Georges Mandel, né à Chatou 10 avenue du Chemin de Fer le 6 juin 1885, ordonna, à la demande du gouverneur Cayla, de faire ramener à Tananarive les cendres de la reine Ranavalo. Décidée en septembre 1938, cette mesure demeure sans doute le plus grand acte de dignité de la France dans cette tragique aventure.
Source :
- "Le Miroir du Monde - Le Monde Illustré" - 17 septembre 1938
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19/11/2013
IL Y A 80 ANS, GEORGES MANDEL CLAMAIT LA VERITE A LA CHAMBRE
Le 9 novembre 1933, le natif de Chatou Georges Mandel, ancien chef de cabinet de Clemenceau (1917-1920), député non-inscrit du centre droit (1919-1924/1928-1940), interpella le ministère Sarraut et la Chambre des Députés sur le réarmement de l'Allemagne et la violation du Traité de Versailles. Nous sommes allés chercher son intervention dans les Archives de l'Assemblée Nationale pour en transcrire quelques extraits :
"(...) Nos voisins d’Outre-Rhin, c’est évident, n’ont jamais pris leur parti de la défaite. Ils n’ont qu’un objectif : démanteler les traités pour que, selon le mot de leur maréchal-président, « les anciennes terres allemandes redeviennent allemandes ». Et tour à tour, avec Stresemann, avec Curtius, avec Bruning, ils avaient essayé, en « finassant », de réaliser leurs desseins par des voies pacifiques.
Mais, depuis l’avènement du Troisième Reich, ils comptent de nouveau sur l’emploi de la force ; et alors que, jusque-là, ils s’étaient bornés à éluder secrètement les clauses militaires du traité, qu’ils avaient « cherché par des chemins de traverse », comme au temps de Stein et Scharnost, à relever leur puissance guerrière, les voici qui jettent à nouveau le masque et qui se disposent à réarmer, sans doute ouvertement, après le 12 novembre. Or, quelle va être la riposte du gouvernement ? (…)
(...) Tandis que tous les autres pays victorieux ont augmenté leurs dépenses de défense nationale – l’Angleterre de 20,9%, les Etats-Unis de 56,6%, l’Italie de 77%, le Japon de 203% - la France est le seul qui, depuis 1913, ait à peu prés maintenu les siennes au même niveau.
Et, alors qu’elle avait abaissé la durée du temps de service à deux années, puis à dix-huit mois et enfin à douze mois, et réduit de moitié le chiffre de ses divisions métropolitaines, elle a accueilli le triomphe et l’avènement de l’hitlérisme par une diminution massive de 2 milliards sur ses crédits de la guerre, de la marine et de l’air.
Or, comment le Führer a-t-il répondu ? par des mesures que des socialistes tels que Monsieur Grumbach et que notre collègue Monsieur Weill ont qualifiées de « véritables mesures de guerre ». Ce serait dés lors de la démence que de se prêter à un affaiblissement quelconque de nos effectifs et à une destruction, même partielle, de notre matériel, sans autre contrepartie que l’organisation du contrôle.(…)
(...) Il est dés lors, bien évident que l’organisation du contrôle réciproque, même s’il est complété par le système de contrôle et de limitation budgétaire préconisé par notre collègue Monsieur Palmade, ne saurait constituer à aucun degré une garantie suffisante, car il est singulièrement plus aisé de frauder dans un pays de dictature, où le secret est de règle, que chez nous, par exemple, où tous nos préparatifs militaires s’étalent au grand jour d’un budget librement discuté par le Parlement et la presse, et où des dénonciateurs éventuels pourraient se dresser de toutes parts sans s’exposer d’aucune manière à l’auréole du martyre.(…)
(…) Mais, je le répète, je me reprocherais d’insister, car, quelques légitimes inquiétudes que puissent inspirer tel ou tel projet, celles-ci n’importent guère par rapport à ce fait capital que, tandis que les chancelleries poursuivent, avec leur lenteur traditionnelle, des échanges de vues sur les moyens les plus sûrs d’organiser la paix par le désarmement, les Allemands, eux, continuent à armer à toute vitesse.
Et, à moins que nous n’avisions, ils finiront par effacer, par annuler la marge de supériorité militaire que nous avions gardée jusque-là. Il est alors à craindre qu’ils ne soient tentés de profiter de la période des classes creuses, qui correspondra à ce délai de trois ou quatre ans réclamé par Hitler, pour nous acculer à ce dilemne tragique : la révision générale des frontières ou la guerre.
(…) De l’aveu de tous ceux qui en reviennent, l’Allemagne s’est transformée en un vaste camp en armes. La militarisation s’y effectue dans tous les domaines.
Un défilé des jeunesses hitlériennes en 1933
Elle commence à l’école, à l’université, où l’instruction militaire est devenue obligatoire, pour se continuer par la conscription camouflée, le travail obligatoire, les milices hitlériennes.
Celles-ci constituent d’ailleurs, une puissante armée qui, selon les déclarations du chef d’état-major Roehm, comprend, avec de grandes unités de transports automobiles, 18 divisions d’inégale importance, se composant de 59 brigades, soit, en y ajoutant les Jungsthalhelm, un total de 900.000 hommes, dont beaucoup sont encasernés.
De telle sorte qu’avec la Reischweihr, la police auxiliaire, qui a été créée en mars 1932 en violation de l’article 162 du Traité de Versailles et qui sera peut être supprimée ces jours-ci, mais qui sera alors remplacée par les milices fournies par l’organisation du travail obligatoire, le Reich dispose d’un effectif quasi-permanent de 800.000 à 900.000 hommes, soit prés du double de notre armée métropolitaine, qui est, du reste, moins nombreuse qu’elle ne l’était aux temps pacifiques de la Monarchie de Juillet.
Est-il besoin d’ajouter que ces formations sont constituées d’unités de toutes armes, qui disposent pour partie d’un matériel de qualité au moins égale à celui des meilleures années, ne serait-ce que parce qu’il est de fabrication ultra-récente.
Les régiments de police, par exemple, ont des fusils, des mitrailleuses, de l’artillerie de campagne, jusqu’à des autos canons.(…)
Les nazis possèdent une aviation dont les escadrilles qui ont été organisées par pays, ont pris depuis le mois de mars dernier un tel développement, que, selon les déclarations d’un chef de groupe, le comte Helldorff, elles comptent à elles seules près d’un tiers des pilotes de l’ensemble du Reich, soit environ un millier, tandis que – comparez les chiffres, ils sont suggestifs – le nombre des brevets de pilote de ligne délivrés annuellement en Allemagne oscille entre 115 et 150, contre 66 en France ; et dans l’aviation commerciale où ont été construits des appareils de manière à pouvoir être transformés en quelques heures en avions militaires, on a décerné, rien qu’en 1932, 1614 brevets de pilote contre 906 en France.
Par ailleurs, un grand constructeur étranger d’aéroplanes qui va fréquemment en Allemagne pour ses affaires, qui n’y était pas allé depuis quelques temps et qui en revient après y avoir fait des constatations édifiantes, m’a communiqué les renseignements suivants dont je n’ai pas à souligner l’intérêt (…)
« L’Allemagne, dit-il, fait un prodigieux effort pour son aviation. Elle a déjà commencé la fabrication de nombreux avions militaires, et si elle prend grand soin de représenter que ces fabrications sont faites pour des besoins commerciaux, elle ne peut cependant plus donner le change. C’est ainsi que la Deutsch Luft Hansa vient de commander chez Junkers 50 avions trimoteurs qui sont utilisables pour des reconnaissances à grande distance et pour le bombardement. Junkers a même reçu l’ordre de fabriquer la presque totalité de ces avions sous leur forme militaire, qui ne diffère d’ailleurs de la forme commerciale que par quelques détails d’aménagement.
Heinckel vient de recevoir la commande de 100 avions de combat, puissamment armés, portant deux observateurs capables d’emporter des bombes et doués d’une vitesse qui atteint 350 km/h." C’est un avion de ce type qui a fait vendredi dernier le voyage Berlin-Seville.
Les Bayrerische-Werke sont en train de fabriquer 100 moteurs d’un type américain de 700 chevaux dont ils viennent d’acheter la licence, et 15 autres constructeurs font des avions de même qualité alors que l’Angleterre n’a en tout que constructeurs.
Tous les avions allemands restent dehors et, contrairement aux avions français, n’ont pas besoin de hangars, ce qui doit accroître leur mobilité et faciliter leur utilisation. Les 18 usines actuelles – statistiques officielles – sont capables, en moins de six mois, de sortir une flotte aérienne considérable.
Au reste, l’Allemagne peut remettre en route, également dans le secret, les usines dont elle s’est servie pendant la dernière guerre. En tout état de cause, avec ces 18 usines qui fonctionnent à l’heure présente à plein rendement, l’Allemagne sera en mesure de construire d’ici juin 1934, 2300 avions par mois.
En attendant, en violation formelle des accords, les nazis ont aménagé sur la rive gauche du Rhin, à Bekemberg, prés de Gelsenkichen, un vaste aéroport qui constitue peut être le plus grand camp pour le vol à voile de l’Europe, et ils ont établi une dizaine d’autres camps – j’en ai là la liste – en sus de ceux qui étaient autorisés, dans la zone rhénane démilitarisée, sans que notre gouvernement ait plus protesté à ce sujet que contre la présence, dans cette même zone rhénane démilitarisée, de forces de police et de formations hitlériennes groupant jusqu’à 130.000 hommes, qui s’y livrent à un entraînement militaire méthodique.
Il ne faut donc pas s’étonner si les Allemands, qui avaient toujours, depuis 1920, fait fabriquer en fraude du matériel de guerre à l’étranger, en Suède, en Hollande notamment, ne se sont plus gênés pour en faire chez eux et, même, pour préparer dans des laboratoires tels que ceux de Hambourg, des gaz empoisonnés et toxiques.
Les preuves de ces infractions abondent. C’est ainsi qu’en tenant compte des seules dépenses immédiatement apparentes, l’Allemagne consacre à son armement 30% de plus que la France.
Monsieur de Marcé a pu établir, chiffres en main, que si l’Allemagne n’avait disposé que des crédits spécialement affectés à cet effet, elle aurait pu acquérir depuis 1931 15.000 mitrailleuses au lieu de 2336 autorisées par le Traité de Versailles, 1250 canons au lieu de 337 autorisés par le traité, 1300 minenwerfer au lieu de 258.
D’autre part, tandis que l’ensemble des importations en Allemagne diminuait, celle des matières premières telles que le cuivre , le manganèse, le nickel, les riblons propres à la fabrication du matériel de guerre augmentait dans la proportion de 1 à 3 à 5 et à 6 ; les importations de bauxites, c’est-à-dire des minerais d’aluminium qui sont nécessaire à la fabrication des cellules d’avions et qui étaient en 1932 de 400 à 500 tonnes par mois, en sont arrivées à dépasser 5500 tonnes ; et alors que l’Allemagne exportait suivant les années 30.000 à 50.000 tonnes de goudron de houille, qui donne par distillation des huiles légères servant à la fabrication des explosifs supérieurs, elle en a importé 15.000 tonnes pendant ces derniers mois.
Durant ce temps, une quarantaine d’usines – et elles ne sont pas toutes autorisées, j’en ai là l’état mais je vous en épargne la lecture – une quarantaine d’usines, de fabriques de matériel de guerre, de poudres et d’explosifs ont augmenté l’effectif de leur personnel.
Krupp, qui fabrique un 77 silencieux portant à 12 kilomètres, a pris des ouvriers en surnombre. De même, Daimler, Bussing, qui font des tanks, des automitrailleuses, Mauser, dont vous connaissez la spécialité, a été jusqu'à doubler le chiffre de son personnel.
Ainsi a-t-on assisté en bourse, malgré la dépression du marché, à une hausse continue des valeurs des maisons qui travaillent pour la défense nationale. Certaines d'entre elles, que Monsieur le Ministre doit connaître - il me fait un signe d'assentiment, je n'en suis pas surpris - qui avaient, du reste, changé de nom et de destination depuis 1918, n'ont pas hésité à s'intituler de nouveau "Fabriques d'armes et de munitions".
Dans ces conditions, vous pensez bien - et je n'ai fait que citer quelques faits entre beaucoup d'autres - on ne peut plus avoir l'illusion que l'adoption à Genève d'une convention de désarmement, à laquelle je ne verrais pour ma part que des avantages, pourrait encore produire un tel effet moral qu'elle empêcherait l'Allemagne de réarmer.
Permettez-moi de vous le dire, mon cher Guernut. Vous me faites l'effet de ces généraux qui prépareraient aujourd'hui la guerre de 1914. Vous êtes à un stade périmé. Ce que vous vous flattez d'éviter s'est déjà produit.
Il ne faut plus parler, comme le fait tout le temps Monsieur Léon Blum, des armements de l'Allemagne au futur, mais bien au passé ou au moins au présent. Plus en tout cas au futur.
Il résulte de renseignements précis, puisés aux meilleures sources et qui, j'en suis sûr, correspondent à ceux recueillis par le gouvernement, qu'à l'heure présente, l'Allemagne est en mesure de mobiliser, en l'espace de moins de 5 jours, un minimum de 45 divisions, soit 25 provenant de la démultiplication de la Reischwehr et 20 constituées des éléments nazis les plus jeunes et les mieux entraînés des formations S.S. et S.A, sans préjudice d'un grand nombre de divisions de Grenzschutz destinées à la couverture immédiate de la frontière. Et elle a poussé sa mobilisation industrielle jusqu'à un tel degré de perfectionnement que, grâce aux masses d'hommes dont elle dispose, elle serait sans doute vite prête à en lever d'autres.
Il n'y a plus, dès lors, d'hésitation possible. (...) Nous sommes dans une situation à peu prés semblable à celle dans laquelle nos aînés se sont trouvés au moment de Sadowa (*victoire de la Prusse sur l'Autriche en 1866), quand Monsieur Thiers proclamait, à cette même tribune, avec une clairvoyance prophétique, qu'il n'y avait plus une faute à commettre. Aujourd'hui comme il y a soixante sept ans, la paix ne peut être sauvée qu'au prix d'une action aussi prompte qu'énergique.
(...) Voyez-vous, il faut avoir le courage de l'avouer : à l'action qui s'impose, oui, il y a un obstacle. Un seul, mais il est grand. C'est cette atonie de notre propre opinion ; et chez nos dirigeants, cette phobie de l'action, qui sont révélatrices du trouble, de l'affaissement moral, qui, comme le notait justement l'éminent président du Sénat *, est à l'origine de la plupart des difficultés de l'heure, qu'elles soient d'ordre économique, financier ou extérieur. »
* Jules Jeanneney, ancien secrétaire d'Etat dans le cabinet de guerre de Clemenceau (1917-1920), président du Sénat (1932-1940), appartenant au groupe radical-socialiste. Comme Georges Mandel, il demandera en vain avec son collègue Edouard Herriot président de la Chambre des Députés au président de la République Albert Lebrun la poursuite des combats en Afrique du Nord avec la Flotte (4ème flotte mondiale) au lieu de l'appel au maréchal Pétain pour succéder au cabinet Reynaud démissionnaire (16 juin 1940). A ce sujet voir notre article "L'invasion allemande et l'affaire de l'Armistice" dans la rubrique "Chatou et la deuxième guerre mondiale".
Cérémonie du 5 juin 2008 organisée par l'association Chatou Notre Ville pour la pose du médaillon offert par La Société des Amis de Georges Clemenceau présidée par Monsieur Marcel Wormser sur la maison natale de Georges Mandel à Chatou ,10 avenue du Général Sarrail
Discours d'inauguration du médaillon de Georges Mandel sur sa maison natale du 10 avenue du Général Sarrail le 5 juin 2008 prononcé par Pierre Arrivetz
"Monsieur le Sous-Préfet, Monsieur le Maire, Monsieur le Bâtonnier, Cher Monsieur Wormser, Mesdames, Messieurs les élus et présidents d’associations, Mesdames, Messieurs,
L’association Chatou Notre Ville tient à vous remercier de votre présence sur ce site emblématique d’une histoire du XXème siècle. D’entrée, je tiens à préciser que cette cérémonie, organisée par l’association, compte derrière elle, le dévouement particulier de Monsieur et Madame Caillaud, propriétaires de la maison natale de Georges Mandel, la contribution éloquente de l’association des Amis de Georges Clemenceau à qui l’on doit le médaillon, le bon accueil de Monsieur Fournier, maire de Chatou, qui nous a offert le concours des services techniques et la communication du journal municipal, enfin la mise à disposition d’une partie du budget de nos adhérents au service de votre information et du petit buffet qui doit suivre.
Il y a onze ans maintenant, notre association avait organisé salle Jean Françaix une conférence sur Georges Mandel à l’occasion de la parution du livre couronné du prix de l’Assemblée Nationale du bâtonnier Favreau, dont je salue la présence ce soir, qui s’était déplacé à Chatou pour nous conter l’histoire de cet homme singulier. Cet ouvrage amplifiait des travaux précédents, non moins conséquents, sur une figure qui éclaire gravement notre passé.
Né au 10 avenue du Chemin de Fer lors de la villégiature de ses parents à Chatou (aujourd’hui 10 avenue du Général Sarrail), Georges Mandel entra dans la vie publique par une bataille, celle de l’apprentissage qu’il réalisa dans le milieu journalistique et politique. Cette première expérience évolua lors de l’accession de son chef, Georges Clemenceau , à la tête d’un cabinet de guerre en 1917 formé pour la victoire de nos armées. Georges Mandel, travailleur acharné doté d’une mémoire peu commune et d’une perspicacité évidente, qui ne disposait d’aucun diplôme, ne se rendait pas sympathique, traitait les adversaires du Tigre avec des formules lapidaires et n’hésitait pas à ressortir à titre dissuasif les papiers compromettants de tel ou tel pour déjouer les complots, permit à Georges Clemenceau de jouer à plein son rôle d’homme providentiel. A 32 ans, et après 13 ans de bons et loyaux services, le natif de Chatou devint en effet le chef de cabinet du sauveur de la patrie.
Dans un film diffusé récemment par les Archives Départementales des Yvelines et prêté par le Service des Armées, on aperçoit le jeune Mandel au cours des réunions du Traité de Versailles, pendant lesquelles Georges Clemenceau tentait d’imposer la voix de la France martyre.
Après avoir reçu en héritage la victoire poursuivie par le Tigre, Georges Mandel put donner sa mesure dans la France meurtrie. Ce fut sa seconde naissance. Candidat aux élections en Gironde dans l’arrondissement de Lesparre en 1919, il se fit élire sous les couleurs du Bloc National, et après une défaite aux élections de 1924, redevint député comme conservateur indépendant dans cet arrondissement, de 1928 à la seconde guerre mondiale. Ses élections, homériques à un point que l’on ne peut plus soupçonner aujourd’hui, étaient ponctuées d’attaques antisémites provenant de ses adversaires tant de droite que de gauche.
Devenu ministre en 1934, il fut l’un des rares rescapés de la vague du Front Populaire en 1936, réussissant le tour de force de se faire élire à la Chambre au premier tour. Sait-on aujourd’hui que Georges Mandel, président de la commission du suffrage universel et soucieux de réformer le système des partis, se battit en 1931 pour l’élection à un tour et le droit de vote des femmes ?
Pourquoi Georges Mandel fut-il l’un des hommes les plus attaqués de son époque, alors que tant d’autres, par leurs erreurs ou leur faiblesse, échappaient à la vindicte ? parce qu’il avait commis le pêché mortel de défendre l ‘application du Traité de Versailles contre le réarmement allemand, qu’il osait être juif sans être de gauche, qu’il luttait contre l’aveuglement en publiant dans son journal des extraits de Mein Kampf en 1934, qu’il dénonçait toutes les démissions concernant la stratégie et la défense de la France, qu’en plein effondrement il prônait la poursuite des combats dans les Colonies, qu’il avait lui-même armées et qui devaient se révéler un bastion contre l’envahisseur.
Mandel imposait une cohérence implacable à tous ceux, qui pour assurer leur avenir, préféraient ignorer les impératifs de sécurité nationale. En somme, son erreur fut d’avoir raison trop tôt dans une France vaincue par le traumatisme de la Grande Guerre.
En tant que ministre, Georges Mandel trancha avec ses contemporains par son efficacité. Toujours confiné dans des ministères subalternes pour ne pas déplaire à l’état-major et ne pas porter ombrage aux leaders radicaux-socialistes qui s’arqueboutaient aux leviers du pouvoir, il réussit partout où il passa ainsi que nous le rappelle le bâtonnier Favreau dans son ouvrage : aux PTT, anémiés par la routine et les féodalités, il fut de 1934 à 1936 le ministre des usagers.
Il créa un service central des réclamations, rendit publiques les plaintes et les sanctions, abaissa le prix des communications téléphoniques et télégraphiques, répandit le téléphone dans les campagnes, créa un service de réservation téléphonique pour les théâtres, les trains, les bateaux et les avions, tenta en vain d’imposer le service postal du dimanche, créa la première compagnie postale aérienne intérieure, combattit les grèves en envoyant du personnel de remplacement.
Il fut également le ministre du progrès technique, mis au service du rayonnement de la France. Les grands postes émetteurs, d’une puissance de 60 kilowatts furent portés à 100 kilowatts., Radio-Colonial émit 24 heures sur 24 et ce, en 7 langues. Le ministre supprima la publicité sur les ondes d’Etat, assura la retransmission plusieurs fois par semaine des pièces des théâtres subventionnés et des plus grands concerts. En 1935, la radio fut même appelée à diffuser des cours de vacances pour les enfants du primaire et des lycées. Dés lors, on ne s’étonnera pas que le secteur de la construction de la TSF, concentré dans les usines Pathé de Chatou, connut un nouvel essor sous son ministère.
Enfin, Georges Mandel signa le 26 avril 1935 l’apparition de la première émission publique de télévision.
Chassé des PTT en 1936 par l’arrivée du Front Populaire, le ministre revint aux Colonies en 1938, qu’il arma et développa sur le plan économique. Malgré la politique de rattrapage qu’il imposa à ses subordonnés et une progression certaine, le temps manqua pour achever l’essentiel. Notons que le général Catroux, gouverneur d’Indochine, et Félix Eboué, gouverneur du Tchad, furent nommés par lui. On sait qu’ils devinrent des piliers de la France Libre.
En 1939, lorsque la propagande battait son plein, le journal « L’Ame Gauloise » n’hésita pas à qualifier Mandel de « constructeur d’empire ». L’engagement de l’Outre-Mer et de ses ressources au-delà de ce qui avait été réalisé en 1918, témoigna du combat quotidien du ministre pour vaincre la démission et lutter contrer l’ombre grandissante de l’hitlérisme.
Un moment de la vie de Georges Mandel demeure pour nous comme un signe du destin sur deux engagements historiques : c’est le passage à témoin que constitue l’entrevue de Georges Mandel ministre de l’Intérieur avec Charles de Gaulle sous-secrétaire d’Etat à la Défense le 13 juin 1940, à la veille de l’occupation de Paris par l’armée allemande. Selon le témoignage du Général dans ses Mémoires de Guerre, les propos du ministre en sa faveur l’impressionnèrent, le convainquant de ne pas démissionner et de s’engager dans la voie de l’appel à la résistance. Ensuite, c’est une encre noire qui étreint la vie de ce Catovien de naissance.
Si Churchill fit tout pour sauver Mandel, celui-ci refusa de s’expatrier pour ne pas être accusé d’être un juif traître à son pays. C’est ainsi qu’après quatre ans d’emprisonnement à l’initiative du régime de Vichy, Georges Mandel fut livré par la Gestapo à la Milice.
Son assassinat par des compatriotes, est une tragédie au regard de l’histoire, au regard de cette aventure de résistants politiques qui avaient compris que le destin de la France ne devait pas se jouer entre les mains de ses oppresseurs mais de ceux qui pour toujours, incarneraient l’esprit de son indépendance et de sa liberté.
Saluons donc votre naissance Georges Mandel, elle est pour Chatou une fierté et pour les générations futures, le début d’un combat mis en lumière par des historiens de talent, comptant désormais - hommage suprême -, l’actuel président de cette patrie que vous avez toujours su défendre."
Le Courrier des Yvelines qui a "couvert" cette manifestation
Des images émouvantes. L'hommage à Fontainebleau sur le lieu de l'assassinat autour de la stèle de Georges Mandel de Léon Blum, chef du dernier Gouvernement Provisoire de la République Française (16 déc.1946-16 janv.1947), en présence du fils de Winston Churchill, Randolf Churchill. Et Léon Blum embrassant à cette occasion Béatrice Bretty, sociétaire de la Comédie Française et compagne de Georges Mandel - Le Monde Illustré 20 juillet 1946 -
Une très belle photographie de Claude Mandel, fille du ministre assassiné qui vécut dans la maison natale de Georges Mandel à Chatou jusqu'en 1994, avec un Conseiller de la République Camerounais lors d'un hommage au Ministère de la France d'Outre-Mer pour le troisième anniversaire de la mort de son père, ministre des Colonies de 1938 à 1940 - Le Monde Illustré 19 juillet 1947 -
Publié dans . PERSONNALITES DE CHATOU, : GEORGES MANDEL, CHATOU ET L'ENTRE-DEUX-GUERRES | 23:48 | Commentaires (2) | Lien permanent
08/11/2013
ANTHYME DUPRE (1865-1940), L'AVENTURE INDOCHINOISE
Timbre de 1904-1906 - collection de l'auteur
Comme nos lecteurs l’auront constaté, le blog de l’association s’attache autant en matière d’histoire locale à l’histoire générale de la cité, objet de publications diverses de sa part, qu’au destin de ses habitants. A ce sujet, dans le cadre de l’expansion coloniale du pays dont on ne peut nier ni les mérites ni les violences, devons-nous citer un natif de Chatou, Louis Léon Marie Anthyme Dupré, né le 10 novembre 1865 avenue Esther Lacroix dans la maison de campagne de ses parents, Monsieur Albert Dupré, inspecteur des Finances, et Madame Léonine Siran.
Acte de naissance d'Anthyme Dupré signé notamment du maire de l'époque Monsieur Jean - Pascal Castets (1861-1866) - Source : archives municipales de Chatou, remerciements de l'auteur à Madame Corinne Charlery.
A 25 ans, Anthyme Dupré entra dans l’histoire de l’Indochine, dans sa partie nord, le Tonkin. En marge de la politique d’expansion coloniale, la conquête du Tonkin avait résulté d’une initiative individuelle : celle d’un commerçant, Jean Dupuis, établi sur le Yang-Tsé-Kiang. Celui-ci avait remonté en 1873 le fleuve de Hanoï à Mang-Hao, ville frontière du Yunnan, en nouant des contacts commerciaux avec mandarins et tonkinois.
La cour d’Annam s’en inquiétant et faisant obstruction à l’action du commerçant français, celui-ci se retrouva en péril. L’apprenant, l’amiral Dupré, gouverneur de la Cochinchine, expédia au départ de Saïgon deux canonnières et 180 hommes pour venir à son secours. Le 20 novembre 1873, se heurtant au maréchal Nguyen, commandant de Hanoï, une bataille fut livrée et emportée par l’escadre française.
C’est alors que les mandarins annamites firent appel aux Pavillons-Noirs, une armée de pillards, qui attaqua Hanoï le 21 décembre 1873. Les français les repoussèrent, non sans le massacre de leurs officiers. Le gouvernement du duc De Broglie, alors en place, désavoua toute l’opération, restitua le territoire aux Annamites, 25.000 tonkinois étant assassinés aussitôt en représaille à l’aide aux français des populations locales.
Un traité fut signé par la France avec le roi d’Annam le 15 mars 1874. Contre la remise de 5 bâtiments à vapeur, 1000 fusils, 500.000 cartouches, la France reconnut le royaume d’Annam en échange de l’ouverture à la navigation du Fleuve Rouge et de la reconnaissance de la France au titre du protectorat de la Cochinchine.
Cette situation ne devait être que précaire. De nouvelles agressions par les Pavillons-Noirs se produisirent dix ans plus tard. Jules Ferry, alors président du Conseil, était à l'origine en 1882 d'une conquête qu'il voulait pacifique du Tonkin. Mais l'affaire dégénéra, le commandant Rivière s'emparant de Hanoï, et finissant décapité par les Pavillons-Noirs. Ferry envoya un corps expéditionnaire. Celui-ci se heurta non seulement aux Pavillons-Noirs mais aux troupes chinoises. Ce n'est qu'en 1885, après le renversement de Jules Ferry, que l'occupation militaire se solda par la reconnaissance de la présence française au Tonkin par la Chine.
Carte tirée du manuel "Histoire Contemporaine depuis 1789" de Gustave Ducoudray (Hachette 1902) - collection de l'auteur.
On distingue Nam-Dinh sous Hanoï - même document
C’est ce contexte qui s’ouvrit au jeune Dupré, au parcours singulier. Celui-ci arriva en effet 1890 en Indochine et travailla à la Banque de l’Indochine pendant sept ans. Il devint directeur de la banque d’Hanoï vers 1896, ce qui lui donna les moyens de songer à un projet industriel à partir de l’analyse des marchés existants. C’est ainsi qu’après avoir pris en gérance la Filature de Coton de Hanoï, il décida en 1900 de créer une industrie cotonnière destinée au marché colonial et recouvrant tous les métiers et applications du coton, vêtements, pansements, couvertures, tissage, teinture...
Se posant en concurrent de l’industrie cotonnière des Indes anglaises, Anthyme Dupré bénéficia de droits de douane favorables aux entreprises nationales. Ce fut la naissance de la Société Cotonnière du Tonkin à Nam-Dinh puis, pendant la Première Guerre Mondiale, de la Société des Scieries et de Fabriques d’Allumettes du Thanh-Hoa à Hamrong en Annam.
La main d’œuvre employée fut considérable. En 1930, selon le dossier du ministère des Colonies, les deux industries répondaient de l’emploi de plus de 7.000 personnes alors qu'en 1940, le chiffre de 15.000 personnes fut cité dans l'hommage du journal "La Volonté Indochinoise".
Une œuvre sociale fut appliquée par Anthyme Dupré au développement de ses entreprises : les lois sociales métropolitaines furent appliquées sans demande de dérogation, l’aération, l’éclairage des bâtiments furent privilégiés, l’eau potable et le thé chaud furent proposés dans tous les ateliers, des terrains de sports comprenant tennis mis à disposition des employés, des villages en paillotte construits pour les anciens ouvriers et leur famille pour leur assurer un logement décent, une retraite organisée sur retenue de salaire pour tous les employés totalisant 25 ans de services, des frais d’études offerts aux enfants des agents européens, le versement des indemnités à tous les agents mobilisés par la guerre.
Chevalier de la Légion d’Honneur le 7 juin 1920, Anthyme Dupré fut élevé au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur le 4 mars 1930 par le ministre des Colonies du gouvernement Tardieu, François Piétri.
Cet homme, qui avait eu la passion de l’Indochine, ne vit ni les désastres ni les massacres de la Deuxième Guerre Mondiale et de la Guerre d’Indochine qui s’ensuivit. En 1954, au départ de la France, l’entreprise revînt entre d’autres mains mais ses usines survécurent, et font aujourd'hui partie de l’industrie nationale vietnamienne pour la production cotonnière cependant que la maison d'Anthyme Dupré a été transformée en musée.
Publicité 1953 pour la Société Cotonnière du Tonkin montrant l'étendue des aménagements.
En 1939, sa société avait produit 1 million de couvertures et fournissait du fil à 120.000 tisserands locaux. Elle était devenue l'une des plus grandes industries indochinoises, occupant la 4ème place des entreprises françaises en Indochine derrière la Banque de l’Indochine et deux entreprises de caoutchouc.
Anthyme Dupré, domicilié 7 Square Moncey dans le 9ème arrondissement de Paris, s’éteignit le 24 janvier 1940 à Cotefort en Haute-Savoie.
* Rappelons que les industries Pathé enregistrèrent les chants traditionnels du Tonkin via leur filiale Pathé Phono Cinéma Chine (cf notre livre "Chatou, une page de gloire dans l'industrie") et en firent don aux Archives de la Parole. Deux exemplaires sont présentés sur le site Gallica (reproduction ci-dessous).
Bibliothèque Nationale de France
Sources :
- Base Léonore
- Gabriel Hanotaux : "Histoire de la France Contemporaine" 1871-1900 - volume II
- Histoire de France - Larousse - La IIIème République (1985)
- http://belleindochine.free.fr/CotonniereDuTonkin.htm
- http://lacotonniere.canalblog.com/
- Gallica
03/11/2013
QUAND L'ILE ETAIT "DANS LE COLLIMATEUR" COTE CARRIERES-SUR-SEINE
L’Association, qui s’est battue naguère avec succès contre un projet de complexe hôtelier dans l’Ile (1994) et est intervenue plus récemment d’un point de vue juridique contre l’implantation d’une tour sur les bords de Seine de Rueil (2011), ne pouvait que donner connaissance à ses internautes de l’article suivant :
"L’Ile de Chatou est, à son tour, gravement menacée par un projet aussi monstrueux qu’il veut être grandiose : l’édification d’une construction monumentale surmontée d’une tour haute de 200 mètres et flanquée d’un immense cinéma en plein air pour automobilistes, tel qu’il en existe aux Etats-Unis sous l’appellation curieuse de « Drive in Theatre ».
La maquette de cet ambitieux ensemble existe. Elle était exposée – il est vrai – à la mairie de Carrières pour la durée de l’enquête publique préalable à la demande d’autorisation de construire, enquête que, visiblement, on a voulu escamoter, mais dont les conclusions grâce à la vigilance de quelques-uns, n’en devraient pas moins être singulièrement défavorables.
C’est qu’il y a plusieurs raisons essentielles pour s’opposer à ce projet. La première : l’Ile de Chatou reste un havre de calme et de verdure exceptionnellement à l’abri du grand trafic. Elle possède un magnifique rideau de peupliers qui sont inscrits à l’inventaire des sites protégés.
La seconde : l’Ile de Chatou figure au plan d’aménagement de la région parisienne au titre d’espace vert et d’emplacement de terrains de jeu.
Il faut croire néanmoins qu’il existe des possibilités de passer outre ces considérations puisqu’une importante société n’ayant pas pour habitude de s’engager à la légère, a commencé d’y acheter des terrains et a entrepris des frais importants pour la réalisation d’une maquette définitive.
Or, il y a tout juste huit jours, à l’occasion de la journée d’étude de La Ligue Urbaine et Rurale, qui s’est tenue à Paris, Monsieur Robert Sudreau, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, annonçait deux mesures bien précises, propres à éviter désormais des actes de vandalisme tels que nous en avons souvent dénoncés ici-même, ou des constructions abusives.
L’une de ces mesures, justement, vise plus particulièrement la protection, la conservation et la restitution des bois, forêts et espaces verts.
Implicitement, c’est le rejet pur et simple du projet de Chatou.
Si, sur le plan de l’architecture, le « building » en question est séduisant, l’emplacement choisi pour son édification est mauvais. C’est contre cela que nous nous élevons. Ce gratte-ciel de 200 mètres de haut (les deux tiers de la Tour Eiffel) garantit l’enlaidissement de tout le centre de Carrières-sur-Seine, par son implantation dans l’axe de la mairie, ancienne demeure de Madame de La Vallière, et de son parc magnifique dessiné par Le Nôtre. A ce propos, on ne veut pas croire les bruits selon lesquels les jardins de Le Nôtre doivent subir des transformations afin d’y aménager…une piscine.
« Chacun s’incline devant les impératifs d’une nécessaire modernisation, écrivait hier notre éminent collaborateur et ami André Siegfried, mais n’est-il pas des cas où d’autres considérations doivent avoir le pas, le maintien, par exemple, de sites illustres, de parcs hérités de la tradition, d’espaces verts aussi nécessaires à l’hygiène qu’à la beauté de nos villes ?
D’autre part, a fait remarquer Monsieur Jean-Claude Marnez *, jeune architecte qui mène campagne contre cette nouvelle menace, l’affectation de la construction ne semble pas bien définie. Il est question, en effet, d’un « Centre de Liaison Européen » avec un hôtel, de services administratifs de sociétés privées qui domineront de leurs 200 mètres de haut…
Nous nous rangeons à son avis : il semblerait préférable de placer un tel ensemble prés de la route monumentale qui doit, dans les années à venir, relier le rond-point de la Défense à Maisons-Laffitte, plutôt que dans une des seules régions très proches de Paris qui n’a pas subi la pousse des grandes constructions et dont le charmant paysage reste à peu prés tel que l’ont peint Manet et les Impressionnistes.
Jacques Nosari
Le Figaro - 16 décembre 1958
Note de l’auteur de cette transcription : * la famille Marnez de Carrières-sur-Seine compte plusieurs générations d’architectes qui ont honoré notamment l’architecture en pierre de taille dans la Capitale et continue aujourd’hui l’œuvre de ses aïeux (cabinet R. Marnez de Neuilly-Sur-Seine). Ce détail en amène un autre : à Carrières-sur-Seine également est né l’architecte Alfred Gaultier (1847-1909), auteur des villas Lambert à Chatou, ensemble comprenant château et villas, joyau des architectures néo-gothique et néo-renaissance des années 1880-1890, répertorié à l’Inventaire mais malheureusement non inscrit au titre de la protection des Monuments Historiques ou des sites à conserver.
N.B : Le Figaro au même titre que Le Monde et Le Moniteur avaient également fait l’honneur de la presse en consacrant de pleines pages sur la destruction de l’usine Pathé-Marconi de Chatou en 2001-2002 à la requête de l’association. Ces articles avaient conduit à un reportage au journal de TF1 de 20 heures et à une reconnaissance particulière de la cause défendue par l’association au Salon du Patrimoine au Carrousel du Louvre en 2002, 800 personnes de toutes nationalités s’étant empressées de signer sa pétition durant les 4 jours du Salon.
Publié dans # PATRIMOINE MENACE, IL Y A 60 ANS, LE PROJET DE TOUR A CARRIERES-SUR S | 16:05 | Commentaires (0) | Lien permanent